Temps des aveux.
Autrefois, je fus une jeune fille
qui avait beaucoup (beaucoup!) de temps à perdre. Disons que lorsqu’on habite
dans son école, on a du temps pour penser…et pour rêver. J’écrivais des romans,
je lisais des romans, je n’étais pas particulièrement fana d’autre chose que d’écriture,
et c’étais bien comme cela. Je filais le parfait bonheur dans mon ignorance des
médias.
Jusqu’à
ce que Canal Famille ne soit vendu à Québecor Media et que notre joli poste
familial qui avait accueilli Bibi et
Geneviève ne se mette à diffuser des programmes plus…adolescents. Et c’est
un soir tout bête comme ça, le soir de la première, que j’allais rencontrer le
programme télévisé qui, pour ainsi dire, changea ma vie, parce qu’il m’accompagna
tout le temps de mon adolescence…
Buffy contre les vampires.
Buffy the Vampire Slayer.
Sans vouloir dire que dans ces quelques années, j’ai
perdu toutes mes fonctions cérébrales, disons que certains deux hamsters de
notre connaissance n’étaient pas encore entrés en poste. De 14 à 20 ans, j’ai
développé un béguin incroyable pour les deux vampires de la série (Angel et
Spike, pour les non-initiés…je peux bien juger les cocottes qui trippent sur
Twilight…entéka) , je me suis mise à écrire de la fanfiction, j’enregistrais et
je réécoutais sans arrêt les épisodes dont j’ai fini par connaître le texte en
français ET en anglais par choeur, j’ai appris le download (ce qui n’était pas
si évident, à l’époque), j’ai rencontré des fans et j’ai lu des fanzine…
Si vous ne comprenez pas ce que je viens d’écrire, c’est
normal, je parle en geek.
Bref, à l’époque, le fanatisme était encore une chose
qui se passait davantage en France et au États-Unis. On entendait très peu
parler de conventions, de geeks, de trucs du genre dans notre belle province.
Je suivais attentivement les rencontres de fans d’ailleurs dans le monde et je
m’étais promis à ma petite adolescente de moi que si un jour j’avais une
occasion de rencontrer les personnages (et un en particulier…), je la saisirais
sans me poser de question.
J’ai bien dormi ce soir-là et les jours suivant, et
comme tout délire d’adolescente, c’est tombé dans la brume.
Jusqu’au mois d’août 2012.
Ça faisait déjà quelques années que je croyais être
vaccinée contre ça. Les réactions irrationnelles. Le cœur qui bat trop vite
pour rien, la sueur, les tremblements au bout des doigts, alors qu’il n’y a
aucune stimulation particulière. Plus de mon âge…franchement. Jusqu’à ce qu’une
de mes amies m’envoie ça.
…
Plus de son. Plus d’image.
J’étais au travail. J’ai
demandé congé sur le champs. J’ai acheté mes billets. Rempli ma voiture d’essence.
Et je suis partie. Sans me poser de question.
Direction Montréal pour
ma première convention de Geeks et ma première visite de cette ville dans un contexte non-scolaire.
Je suis arrivée là
jeudi soir vers 22h. Il faut spécifié que la fille qui m’accueillait était une
amie de longue date que j’avais rencontré par le biais de mon écriture de
fanfiction et qui gérait mon site internet de diffusion de l’époque (je vous
avertis, les enfants, ne cherchez pas ça…). On a veillé jusqu’à 3h du matin, à
jaser de littérature, de crochet, de cuisine, bref, de tout.
Sauf de lui.
On ne pouvait pas
parler de lui.
Parce que le cerveau me fondait.
Littéralement.
Le lendemain, nous nous
sommes levées assez tard (hé hé) et nous avons pris le métro pour l’île. C’est là la
première fois que je me suis aperçue que je n’avais pas mes billets pour le
show. Tergiversations, problèmes…On règlerait ça plus tard. Au programme :
bouquineries, boutiques farfelues et bons restaurants! Les yeux alertes, j’ai
repéré une imprimerie qui pouvait me rendre mes précieux billets. Et en route
pour le Comiccon!
Bon. Si vous n’êtes
jamais allé dans ce genre d’endroit, oubliez tous les préjugés qu’ils vous
inspirent. Oubliez le jeune nerd boutonneux le nez plongé dans une revue de
Trekkie qui porte ses oreilles de Spok pour aller au secondaire et qui est sur
le point de se briser les doigts à force d’essayer de séparer son majeur de son
annulaire. Nous n’en sommes plus là. Un commicon, c’est une convention de fans,
d’artistes, d’artisans et de créateurs de toutes sortes. On y trouve des gens
de tous âges, de plein de milieux, de tous les sexes et de toutes les cultures.
L’ambiance est particulière : certains sont déguisés de façon incroyable
et vous pouvez croiser Wonder Woman ou Hulk à tout moment. Tout le monde a un
appareil-photo, c’est un spectacle ambulant. Dans la salle des exposants, plusieurs
proposent des objets dérivés, mais plusieurs artistes suggèrent des produits
originaux qui valent la peine d’être considérés. Il y a moyen de négocier ses
achats, les vendeurs sont gentils (et dans certains cas, très avenants…pour le
dire comme ça…) et les surprises sont au rendez-vous.
Par exemple, j’étais en
train d’observer des sacs réutilisables de l’évènement avec beaucoup d’attention,
quand je me suis retournée. Et là, il y avait un Zombie. Mais pas le genre de
zombie qu’on croise à l’Halloween avec un masque cheap du Wall-Mart, là. Un
vrai-faux zombie, avec une prothèse faciale, beaucoup d’hémoglobine et un
regard noir. Très noir. Vide. Et il se tient à deux centimètres de ma face.
J’ai hurlé. Ce qui m’a
conforté dans l’impression que j’ai qu’on a oublié de me greffer un instinct de
survie. Le gars, avec un accent hyper-québécois, a bien rigolé et m’a tendu un
flyer pour la Zombie Walk du 20
octobre. Merci, le grand. Une photo et
une réanimation cardiaque, nous voilà parties, ma comparse et moi, pour notre
première conférence.
Nicholas Brendon. La
surprise de la fin de semaine. Voyez-vous, je ne me suis pas particulièrement
renseignée avant de partir. Parce que si je l’avais fait, j’aurais découvert qu’un
autre acteur principal de la série serait au Comiccon. Celui qui jouait Xander.
Et qu’il répondrait à des questions Live. Et dans un tel cas, vous savez, j’aurais
pu me préparer psychologiquement, me faire travailler par Soleine au travail
(la full-excellent-bilingue-wow du travail) pour apprendre une question qui a
de l’allure en anglais et enfin ne pas faire une folle de moi.
Mais non.
Vous vous souvenez de cette bête promesse que je m’étais faite adolescente? Saisir n’importe quelle occasion de contact? Ben c’est ça. Il était là, devant, et l’animateur cherchait des gens pour poser des questions. Moi, avec mon front de bœuf, j’ai levé la main. Tsé, c’est juste un gars comme les autres, rien de spécial, rien à dire. J’avais une question intéressante, en plus : je voulais savoir s’il avait visité Québec et, si oui, laquelle des deux villes était la plus intéressante. Tsé, une question qui a de l’allure. Et qui aurait pu se poser à l’autre invité aussi (un acteur secondaire de la série qui m’a coûté plusieurs minutes de réflexion avant que je ne réussisse à l’identifier…mauvaise fan que je suis). Alors voilà, on m’a invité. Le gars m’a dit de parler fort. J’étais en ligne. La fille devant moi est partie.
Et il y a eu le contact
visuel.
Il a un contact visuel
très intense, Nicholas Brendon. Solide. Il ne fuis pas, il communique avec les
fans.
Et je ne m’attendais
pas à ça.
Et il attendait. Et je
ne parlais pas. J’avais oublié ma question. J’avais oublié où j’étais. J’avais
oublié mon nom.
Cerveau liquéfié. Mode
automatique.
Sauf que là, le mode
automatique s’emballe. Envoye, dis quelque chose, la grande, tout le monde
attend, , n’importe quoi, come on, come on, envoye! Je suais, je tremblais, j’ai
ouvert la bouche, mais tout ce que j’ai réussi à cracher, c’était :
« Oh my God, you’re so
hot. »
Éclat de rire général. Réponse?
« Thank you. You’re
awesome too! »
Rires encore. Bon.
Entre deux arythmies, je pose une question sur les Bds de Buffy. Rien de bien
spirituel. Il répond. Fin de la relation. Une maudite chance pour mes organes
internes. Nous retournons à la salle des
exposants pour faire des achats et remarquons qu’il signe des autographes.
Malheureusement, pour une photo et une signature, c’est incroyablement cher et
je ne peux pas me l’offrir. Nous nous tenons donc à côté de la table et le
prenons en photo pendant qu’il signe pour quelqu’un d’autre. C’est déjà ça.
Pour tuer le temps
entre la conférence et le show qui nous intéresse, nous magasinons et trouvons
plusieurs choses à notre goût. Mon amie achète entre autre un toutou en forme
de chat qui chante « Soft Kitty ». J’ai alors appris que je n’étais vraiment
pas une geek, étant donné que je n’avais aucune idée de ce que c’était.
Et puis, nous nous sommes
mises en file pour le show. Et en faisant la file, nous l’avons vu pour la
première fois.
Il faisait des tests de
son. Là. À quelques mètres de nous. Nous l’avons vu.
Flash back de 10 ans. J’avais
15 ans encore, toute maturité s’est échappée, je suis cliniquement décédée à se
moment-là. Sérieux, j’ai bloqué la file. J’étais absorbée par le gars sur le
stage qui gossait sa guitare. Parce que c’était lui. Qu’ado, j’avais
terriblement voulu le rencontrer. Et qu’il était là. Tout simplement.
Mais bon, il a fallu
que je finisse par avancer, et il restait une bonne heure avant le spectacle.
Alors on s’est assis et on a jasé avec d’autres fans. Une prof de français de
quarante-quelques années qui s’était fait prendre en photo avec lui (ELLE L’A
TOUCHÉ!!!). La chanceuse. Deux sœurs un peu plus jeunes qui commençaient à lire
les Bds et qui ont eu un câlin de Nicholas. Wow…Quand ils ont ouvert les
portes, j’étais encore…tiltée. J’ai aussi appris, dans cette heure de
conversation, que les deux artistes de Buffy se trouvaient là l’année d’avant.
Ah ben, ah ben…
Nous nous asseyons dans
la salle. Nous sommes très près du stage. Dans le sens de très, très près du
stage. Je fébrile. Pas dans le sens de «je suis fébrile». Dans le sens
cardiaco-clinique du terme. Et puis, il apparaît.
Je vais vous faire
grâce de la gamme d’émotion par lesquelles je suis passée, parce que de toute
façon ça ne se décrit pas. Je peux seulement vous dire qu’il a chanté une
vingtaine de chansons, que c’est un gars très très drôle et hyper sympathique.
Petite anecdote encore : j’ai filmé tout le show et je pense être la seule
(avec mon accompagnatrice à l’avoir fait). Or, une caméra qui filme, ça se
voit. Et pendant une chanson, il a braqué son regard dedans. Mais solide. Peut-être,
oui, regardait-il vaguement la foule. Mais laissez-moi donc fantasmer.
Et ce n’est que ça.
Après, métro, bus, voiture, come back jusqu’à Québec dans une demie-réalité.
Mon cerveau (qui vient de revenir de vacances, très reposé) n’a pas fini de
traiter toutes les informations. J’ai eu l’air folle devant une vedette?
Coudonc. J’ai vu James Marsters en concert? C’était pas un rêve, ça? J’ai
failli me faire mordre par un Zombie? Ah ouais? Petite semaine…
Mais tout cela m’a
appris deux choses.
La première, c’est que
je fais parfaitement la différence entre l’homme et le personnage. Je ne suis
pas allée voir Spike. Je suis allée voir le type qui l’a incarné. Ce type qui a
eu une vie difficile, qui s’est fait foutre en-dehors de son école de théâtre,
à qui on a dit qu’il ne serait jamais un acteur. Qui est passé par un divorce.
Et puis, qui a eu une chance, et qui par la suite, a fait sa chance. Il y a
quelque chose de très spirituel à conclure de cette rencontre. En le regardant
sur scène, j’ai soudainement compris que c’était possible de toute avoir. La
famille, la gloire, l’amour, l’argent, le bonheur…tout ça, on peut l’avoir en
même temps. C’est possible. Et même si la vie n’est pas toujours parfaite,
juste d’être là, sur cette chaise, à l’écouter chanter, j’ai eu, un bref
instant, l’impression de tout avoir. Et c’est une exaltation que je n’ai connue
qu’à trois reprises dans ma vie. Et qu’à chaque fois, ça me fait trembler de l’intérieur
pendant un long moment. Comme si, soudainement, je ressentais ma propre
existence. Sur la scène, ce n’est qu’un homme et sur la chaise, ce n’est qu’une
femme. Mais c’est un peu plus que ça. J’observe un achèvement et je réalise que
je peux, moi aussi, être une personne achevée.
Bon, ok, ça a l’air d’un
délire de fan et c’en est peut-être un. Mais pour moi, c’est observer le
travail d’un gars qui a occupé ma vie si longtemps et le regarder recevoir une
dose massive d’admiration même après si longtemps. Je trouve cela
impressionnant et, disons-le, inspirant. Ne suis-je pas aussi une artiste?
La seconde chose, c’est
que personne ne vieillit vraiment. On change, on grandit, le corps se
transforme. Mais quelque part dans notre cerveau, il y a ce tiroir qui n’est
jamais totalement fermé, mais que nous oublions si souvent. Ce tiroir rempli de
rêves et de promesses qu’on hésiterait à tenir si l’occasion se présentait,
parce qu’on se juge nous-même ou qu’on ressent la crainte du regard des autres.
Parce qu’on se dit qu’on est trop vieux ou trop mûr pour la chose. Et on laisse
passer ainsi des occasions. Personnellement, je pense qu’une promesse que l’on
se fait à soi à une période antérieure de notre vie est aussi importante qu’une
promesse que l’on aurait faite à une autre personne. Parce qu’en tenant les
promesses que l’on fait aux autres, on gagne leur confiance et leur respect, je
pense que l’on gagne un peu de confiance en soi et de respect de soi-même en
honorant nos anciens nous-mêmes. J’ai eu l’impression d’être accompagnée de
moi, dis ans plus jeune, dans cette salle. Et, même si parfois, mon ado-moi me
juge, est déçue de ce que je suis devenue et ne comprends pas mes choix, ce
jour-là, nous étions en parfait accord sur ce qui doit être fait, sur la ligne
parfaite entre l’idéal utopique des jeunes années et la réalité sèche et grise
de l’âge adulte. Je me suis aussi dit que, même des années plus tard, un rêve
reste un rêve et le réaliser constitue la chose la plus satisfaisante qui
existe.
Maintenant, je dois emballer précieusement mes
souvenirs, serrer mon rêve contre moi et passer à d’autres choses. Ce fut un
moment de grâce, certes, mais la conclusion, c’est que les rêves se réalisent
en poursuivant sa vie, lors de la bonne occasion. J’attendrai donc la
prochaine.
En fait, j’attendrai l’ANNÉE prochaine.
Et l’an prochain, tous les coups seront permis.
D'ailleurs, l'an prochain, je vous embarque toute la gagne, ce sera beaucoup moins long à raconter.
Oui, je lis ton blogue à l'envers, mais bon, tu me pardonneras, j'espère :p
RépondreSupprimerSurtout qu'on aurait pu s'y rencontrer, à ce ComicCon. Frissonnantes toutes les deux devant ces yeux bleus!