lundi 28 mai 2012

La vie est dans : L'Après

Je suis poursuivie par mes anciens étudiants.

La vie, quand tu enseignes dans le même quartier qui te loges, c'est un peu ça. Tes étudiants te font payer à la caisse. Mettent de l'essence dans ta voiture. Déchirent ton billet au théâtre. Parfois même, ils viennent à ton travail rémunéré et sont comme un peu perturbés de te voir réduite à ça, à l'amorphisme, à l'ennui et au silence dans l'activité qui te permet de payer ton loyer. Leur sourire navré fait écho à ta propre peine de n'avoir pas encore trouvé l'emploi rare, la perle, qui te permettra de mettre le pied dans le grand bassin de l'enseignement.

Bref, ça commence toujours avec des fleurs. J'ai des témoins pour le dire : mes anciens étudiants ont beaucoup apprécié ma performance et ont trouvé la transition difficile quand je suis partie. J'adore quand ils me disent ça : ça flatte une partie très peu reluisante de ma personne, ces temps-ci : mon petit égo meurtri. Je me laisse bercer par leurs beaux mots, leurs compliments, en me disant que c'est gratuit et que c'est bien tout ce que je peux me payer, ces temps-ci. Puis, comme on a du temps (c'est mort, à la job, ces temps-ci), mes étudiants et moi, on continue de jaser, et ça finit toujours par LA question à cent balle.

« Tu vas faire quoi, après? ».

Calvaire.

Je pensais que cette question-là, on se la posait après le bacc. Je me souviens du vent de panique, dans le programme de Lettres, alors que tout les futurs-gradués se posaient la même question : « Pourquoi, for hell, que j'ai étudié là-dedans?!? ». Au moins, la réponse était claire : ou t'étudies autre chose, ou tu te trouves une job relativement connexe, ou tu essaies de vivre de ton écriture en choisissant l'une des deux options connexes : A) Crever de faim ou B) Crever de faim.

Sauf que là, je suis supposée avoir un métier. Wow, je suis enseignante! Drette de même. J'ai le papier pour le prouver (enfin, je l'aurai le 16 juin, si c'est pas remis au mois d'août...en tout cas, c'est compliqué).

Théorisons.

Mettons que le marché du prof est en baisse, ces temps-ci. Faut attendre que ça meure, ces p'tites bibittes-là, ça a l'air. Je pourrais bien m'essayer au secondaire, mais comme je n'ai pas de brevet et que je ne connais personne de l'intérieur, ce sera plutôt difficile. Le tutorat parait une bonne solution, mais à cette période avancée de l'année, me trouver une place paraît utopique : je devrai attendre en automne. Il y a aussi plusieurs programmes de francisation qui se donnent l'été...sauf que je ne peux compromettre un emploi stable à l'année pour un job occasionnel d'une saison. Mon loyer va m'attendre à l'automne, tsé.

Alors quoi? Je continue à envoyer les C.V.s et je croise les doigts en serrant les dents? Peu probable. Je suis trop proactive pour ça. Je commence la maîtrise sur mesure en éducation? Mouais...encore une fois, pas de promesse d'embauche. Une autre année de perdue (pardon, d'« investie ») pour rien me tente moyen. Maîtrise en littérature? Voire « Crever de faim » un peu plus haut.

Ne me reste que quelques options :
A) Marier quelqu'un de riche.
B) Coucher avec le mari de quelqu'un qui a réussi à marier quelqu'un de riche, puis faire du chantage.
C) Faire un D.E.P. en plomberie.

...
C'est de l'humour. Mais quand même. On valorise l'éducation et l'instruction dans nos écoles pour projeter ensuite le bec des nouveaux professionnel dans une eau aussi opaque que profonde. La classe. Je vais pouvoir citer Sthendal en faisant des ballounes. Génial.

Je devrais commencer par fermer ce blog. Toto a eu son diplôme, encore. Il est toujours assis devant son ordinateur.  Il se demande encore ce qu'il va faire avec ça. Il se questionne.

J'étire la sauce. Mais  la grève étudiante a retardé mon dernier examen, je n'ai donc officiellement pas terminé mon programme. C'est l'été. Je travaille peu. Il pleut souvent.

J'ai du temps.
Ça vous emmerde si je tergiverse encore un peu?
C'est ça ou regarder sur le net les photos des bachelors millionnaires de downtown Limoilou...