dimanche 20 janvier 2013

La vie est dans : La première semaine

Quand on est nouveau prof dans une tout petit établissement, quand on est nouvelle résidente dans une toute petite ville, quand on est nouvelle colocataire pour une toute petite salle de bain, c'est certain qu'il s'en passe, des choses, pendant sa première semaine.

Je viens de Québec. J'ai un manteau mignon - et blanc, deux chats, une paire d'espadrille, une dégaine du dimanche matin en permanence. Je bois trop de café, je me lève à pas d'heure, je ne me couche jamais. J'écris, je patine, je tricote, je parle (beaucoup), je danse, je ris, je lis, je blogue, j'achète des cossins et je repeinture mes murs à chaque fois que je change d'humeur. J'ai aussi l'habitude de mener trois vies en même temps (trois jobs, trois meilleurs amis, trois boyfriends....meuh non!) et toutes de front, à part ça.

Pis là, j'arrive ici.

C'est pas que c'est tranquille, ici. Il se passe toujours quelque chose. Et ça a toujours un vague rapport avec la météo. Faut dire que, à mes deux premiers jours dans la région, il mouillait. Mais comme qui dirait beaucoup. Assez pour faire un sort à mon beau manteau blanc. Tant pis pour le cuteness. (je ne sais même pas s'il y a un service de nettoyeur, à Sept-Îles), ça ne m'a pas empêché de faire un peu d'exploration.

À mon premier jour, je me suis retrouvée au Cégep. Je dis bien retrouvée, parce qu'avant, j'étais perdue. Ici, le Cégep, il est dans le bois. Pas dans un sous-bois, là. Dans le bois-bois. Un érable, un chêne, un Cégep, un érable...En entrant, je suis allée à la Coop pour commander les livres de mes étudiants. Premier contact? Une petite madame Bonjour toute heureuse d'être contente mais qui n'a aucune idée de l'endroit où peut se cacher le département de français. Qu'à cela ne tienne, deux pas plus loin, je me faisais ramasser par le D.P. (comprendre : directeur des programmes) qui m'a reconnu au premier coup d'oeil et qui m'a amené gentiment jusqu'à ma coordonatrice.

Une vraie perle, ma coordo. Un mélange de Maya l'abeille et de la soeur volante. Artiste, travaillante, joyeuse, engagée...avec un goût vestimentaire remarquable. Moi qui avait fait un effort et avait troqué mon traditionnel coton ouaté/souvenir de Sissy (c'est-à-dire plein de poils de chat) pour un jupe-veston, je me sentais un peu drabe. Mais bon. Une fois les présentations faites à quelques nouvelles collègues, on m'a montré mon bureau (que j'occupe seule - suis-je en quarantaine??), la photocopieuse (qui ne marche jamais!) et la machine à café. Avec ça, je suis bonne pour un bout.

Le deuxième jour, après ma formation anti-terroristes (faut barrer la porte et se cacher en-dessous des bureaux...une prière, avec ça?) j'ai exploré Sept-Îles. Pas très compliqué, suffit de trouver la rue Laure. T'as besoin de quelque chose? C'est sur la rue Laure. T'as besoin de rien? C'est sur la rue Laure. Ici, y'a encore un Géant des Aubaines et un Rossy. Ils ont caché la caisse populaire (paraît qu'ils la rénovent, mais moi, je soupçonne un plan machiavélique pour m'empêcher d'avoir de l'argent cash sur moi) et la fille de la bijouterie me confond avec une de ses vieilles connaissances du secondaire.

Mercredi, j'ai sû que je devais remettre mes plans de cours pour...là, lâ. Je t'ai pagossé ça en me disant que le plus important, c'était la date des examens. J'improviserai la viande, ils n'ont besoin que des os...d'ailleurs, c'est tout ce qui intéresse mes pauvres étudiants. La date des examens et les oeuvres à l'étude, bien sûr.

D'ailleurs, je me permets une parenthèse. En tant qu'ancienne étudiante en lettres, je pouvais me targuer d'avoir une belle collection de livres à la maison. Non seulement j'avais la prescription de l'académie littéraire (genre la Chartreuse de Parme) mais aussi mon best of personnel. Or, quand on est enseignant, c'est très pratique d'avoir tout ça à portée de main. Monter un cours sans ses bouquins? Presque mission impossible. Alors j'ai lâché deux ou trois mots chrétiens quand le collège m'a rajouté un cours...Une chance, une collègue a été assez fine pour me prêter les siens.

Jeudi, j'ai travaillé mes séquences didactiques, j'ai terminé de dépaqueter mon char et j'ai jasé avec le colocataire et son amie. Tout le monde se connaît ici, et tout le monde connaît mon coloc. Sans trop de temps, je vais finir par connaître tout le village. Bon, lui me prend probablement pour une workaholic-maniaque du ménage- pas de vie-dépressive, mais il va finir par se rendre compte de ma personnalité flamboyante et de mon caractère peu commun.

Je l'ai quand même averti de ne pas s'attacher. Je m'en vais dans quatre mois.

Vendredi, j'ai su que, en plus de mes heures de cours, je devais être disponible pour le centre d'aide en français libre (le sans rendez-vous, finalement) au moins quatre heures par semaine. En plus, je dois donner des disponibilités à mon bureau. C'est qu'on est très présent, ici. Alors je me suis patenté un horaire. Avec Omnivox. Plate-forme très cool, en passant...et nouvelle. Oui oui, ici, Omnivox, la plate-forme 2.0 pour la communication étudiante, la TIC traditionnelle au collégial, la borne surutilisée dans le temps de mes années étudiantes, c'est nouveau.

Faut dire qu'Internet se rend depuis deux ans, à peu près. Faut pas charrier.

J'ai donc gossé mon horaire et je suis rentrée chez moi. Y'avait rien d'autre à faire, de toute façon : tout était fermé à cause du froid. C'était la première fois que j'entendais parler de ça, moi, des écoles qui ferment parce qu'il fait trop froid. Dans mon temps, on marchait pour aller à l'école, mais j'imagine que sans le bout de mon nez, je serais moins jolie. D'ailleurs, ici, tout le monde s'est déjà gelé quelque chose, et tout le monde se montre ses cicatrices d'engelures comme des blessures de guerre. Menfin.

Samedi et dimanche, j'ai dormi. Ça gruge, être une inDESScente qui travaille. Faut se rattraper quelque part.

Demain, j'enseigne. C'est quand même drôle. Voilà deux semaines, je n'étais qu'une humble libraire. Maintenant, je suis une near-to-be prof.

Et demain...y'a une classe qui va goûter de l'inDESScente.

Ils s'attendent à ça, vous pensez?

lundi 14 janvier 2013

La vie est dans : Sept-Îles

Mon colocataire joue de l'accordéon.

Il pleut, ici. On m'avait décrit un pays blanc de neige, blanc d'hiver. Où les gens se déplacent en ski-doo et se réchauffent à l'alcool fort. Pourtant, ici, l'hiver se fond et mouille les bottes jusqu'à la doublure.

Le voyage a été long. Dix heures de route dans une brume plus épaisse qu'une purée de pois. Au moins, quand on roule à 30 km/heure dans une zone de 90, ça donne le temps de penser. Malheureusement, quand on pense en voiture, on pense plus à ce qu'on laisse en arrière qu'à ce qu'il y a devant. Au travers des montagnes, la bretelle qui nous mène au nord nous semble comme une longue complainte dans l'air humide de la mer.

Une chance, il y a mon coloc.

C'est un bon gars, mon coloc. C'est un gars, en tout cas. Même s'il a un nom de fille. Prof de psycho, en plus. En fait, prof d'à peu près tout. Ski, musique, raquette...Il cuisine, il fume, il enseigne et il fait de la contrebande d'ail. La première fois que je l'ai rencontré, il était en bobettes, à moitié réveillé et sur un lendemain de brosse. La deuxième fois, il écoutait de la musique classique dans le salon et il lisait de la philosophie. Faudra bien que je le laisse m'amener dans le bois, bientôt. On pourrait aller se perdre quelque part, qu'il me montre combien c'est beau, Sept-Îles.

Je suis allée au Cégep aujourd'hui. J'ai dû rencontrer le personnel au complet. Je semble être le bébé-bébé du département (la plus jeune et la pluss nouvelle), ce qui attire beaucoup l'attention. Naturellement, qui dit département de français dit département de filles. Beaucoup de cocottes donc, l'air survolté de la session qui commence faisant cliqueter leurs boucles d'oreilles. Elles sont jolies, elles sont maquillées, elles sont en talons hauts. Bref, c'est des madames. Des madames avec des clés USB, des séquences didactiques et des méthodes pédagogiques, mais des madames pareilles. Et, en ce qui me concerne, elles n'ont qu'une seule mission.

M'intégrer.

Bref, on m'a donné des becs, on m'a serré la main, on m'a donné assez de matériel de bureau pour scolariser un petit pays du tiers-monde, puis on m'a laissé là en m'informant que ma tâche allait encore monter et qu'elle serait donc pas mal pleine cet hiver. Même que la coordonatrice (une madame bien branchée, avec un doctorat en grec ancien...fouille-moi pour savoir quelle haine du temps libre peut te pousser à étudier une langue aussi morte que ça!) avait l'air un peu inquiète. Faut dire qu'elle ne me connaît pas encore...

Je me suis  fait enrôler dans le prix littéraire des collégiens (vive les livres gratuits!) et j'ai faillit me faire embarquer dans un groupe de recherche (qui prend forme dans la revue littéraire Le Littoral, spécialisation Nord-Côtière), mais comme je n'y connais rien, mon voisin de bureau n'a pas trop insisté. En parlant de mon bureau, je suis complètement au fond, un peu à part, et j'y serai toute seule la plupart du temps. Tant mieux, quand j'y pense. J'ai beaucoup de travail à faire. D'ailleurs, j'ai appris à midi que mon plan de cours était à remettre pour demain, juste après notre formation anti-terroriste (ce n'est pas une blague). By the way, vive la planif-que-je-n'ai-pas-apprise-à-faire-en-didactique-du-français...

Ce n'est pas facile de n'être pas chez soi. Parfois, la nuit, j'ai envie de ramper sous le lit pour retrouver une peluche, ou une quelque forme de réconfort cachée dans le noir. Mais il n'y a rien, sous le lit. Pas de peluche, pas de chat. Alors je regarde vos photos, vous, mes amis que j'ai laissés derrière et que je n'ai pas vu assez avant de partir. J'envisage de m'acheter un capteur de songes sur la réserve pour vous y retrouver au matin, accrochés dans les plumes. Au lieu de ça, je me transforme en madame et je me dirige vers mon nouveau travail en entendant sonner mon nouveau trousseau de clefs.

J'ai du temps pour m'habituer. Il y a sûrement de la beauté cachée dans la grisaille. Mais pour l'instant, je ne vois que ma mélancolie.

Et je n'entends que le silence d'une ville endormie, et l'air triste d'un l'accordéon.

dimanche 13 janvier 2013

La vie est dans : Partir.

Je suis partie au Couche-Tard. Fallait que je fasse le plein avant mon départ. Tant qu'à y être, je suis rentrée acheter deux ou trois trucs pour le voyage : seven up et bouteille d'eau. Pas cher. De quoi me tenir hydratée, en tous cas. J'ai déposé ça en vrac sur le comptoir. Derrière, le caissier.

Moi : Salut, Max.

Après 3 ans et avec mon tempérament, je connais tout ce qui vit de nuit par son nom. Il a sourit.

Max : Salut, Val. Tu pars à soir?

J'ai opiné pendant qu'il scannait. Il m'a dit un montant, j'ai payé. Puis, Max a fait un geste pour attraper son foulard.

Max : T'as-tu deux minutes?

J'ai dit oui. Il s'est habillé puis s'est dirigé vers la machine à café pour en faire couler deux. Il ne paie jamais ses cafés, Max. Ni les miens non plus. Avantage de travailler de nuit, paraît-il. Petit larcin innocent. On est sortis, il m'a tenu la porte, puis m'a tendu une tasse fumante. On s'est assis sur le congélateur. Lui pour fumer, moi pour boire.

Max : La route va être belle, ce soir. Fait doux.

C'est le genre de chose qu'on dit pour partir la conversation, alors j'ai opiné.

Max : Combien d'heures de route jusqu'à Sept-Îles?
Moi : Neuf, à peu près.
Max : Je pense que tu vas donner tout le sens à l'expression « aller se perdre dans la brume ».
Moi : Crains pas, je me perdrai pas.

Il a sourit sans me croire, alors j'ai sourit aussi.

Max : T'as fait quoi, aujourd'hui?
Moi : Fait du ménage. Vu ma petite soeur. Paqueté. Dormi

J'ai bu du café et soupiré en regardant ma voiture pleine. Toute ma vie tenait là-dedans, maintenant.
 .
Max : Grosse journée, hein?
 Moi : Pas mal. Et elle est pas finie.

On a bu du café, encore. Je l'ai poussé du coude.

Moi : Peut-être que, quand je vais revenir, tu vas avoir fini ton secondaire.
Max : Peut-être. Là, c'est quoi, le programme, pour toi?

J'ai désigné l'auto.

Moi : Je finis mon café, j'embarque là-dedans, pis je pars.
Max: Faque je suis le dernier gars que tu vois à Québec?

Il a rougit un peu, je pense. Il est mignon, Max. C'est comme si ses yeux n'avaient jamais vieillis.

Max : Tu reviens quand?
 Moi : Dans quatre mois.

L'air de la nuit nous a caressé le visage. Les clients entraient et sortaient du Couche-Tard. J'avais les pieds gelés, alors je me suis levée.

Max : C'est plate que tu partes aussi vite. On aurait pu aller prendre un café, avant.
 Moi : On vient de le faire.

Tout était dit. Je suis montée dans ma voiture et j'ai démarré. Max, assis sur le congélateur, n'a pas bougé, et son reflet s'est progressivement dissous dans mon rétroviseur.

vendredi 4 janvier 2013

La vie est dans : Se revirer de bord

Ce qu'il y a de bien avec la vie, c'est qu'on ne la voit jamais venir.

Dernièrement, elle m'a foncé dedans. Un poste à Sept-îles. Yeah! Quelle magnifique surprise. D'ailleurs, avec le magnifique système de l'Université - la grande la vraie - qui m'a officiellement diplômée en décembre 2012 (alors que j'ai terminé son programme en mai d'avant...franchement, j'ai l'air de quoi...) je me suis trouvée un emploi immédiatement après mes études. Ils doivent se dorer la statistique, eux-autres. Aussi, d'après mon cours de Système Collégial 101 et ma connaissance vague mais pratique de la corréalation saisonnière et de la fréquentation estudiantine, il est presque impossible d'avoir a) une tâche qui a de l'allure l'hiver et b) d'obtenir un emploi là-dedans quand on n'a pas d'expérience.

Or, moi qui ne fait jamais rien comme les autres (dixit mon karma...) j'ai réussi les deux.

Bon. C'est beau tout ça. Mais quand on apprend un 17 décembre en plein rush de Noël qu'on déménage dans une contrée lointaine le 14 janvier, on réalise que finalement, tout ce temps-là, on avait une vie.

Ce que j'avais :
- Un travail rémunéré.
- Un abonnement au gym.
- Un appartement.
- Deux chats.
- BEAUCOUP de stock.

Ce que je n'avais pas.
-Un plan de cours...
- Une connaissance hypothétique de c'est où, Sept-Îles...
- Un endroit où vivre, là-bas.
- Une idée de comment j'allais patenter ma vie pour les quatre prochains mois.

Qu'à cela ne tienne. Armée de ma désespérante confiance et de ma désarmante pensée positive, j'ai trouvé (bon, harcelé, ok...) deux gardiennes pour les minous (Sissi et Voltaire s'en-vont-en-guerre...bonne chance, les chatons). L'abonnement au gym, ça se diffère, ça a l'air. Un coup de fil, et je réserve une chambre en résidence (ce qui me permettra certainement de vous fournir quelques anecdotes croustillantes, c'est à suivre). J'ai choisi mes oeuvres à l'études, je suis en train de monter un plan de cours et trois power-séquences-didactiques.

Bref, je me débrouille, je planifie, et mon frigo est recouvert de post-it. Coupe de cheveux avant de partir, renouveler la prescription de verres de contact, faire vacciner les minous, donner ma démission au job rémunéré (craignez pas, je vais revenir...) achats d'une nouvelle garde-robe « professionnelle » (prétexte) et rendez-vous avec presque tous ce que j'ai dans mon bottin social qui veut me voir avant que je parte.

Seul pépin, l'appart.

Quand t'habite dedans, c'est pas trop grave de payer ça. C'est chez vous, tu t'endures. Mais le laisser vide pendant quatre mois, c'est une autre histoire. Je faisais des cauchemars la nuit où des squatteurs venaient utiliser mes toilettes. Où on me piquait mes saisons de Buffy. Où on repeignait mon appart en brun.

Le calvaire.

Heureusement, la vie, elle est bien faite. On vient de sous-louer mon appart. Petite famille mal prise qui vit à peu près le même problème que moi et qui doit emménager à Québec au P.C. Bref, dans cette histoire, je suis le messie qui arrive avec sa manne bénie qui tient dans un beau trois et demi.

Alléluia.

Dernier problème. Avez-vous déjà déménagé à deux places en même temps? Je dois m'arranger pour boiter ce qui est nécessaire à mon départ pour Sever Island (ça fait plus exotique) et caser le reste dans mon locker. Fastoche! Mais avec mon indicible capacité à m'emmêler les pinceaux, je vais probablement déballer un assortiment de nounours rendue là-bas pendant que ma vaisselle s'ennuiera à Québec.

Pas grave. Les nounours, c'est réconfortant.
Pour le reste, il y a Visa.
...ils prennent Visa, là-bas, hein?