Je suis en train de surveiller le dernier examen de la
session. Oui oui, nous finissons en beauté, ce matin, avec un beau quatre
heures de rédaction sur Cyrano de Bergerac, pièce de théâtre presque classique
qui n'a pourtant pas soulevé les cœurs de mes classes, cette session-ci. Alors
qu'ils s'échinent à me décortiquer l'acte V, moi, j'écris deux trois affaires
sur mon blogue que je néglige ces temps-ci. Faut dire que j'ai le droit ; je
suis prof, je travaille, bon.
Or, alors que je les observe, je ne peux m'empêcher de
confirmer ma théorie. En effet, je ne vous apprendrai rien en vous disant que
mes étudiants s'assoient dans mes cours (oui oui, on ne passe pas nos heures de
cours hebdomadaires debout en cercle autour du ti-tableau!). Or, à chaque
nouvelle classe, je constate une récurrence entre les personnages qui
fréquentent mon cours et l'emplacement de leur postérieur. Je me permets donc
de vous soumettre un plan, parce que c'est drôle et que je m'ennuie.
Notez que le masculin est utilisé pour alléger le texte. Un
p'tit criss peut bien être une petite criss, mais ça sonne juste moins bien.
Allons-y donc méthodiquement.
1. Devant de la classe, centre.
1.1. Le redondant.
Celui-là, il reprend le cours pour la troisième fois. C'est
sa dernière chance. Il arrive le premier jour après avoir fait imprimer son
plan de cours, un café frais à la main, les cheveux dans le vent. Il est prêt,
il est motivé - comprendre : il a peur...-, il a acheté des cahiers neufs et il
a rempli la première page de son agenda avec ses devoirs. Celui-là, les deux
premières semaines, il est participatif, impliqué, son regard est clair et ses
yeux pleins d'espoir. Cependant, après deux semaines et peut-être un premier
examen, ou il se décourage ou il s'assoit sur ses lauriers. Vous le verrez
d'ailleurs se déplacer physiquement jusqu'à sa prochaine localisation de la
classe...
1.2. L'anxieux.
Souvent à sa première tentative dans le cours, l'anxieux
n'a qu'une frayeur : échouer. Pas trop loin du redondant dans l'essence, il a
tout de même, pour particularité, de retarder votre départ après chaque cours
d'une dizaine de minutes, juste pour voir s'il a bien compris. C'est aussi lui
qui fait déborder votre boîte courriel - surtout la veille d'un examen - sans
poser aucune question critique, puisqu'habituellement, il comprend très bien la
matière. C'est lui aussi qui va vous faire lever 18 fois pendant son examen
final pour vous demander si son crayon bleu est « assez bleu » pour faire son propre
et qui ira faire 22 pipis nerveux. Faut pas les juger, faut juste les aimer.
1.3. Le licheux.
Lui, quelque part dans son parcours, il a changé de
stratégie. Certains de mes licheux ont porté ma mallette ; d'autres m'ont
ouvert des portes, m'ont offert du chocolat. Je soupçonne même l'un d'entre eux
de m'avoir offert une fleur, l'an passé, mais je n'ai pas de preuve. Qu'à cela
ne tienne ; cet étudiant n'a qu'un but : plaire à son prof. Par n'importe quel
moyen, il va devenir votre meilleur ami, du moins le pense-t-il, parce qu'on ne
peut pas faire échouer son meilleur ami (c'est pas gentil). Il va répondre aux
questions, faire ses devoirs, participer à vos activités, mais toujours en
laissant traîner un filet de bave collante sur votre moral. Bref, il est comme
ce gars qui essayait trop fort, un fois : vous ne savez pas pourquoi, mais il
vous tape sur les nerfs. Par contre, ses chocolats sont bons.
2. Devant de classe, sur les côtés
2.1. Le provocateur.
Lui, il a fait le cours peut-être. Une fois max. Ou alors,
il vient de France. Ou encore, il a déjà lu le livre. Et pour une raison
mystérieuse, il croit en savoir plus long que vous sur la chose. Le provocateur
s'installe sur le côté et, pour une raison que j'ignore, a tendance à s'étendre
beaucoup sur son territoire. C'est lui qui arrive avec sa poche de hockey ou sa
grosse sacoche et dépose son fatras sur le bureau d'à côté ; il met ses pieds
sur la chaise, se poste, un peu croche, le menton haut, et surveille vos dires,
jusqu'au doute. Il vous sort des phrases du genre : « Oui mais, d'après Jean-Paul
Sartre... », souvent hors contexte, ou vous amène sur une théorie un peu
déjantée sur la signification du vase bleu dans une scène pleine de bibelots.
Son but unique : vous déstabiliser. Fait intéressant, j'ai autant d'esprit de
bottine que lui, mais j'ai plus d'expérience. Qui gagne, d'après vous?
2.2. Le discret.
Souvent un étudiant étranger, le discret s'installe en
silence, passe le cours en silence et s'en va en silence. Il porte du gris, ou
alors un chandail de la même couleur que le mur. Il suit très bien votre cours,
a des résultats corrects et vous n'arrivez jamais à vous souvenir de son nom.
Quand il pose une question, c'est du bout des lèvres. Si vous proposez un
exposé oral, il fait des terreurs nocturnes. C'est à peu près tout ce
que j'ai à dire sur lui, ce n'est pas vraiment un sujet à paragraphe...
2.3. Le dyslexique-TDAH-muet
Il est venu vous avertir au premier cours. Vous l'avez
informé que vous n'aviez rien à savoir de son diagnostic, mais il a tenu à vous
en informer, parce qu'il est fier de ce qu'il est. Vous avez compris qu'il a
droit à plus de temps pour faire ses examens, vous êtes plus laxiste sur
l'heure de remise de travaux dans son cas, vous endurez même ses retards.
Parfois, il déborde un peu (mettons que l'empathie est une arme redoutable
rapidement maîtrisée par ce type d'étudiant), mais, la plupart du temps, vous
vous contentez de le ramener quand il semble être débranché depuis trop
longtemps (comprendre : regard vide et bouche entrouverte depuis plus de cinq
minutes). Comme on n'a plus de règle en bois pour frapper son bureau, un coup
de fusil bien placé dans un Powerpoint prend tout son sens. Attention avant
d'appliquer ce truc : certains médicaments contre les troubles de comportement
peuvent causer des problèmes cardiaques. Expérience vécue.
2.3. Le retardataire.
Lui, il est là parce qu'il arrive toujours en retard et que
c'est la seule place qui reste. Point final.
À noter que l'avant de la classe sur les côtés constitue
les places les moins populaires. D'après moi, c'est parce qu'ils ne voient rien
au tableau. Ou que ça les oblige à se tenir de biais pendant deux heures. Ou
bien parce que les jeunes, de nos jours, c'est asthmatique, donc allergique à
la craie (c'est vrai, c'est allergique à tout, les enfants, aujourd'hui...).
Menfin.
3. Milieu de classe, centre.
3.1. Le bon public.
Lui, je l'aime. Parce qu'il rit de mes blagues. Il répond
aux questions. Il a toujours l'air d'avoir du fun. Il ne comprend pas souvent
la matière, mais il a un bon sens de l'autodérision, alors quand je le
reprends, ça le fait un peu marrer. Il fait ses devoirs un peu, pas beaucoup,
il étudie de temps en temps et ça ne lui dérange pas de remplir les trous quand
l'information repasse. C'est probablement pour ça qu'il écoute en classe. Il
est un peu nonchalant, mais d'une bonne façon. Quand on a besoin d'un
porte-parole dans une équipe, c'est toujours lui, le volontaire. Il vient
écrire au tableau, de temps en temps, et il rit quand je dois corriger ses
fautes. Il sait que le français est un passage obligé, qu'il est aussi bien de
ne faire chaque cours qu'une seule fois, et basta. C'est aussi lui qui a
déneigé ma voiture, cet hiver. Il est juste fin, d'une façon plus dégagée que
le licheux.
3.2. L'impliqué.
Conseil étudiant, scoutisme, volley-ball et tutti quanti.
Lui, il demande des permissions spéciales pour son championnat en Allemagne, te
demande de l'argent pour la fondation pour les
mère-monoparentales-handicapées-actives-atteintes-de-maladie-mentale-en-difficulté-financières-orphelines-qui-sont-bénévoles-à-la-spa
et il prend toujours cinq minutes de ton cours pour rappeler à tout le monde de
payer sa veste de soins infirmiers. Pas tout à fait un leader parce qu'il a un
côté socio-impliqué trop développé, il s'attire tout de même le respect parce
que tout le monde croit que c'est une bol. Erreur. Il atteint tout juste la
note de passage. Mettons qu'il a d'autre chose à faire qu'étudier.
3.3. Le studieux.
Il est inscrit en sciences natures profil santé. Il veut
faire médecin et vous parle sans cesse de sa cote R. S'il a en bas de 80%,
c'est la crise de nerfs. Il préfère faire ses travaux seul, parce que les
autres n'ont aucune idée de son ambition. Il vous fait des textes de 1000 mots
alors que vous en demandez 700, et ce, sans aucune faute d'orthographe. Il
veut, et il va avoir. Chaque nouvel examen est un défi à relever. Il connaît
vos disponibilités, votre numéro de téléphone. S'il n'habite pas trop loin, ça
se peut qu'il vienne frapper chez vous. C'est le seul que vous croisez à la
bibliothèque qui n'est pas sur un ordinateur. Son seul problème, c'est le balai
qu'il a dans sa prise USB. Son air sérieux vous fait peur. Son rire vous fait
encore plus peur. Et le fait qu'il devienne peut-être votre gynécologue vous
fait mieux comprendre votre élève anxieux.
3.4. Les BFF
Toujours en paquet de deux, les BFF se connaissent depuis
le primaire et ne tolèrent pas d'être séparés. Ils vous font des yeux de pandas
en danger quand vous annoncez avant un examen qu'ils doivent prendre un bureau
de distance. Ils profitent du cours pour se raconter tout ce qu'elles ont
fait durant la journée (le cours est à 8h am...), font leurs devoirs ensemble
et usent parfois même de télépathie lors des rédactions. Attention, par contre
; ils ont une légère tendance à plagier, sans tout à fait comprendre ce
que ça veut dire. Comme ils n'ont qu'une pensée commune, savoir ce qui
appartient à l'un ou à l'autre devient un dédale labyrinthique obscur et
insolvable. À noter que les BFF sont souvent des filles. Les bro ne se montrent
pas autant d'affection en public et n'osent pas potiner pendant les travaux
d'équipe.
4. Milieu de classe, côtés.
4.1. Le «
Pas-tout-à-fait-branché-pareil ».
J'ai de la difficulté à le comprendre, celui-là. Il est
toujours rendu au diable vert, là où personne ne pouvait soupçonner qu'il
irait. Il est brillant, s'exprime bien, mais il a des réflexions...étranges.
Vous ne savez pas toujours s'il joue les satyres ou s'il est vraiment bizarre.
Il n'arrive jamais au même résultat que tout le monde, va vous sortir des
termes étriqués, des théories issues tout droit de Frankenstein. Il déforme ce
que vous dites et, quand il répète ce que vous venez de lui mentionner,
vous-même ne comprenez plus. Dans ses explications, il passe par le Pérou pour
aller à Montréal. En classe, la plupart de ses commentaires est automatiquement
suivie d'un bruit de grillons. Bref, sa copie, à l'examen, mériterait un royal « wtf? ».
4.2. Le couple ou le wannabe-couple.
Ils crachent des petits cœurs et leurs yeux sont
plein d'arcs-en-ciel. Quand ils vous posent une question, ils se
regardent l'un-l 'autre. D'une main, ils tiennent le crayon, de
l'autre, ils se flattent. Des heures de temps. À la pause, ils vont frencher
dans le corridor (comprendre : sur le bord de la porte) et ils s'exercent la langue
presque autant que dans votre cours. Ça dégouline de romantisme, leur affaire ;
vous les avez déjà vu habillés presque pareil, à la St-Valentin, ils boivent
dans la même tasse à café. Leur histoire vous rappelle vaguement une vieille
chanson de Joe Dassin.
4.3. Le cute
Il y en a un dans chaque classe. Il est un peu plus vieux
que les étudiants, sinon, il a votre âge. Il a une belle gueule carrée, des
épaules larges, une petite barde de trois jours, un dégaine de rock star, de
l'arrogance. Quand vous lui posez une question, il hausse un sourcil et vous
sourit en montrant ses dents blanches. Il a lu La nausée et écoute du Jacques Brel. Toutes les
filles sont après lui, mais il est un éternel célibataire, parce qu'en choisir
une, ce serait faire de la peine aux autres. Vous évitez sagement de rester
trop longtemps seul avec lui. Et une maudite chance qu'il ne peut pas lire dans
vos pensées. By the way, mon dernier m'a déjà invitée à souper. Et j'ai dit
non. Kin toé.
4.4. Le surprenant.
Le surprenant n'a l'air de rien. C'est un étudiant
ordinaire, échoué dans votre cours. Sauf que, pour une raison mystérieuse,
quand vous allez écrire une phrase fautive au tableau et que vous allez
demander quel est le problème, il va vous sortir « Ta phrase, elle a pas de prédicat ».
Après un moment à reprendre votre contenance, vous lui demanderez comment ça se
fait qu'il sait ça, et il va hausser les épaules. Il le sait, c'est tout. C'est
un génie qui s'ignore. Il identifie toutes les figures de style avec succès,
vous sort des explications fort logiques à vos questions les plus salaces, et
quand vous essayez de le coincer, il décoince avec une facilité déconcertante.
Malheureusement, il fait deux fautes aux trois mots. On ne peut pas tout avoir.
4.5. Le tannant
Lui, il est crasse. Il arrive sans crayon, sans feuille de
cartable, sans cahier. Il ne sait pas quand sont ses examens, ne sait pas quel
livre il doit lire. Il est assis tout croche sur sa chaise. Il pose toujours
des questions sur des choses que vous venez d'expliquer. Quand vous le mettez
en équipe, il glandouille, l'air désabusé, et fait des blagues cochonnes quand
vous êtes trop loin pour entendre. C'est lui aussi qui va lever la main pour
raconter une anecdote personnelle qui n'a aucun lien avec la matière. Il est le
roi du malaise et de la tranche de vie, du commentaire inapproprié et des
double-sens. S'il peut être un facteur comique, il est à contrôler. Cravache et
pas de dessert, monsieur le commissaire.
4.6. Le nerveux.
Variation sur le thème de l'anxieux, celui-là ne flanche
qu'en période de stress. C'est le genre qui oublie son livre à l'examen, qui se
perd dans ses notes, qui a la lèvre qui tremble quand il regarde l'horloge. Ça
fait quatre heures qu'il cherche le contact visuel et que je ne lui donne pas.
Vilaine de même. Fallait que j'en parle.
4.7. Le rêveur.
C'est pas compliqué, il cherche la fenêtre. Bête comme ça.
Un mouche à feu qui voit la lumière. Lui, au bout de dix minutes de cours, c'en
est trop ; il s'égare des yeux dans la verte prairie. Pour une raison obscure,
il s'habille souvent en noir et fait du donjon-dragon. Il lit de drôles de
livres et a des référents pas tout à fait comme les autres. C'est lui qui va
vous faire un lien étriqué entre Roméo
et Juliette et le film Cube (#traumatisme) et qui va
écrire de la poésie en marge de ses notes de cours. Son agenda est recouvert de
gribouillis plus ou moins travaillés dans lesquels vous pouvez lire des phrases
comme « I love Isabelle » et « At first I was affraid ». Artiste? Fucké? Un peu des deux. Ah,
et pour une raison quelconque, il est myope. Tout le temps.
5. Le fond de la classe, centre.
5.1. Le p'tit criss.
J'en ai déjà parlé, c'est ma bête noire. Il est paresseux
comme la peste, mais il est assez brillant pour toujours s'en sortir. S'il
pouvait, il mettrait ses papattes direct sur le bureau, les mains derrières la
tête, et ne foutrait rien de la période. Il se permet régulièrement de manquer
un cours, mais réussit toujours ses examens sur la fesse parce qu'il est assez
intelligent pour y arriver sans se forcer. C'est un grand baveux qui veut
montrer que la p'tite prof, elle ne lui fait pas peur. Des fois, je rêve que je
le mord. Fort.
5.2. Le technophile
Lui, il se regarde les cuisses. Sans cesse. Il cache son
téléphone dans son coffre à crayon. Dans son cartable. Il veut la montre qui va
avec. Il ne peut pas s'empêcher de consulter son mur Facebook 2 fois par
minutes. S'il ne le fait pas, il se met à avoir des tics : il tapoche avec son
crayon, shake de la patte, mâchouille son cahier et fait pipi. D'après mes
expériences, il peut tenir maximum trente minutes sans son appareil. J'ai eu
beaucoup de plaisir avec ça.
5.3. La bombe à retardement
À chaque année, j'en ai eu un. Celui qui va se fâcher et
vous faire une crise devant toute la classe. Vous ne savez pas s'il s'agit d'un
problème hormonal ou environnemental, mais celui-là va exploser quand vous
allez annoncer la date prochaine d'un examen. Comprenez qu'il est au courant
depuis le début de l'année, notre coco ; c'est écrit dans son plan de cours. Et
pourtant, à ce moment précis où vous annoncerez une remise, il va ouvrir son
agenda et va se rendre compte qu'il a trois examens le même jour. Son côté
altruiste va prendre le dessus et il va défendre coûte que coûte l'ensemble de
la classe - qui s'en balance candidement. Personnellement, je prends un air
dubitatif, envoie tout le monde en pause et console mon anxieux et mon nerveux
qui pleurent en réclamant leur valium.
6. Le fond de la classe, côtés
6.1. Le fêtard.
Quand il réussit à se lever, il se traîne jusque dans votre
classe et...dort. Profondément. Jusqu'à la pause. À cette heure, il descend à
la cafétéria, s'achète un Redbull
(le café, c'est pour les feluettes) qu'il cale à gorge déployée dès que
son cul tombe sur sa chaise. Il s'éveille progressivement jusqu'à pleine
récupération aux alentours de midi ; à 1h, il est top shape, où il assiste à
son meilleur cours. Malheureusement, il manque toujours son cours de fin de
journée, parce qu'il assiste déjà à sa prochaine activité...nocturne, bien sûr.
6.2. L'abonné à «ailleurs».
Ça, c'est l'étudiant dont vous ne connaissez ni le nom, ni
le visage. Il a cumulé plus d'absences que tous les autres élèves - ensemble -
et oublie régulièrement l'heure/le local/le contenu de votre cours. Il se
pointe avec son livre de maths cinq minutes avant la fin et ne sait pas trop
quel est le livre à l'étude. Pour une raison mystérieuse, je l'aime bien,
celui-là. Peut-être parce qu'un devoir de moins, c'est une demi-heure de plus
dans ma vie...
6.3. Le ghetto
Composé d'environ quatre membres, le ghetto se tient sur
les côtés, en deux rangées de deux. La rangée la plus en avant se retourne
systématiquement aux deux minutes vers la rangée d'en arrière. Ce groupe-là
passe le cours ensemble, la pause ensemble, l'été ensemble et la nuit ensemble.
Habillés pareil, la bouche pleine d'inside jokes, ils rigolent juste en
se regardant, la calotte par en arrière. Ils étudient tous dans le même
programme, viennent de la même place et détestent le travail individuel. À la
pause, ils font jouer de la musique sur un cellulaire et chillent à leurs places, le corps croche. Fait
intéressant, quand j'ai la joie de leur adresser une question, habituellement,
les quatre répondent. Synchro parfaite.
6.4. Le légume vert
Comment finir sans parler de mon légume vert? Lui, il
arrive gelé. À 8h du matin. Vous espérez donc ben que ce soit de la veille,
mais l'odeur persistante et fraîche de plante grillée vous ramène à la dure
réalité. Un sourire niais et une poutine en face de lui, il se bourre la face
avec conviction tout en ne comprenant rien de ce que vous dite. Quand vous
mentionnez le nom d'un auteur, il part à rire. Ses yeux sont tellement rouges
que vous vous en servez comme pointeur laser. Chacun de ses devoirs vous
rappelle les doux relents de vos propres années de cégep. Pauvre étudiant.
Cette année, je lui ai conseillé de slaquer, même si ce n'est pas vraiment ma
job, juste histoire de réussir à faire une phrase qui a du bon sens. Sa
réponse? « Je ne me drogue pas, madame, je suis allergique aux chats ». Ben ton
chat, il sent bizarre, mon gars. Il a une litière au chanvre?
7. Le facteur de remplissage
C’est bien dommage, mais chaque classe, hors
des quelques éléments représentatifs que je viens de vous démontrer, contient
quelques agents de remplissage. Des intéressés qui vous regardent les yeux
pleins d’espoir, des je-m’en-foutistes qui visent le fond de la classe, des
présents à moitié, des absents aux trois-quarts, des échoués, des perdus, des
heureux, des madames, des monsieurs, des doués et des moins doués. Ce sont les
étudiantsd qui ne vous marqueront pas, mais qui font l’ambiance du cours, et
que vous serez heureux de recroiser au pub du coin, dans cinq ans. Parce que c’est
agréable de prendre une bière avec les étudiants, après. Pis de se faire dire :
« Ouain, je suis tombé sur ton blogue…». Glup.