mardi 19 novembre 2013

La vie est dans : Revenir dans ses souliers.


Ben kin!

Épargnez-moi les classiques « T'étais pas morte, toi ? » et « Je pensais que tu t'étais fait enlever par les extra-terrestres », la vérité n'en est rien. Votre inDESScente, fière de son indécence professorale, et toujours en action...ou du moins, l'est revenue tout récemment, car, après vous avoir épargné ses splendides aventures de cocotte au chômage, la revoici dans sa classe et à...Sept-Îles.

Bon, revenons à la première personne, voulez-vous?

Après quelques mois d'Explore (où j'ai passé très près de débarrasser la terre de deux ou trois hispanos obstinés), j'ai reçu l'appel fatidique de la bonne-mauvaise nouvelle. Effectivement, c'est bien malheureux, le malheur d'autrui ; cependant, en début de carrière, faut se l'avouer, on compte un peu là-dessus. Des doigts pincés dans les portes qui empêchent de tenir la craie aux pattes emmêlées dans les sacs d'étudiants qui traînent à coeur de plancher, toute raison est bonne pour prendre un congé maladie, n'est-ce pas? Et c'est bien sûr là que les aspirant-e-s à la profession se retrouvent sur les dents, habituellement quatre-vingt-douze à appliquer pour le même poste.

Mais pas à Sept-Îles.

Après avoir essuyé une profonde tristesse suite au départ d'une collègue, mes employeurs se sont vus bien embêtés, croyant que je serais bien hésitante à abandonner chatons et boyfriend-ish-plus-tant-ish pour me précipiter dans Saint-Très-Loin. Bien sûr, c'est mal me connaître et, aussitôt ma valise faite, je me suis précipitée, nez au vent et mains au volant, vers ce que je croyais être un retour dans mes vieux souliers. Un groupe de 101, un groupe de renforcement en français et une cohorte d'éducation spécialisée, j'ai déjà vu ça...non?

Erreur, mes amours, mes amis. Grossière erreur. Faire un remplacement, c'est comme arriver sur les lieux d'un accident, mettre les vêtements de la victime et finir sa journée. Vous ne savez jamais où vous allez, vos élèves sont paniqués et vous vous retrouvez à parler d'un livre que vous n'avez pas lu. Parce que, lorsque le téléphone sonne, les Ressources Humaines du Saint très Haut Corps Professoral ne vous demandent pas si vous auriez l'obligeance de vous présenter dans les prochaines semaines. Nanon. Ça ressemble plus à : « Pourrais-tu être là hier? ».

 

Me revoici donc dans un bureau bordélique à gérer des post-its qui ne portent pas ma griffe, à déchiffrer des grilles de corrections que je ne maîtrise pas et à me taper en vitesse les œuvres au programme. Quand même, j'estime m'être revirée de bord comme une pro : j'ai un logement, quasiment une routine, je suis organisée...

 

...ou presque. Je me suis pointée à 8h du matin aujourd'hui. Mes cours commencent à 2h.

On va s'ajuster.

jeudi 30 mai 2013

La vie est dans : Le post-cataclysme

J'ai besoin d'une pause.

Je suis dans mon bureau depuis 8h ce matin. Oui oui. Pendant que mes collègues professeurs se la coulent douce en savourant leur apaisement post-session, post-correction, post-poste-d'enseignant, quoi, moi, je travaille à monter un cours que je n'ai jamais donné. Oui, parce qu'il y a une partie de moi - toute, toute petite, promis - légèrement maso, workaholique et terriblement à l'argent.

L'option d'avoir un job, donc, cet été, me paraissait tout à fait appropriée. J'ai donc décidé de donner le français 104 parce que, tsé, c'est facile, la communication. Pis tsé, je communique...full...

Bref, ce matin, j'apprenais la matière avant de l'enseigner. Jusqu'à midi. Ensuite, j'allais enseigner la création de texte à mon groupe de la formation continue. Parce que, tant qu'à avoir un job cet été, autant en prendre deux. Ça aussi, c'est facile, la création de texte. C'est aligner des phrases, c'est ça? Je sais faire ça, créer des textes. J'en fais...full...

Alors, après deux veillées à réviser les subordonnées (nom nom...relative...nom nom...complétive...nom nom...circonstancielle...nom nom...participiale...nom nom...infinitive...nom nom...si vous venez de vous dire « kessé ça » dans votre tête, join the club...), je me suis mise à corriger mes épreuves finales qui étaient dues pour...heum...hier. Pas grave. Qui a besoin d'heures de sommeil, de toute façon? Ce ne sera pas rendu avant la semaine prochaine, et alors? Qui a besoin d'une bonne réputation de bonne fille à ses affaires et à jour dans son milieu de travail?

Bon, pour vous dire la vérité, je n'avais aucune idée de la date-butoir de remise des évaluations finales. Pour vous dire la vraie de vraie vérité, je n'ai pas vraiment  lu ma P.I.E.A. Pour vous dire la vraie de vraie de vraie vérité, même si j'avais travaillé tous les soirs depuis la fin de la session sur mes corrections, mes 132 copies ne porteraient toujours pas ma griffe finale.

Je suis une InDESScente. Pas une machine. Quoique...

Ah, et puis, de la schnoutte. Tant qu'à prendre deux jobs, autant en prendre trois. Ça fait que je me suis arrangée pour que mes deux cours d'été se donnent en un mois, pour accélérer mon retour à Québec. Pour le cours régulier, il n'y avait aucun problème ; il se donne de manière intensive, en quatre semaine, chaque année. Pour l'autre, il a fallut que je me négocie ça. Mon argument principal : « C'est comme les professeur de maternelle. Un groupe le matin, un groupe l'après-midi! ». Ça fait que des fois, j'appelle mes étudiants « les amis » et je leur fais croire que c'est pour vérifier s'ils sont attentifs.

Revenons à ma négociation. Quand j'ai pris le téléphone pour demander des changements d'horaire, j'avais un doute sur la possibilité de la chose. Les horaires, au cégep, c'est souvent coulé dans le béton. Armé. Sur un cadavre d'A.P.I. qui a essayé d'y gosser quelque chose. En fait, pour être honnête, je ne pensais absolument pas que ça allait marcher, mon affaire. Mais, faut le dire, la Formation continue y tient, à ses mignons. Alors ils m'ont patenté ça allegro. Mon cours de 60 heures se donne donc en cinq semaines. Ce qui veut dire la fin de semaine aussi. De toute façon, qui a besoin de se divertir? Autant revoir les règles de la virgule et des erreurs communes de syntaxe pour avoir la paix après. J'ai donc jusqu'au premier juillet à souffrir...

...avant de commencer le programme Explore. Et oui, de retour auprès des non-francophones de mon cœur! Ne craignez rien, c'est seulement le matin, il y a très peu de corrections...c'est un public difficile, mais après mon expérience Septilienne, j'en ai vu d'autres, non? Comme c'est seulement le matin, cela devrait me permettre de respirer l'après-midi, de profiter du Festival d'été, d'aller me promener au parc, de sortir avec mes amies...

...à mois que je puisse redevenir libraire l'après-midi. J'aimais ça, libraire. Oh, et puis, s'il faut que je redevienne caissière, ça me reposera l'esprit. Tant que c'est dans une librairie. Oui, c'est reposant, travailler dans une librairie.

Et suis je suis chanceuse, je serai engagée en septembre. Quelque part. Pour remplacer un congé de maternité ou une dépression. Et l'hiver prochain, je reviendrai probablement à Sept-Îles. Pour donner les cours de la session. Et je resterai pour la session d'été. Et je reviendrai à Québec faire Explore.

Nana. Pas une workaholique. Une ambitieuse, j'ai dit. Une carriériste.

Qui a besoin de sucre. Vite.

Ah, au fait : si vous me cherchez, je suis dans mon bureau...

mercredi 1 mai 2013

La vie est dans : La fin de session

Trente minutes de temps mort, sur ma pause du midi, pour vous écrire.

En trois nuits, j'ai dû dormir cinq heures. Je suis épuisée, enterrée sous les corrections, les préparations, les planifications d'examen. Mes jointures souffrent car ayant trop tenu le crayon (oui oui, je suis old style), mes paupières sont lourdes de maquillage et de sommeil, mes vêtements sont défraîchis car je n'ai pas fait de lavage depuis deux semaines au moins. Ce matin, je me suis réveillée au volant de ma voiture, alors que je conduisais vers le collège. Trois cafés ne furent pas suffisants et j'ai bâillé (oh! malheur pour mes étudiants) pendant les exposés oraux. J'en ai encore pour trois heures à enseigner. Par la suite, j'irai engraisser les profits du Toi et moi Café  qui a l'honneur de me voir chaque soir, chargée de cahiers Canada.

Vous vous souvenez de vos fins de sessions, mes copains lecteurs? Écrasés dans le hall de l'université Laval, parachevant vos traits d'esprits lors de l'écriture de vos derniers travaux, les veines dopées à la caféïne, les yeux rouges, nous faisions l'éloge de notre martyr d'étudiant. Pauvres petits que nous étions, toujours à la dernière seconde, toujours à la veille, toujours au désespoir de manquer de temps. Et pourtant...

De l'autre côté, c'est le poids des responsabilités qui tombe. Nos étudiants sont-ils prêts pour leur examen? Qui traîne à l'arrière? La consigne est-elle claire? La grille de correction, prête? Les étudiants ont-ils travaillé leurs erreurs? Comprennent-ils ce qu'ils doivent faire? Surtout, ne pas oublier d'apporter des dictionnaires pour leur évalutation finale. Qui risque de ne pas passer? Qui dois-je rencontrer avant la date fatidique? Est-ce qu'ils saisissent le sujet? Est-ce qu'ils ont compris le passage? Devrais-je leur montrer le film?

Corriger le groupe A. Donner un cours au groupe B. Le groupe C est en examen. Rendre la copie au groupe A. Deuxième partie d'examen pour le groupe C. Exercices sur la phrase pour le groupe D. Remise de travaux pour le groupe E. Examen du groupe D. Examen du groupe B. Cours pour le groupe F - ne pas oublier les photocopies. Cours pour le groupe A - correction. Le groupe E est en difficulté - intervention. Examen. Préparation. Correction. Intervention. Remaniement. Planification.

Flatline.

Je fais le plus beau métier du monde. Mais à la fin de la session, j'ai l'impression de prendre sur moi la réussite de 102 élèves à la mine inquiète, qui squattent mon bureau comme des militants en quête de résultats. Je prends le temps, j'explique, je réexplique...et je suis poursuivie partout. Au cégep. À l'épicerie. Au café. Bientôt, ils viendront frapper chez moi.

Je suis épuisée. . Je n'ai plus de patience, je n'ai plus de temps, je suis irritable, je manque de sommeil, je ne mange plus, j'arrache ma jolie tignasse de ma jolie tête, j'emmerde mes talons hauts, je n'ai plus aucun code vestimentaire (seul le pyjama est exclu...et encore!), je réplique du tac au tac à mes étudiants, je suis autoritaire, arrogante, je mords, je griffe, je gueule et je suis sur le point de faire manger son accordéon à mon colocataire.

Et puis, je me souviens que je suis folle, je fais une salutation au soleil, et je respire.
Plus qu'une semaine. Ensuite, les vacances.
Pour une semaine. Et on recommence.
Comme je disais, je fais le plus beau métier du monde.
Faut que je vous laisse. Y'a des étudiants qui cognent à la porte.

vendredi 19 avril 2013

La vie est dans : Le cours des choses

Ce soir, j'enseigne le swing.

Je sais que le bonheur n'est pas loin quand je sais que je m'en vais danser. Je ne pense qu'à cela toute la journée. Je prépare mes vêtements la veille. Souvent, j'en achète des nouveaux, que je teste dans mon salon. La jupe s'envole-t-elle? Les souliers glissent-ils? Ai-je l'air awesome ET confortable? Je pratique des variations de pas en cachette, avec le frigo comme partenaire. Je mets de la musique un peu trop fort, juste pour emmerder les voisins. Je m'en fiche. Je vais danser ce soir.

Quand j'enseigne le swing, c'est la même chose, exposant 10. Je suis professeure de français, et la danse est un langage comme un autre. J'apprends à mon groupuscule d'élèves à communiquer par le mouvement. Je mélange les passions et je fais mon show en même temps. Cela satisfait mon besoin d'expertise, de cérébralité et d'élitisme ; ça conquiert aussi mon côté m'as-tu-vu et je-suis-drôle. Meilleur des deux mondes.

Cette semaine, j'ai rejoint le comité exécutif de Swing Sept-Îles. En fait, pour être exacte, je fais partie des membres fondateurs. Je suis aussi la coordonatrice des initiations, ce qui veut dire que bientôt, je posséderai les numéros de tout ce qui danse le swing à Sept-Îles. En plus, je suis la gardienne de la playlist, responsable des DJ et DJ non-officielle à mes heures (DJ Indécente, avouez que ça a de la gueule! ). On parle de me faire enseigner à l'école de danse officielle de la ville, on reconnaît mon expertise en Jive et en chorégraphie. Je suis en train de gagner le respect de la communauté et on me témoigne beaucoup de confiance. Petite semaine.

Aussi, cette semaine, j'ai démarré un programme de création littéraire à la formation continue. En fait, en allant semer une graine, j'ai planté un arbre. Je ne proposais qu'un atelier, qu'un cours du soir, vraiment, basé sur mes connaissances en littérature et sur ma capacité - timide, mais réelle - à écrire en passant de l'émotion. Ce que je n'avais pas prévu, c'est que l'école des adultes - alias Formation Continue - embarquerait à un tel point dans le projet que, loin de se contenter de simples atelier, elle prévoit tout un programme qui, potentiellement, allierait les cours de création de fiction courte et de fiction longue, l'étude des différents genres littéraires et des différents styles d'écriture. Avant mes trente ans, il se peut bien que je devienne responsable de l'organisation d'un programme entier.

Petite semaine, dis-je.

Aussi, la fin de semaine dernière, je suis allée, avec mon glorieux colocataire, à la conquête des merveilles cachées de la Côte-Nord. Je suis allée à la chasse aux palourdes et j'ai descendu un escarpement (il m'aurait presque fallu une corde de rappel!) pour découvrir une plage secrète. Dans mes bottes de plus, j'ai marché dans un horizon d'eau et j'ai escaladé des rochers pour tremper mes mains dans l'eau d'une chute. Cela peut sembler anodin, mais vous auriez dû voir la pente. J'ai grimpé ça, moi. Comme une championne.

Au travers de ça, j'ai aussi réussi à intéresser une bande d'adolescent à Cyrano de Bergerac à force d'exemples (et de menaces), j'ai corrigé 82 copies (ne m'en reste qu'une petite centaine), j'ai fait le ménage de l'appartement, j'ai écrit un nouveau roman (il ne me manque qu'un chapitre et ça part chez l'éditeur), j'ai joué de l'accordéon (en cachette de mon colocataire...s'il savait...), je suis passée au travers du jeu vidéo Portal en 5 jours et j'ai changé les règles de l'analyse littéraire en formules mathématiques, juste pour le plaisir.

Comme je disais. Petite semaine.

mercredi 10 avril 2013

La vie est dans : La complicité


Une maudite chance que j'enseigne.

La complicité est un élément que j'aime installer dans mon enseignement. Je déteste la relation maître- élève, le « Moi, personne éduquée, toi, adulte émergeant, apprendre, ARGH! » suivi du coup de massue. D'une part, ce n'est pas mon style (je suis beaucoup trop détendue devant mes têtes blondes pour réussir à conserver la rigidité de l'arrière-fessier nécessaire à ce genre de stratégie pédagogique) et d'autre part, d'après la philosophie socioconstructiviste, ça ne fonctionne pas. Sans dire que je fais des tresses à mes étudiantes pendant les pauses, j'essaie tout de même de les mettre à l'aise et leur apprends que, si on ne vaut pas une petite risée, on ne vaut pas grand-chose. J'utilise beaucoup l'ironie pour mettre en évidence les défauts de leurs raisonnements ou le sarcasme pour blâmer une intervention inutile. Ça ne fonctionne pas toujours, mais jusqu'à maintenant, je m'en sors bien.

Le revers de cette médaille (car il y en a un), c'est justement que mes étudiants se sentent à l'aise. Très à l'aise. Assez à l'aise pour s'essayer à me contredire, à défaire mon raisonnement, à me rabattre dans mes retranchements. Ça donne lieu à des joutes intellectuelles plutôt intéressantes, et, avouons-le, ils perdent tout le temps (c'est moi la prof, c'est moi qui gagne, c'est comme ça!). Or, quand la méthode complexe ne fonctionne pas, on passe à la méthode simple : le mauvais coup.

Quand vous approchez une classe et que vous entendez rire, c'est mauvais signe. Si les rires arrêtent lorsque vous entrez dans le local, vous êtes dans la m****. Le problème, c'est qu'on ne sait jamais ce qu'ils ont fait, ces étudiants à l'imagination débordante. Vous avez peur de bouger la souris de l'ordinateur, de lever la toile devant le tableau, de vous asseoir sur votre chaise. Un silence pesant, entrecoupé de rires étouffés, s'étend en longueur. Vous pensez avoir tout envisagé et embarquez dans votre matière jusqu'au moment où vous portez votre tasse de café à vos lèvres. Au moment où le breuvage atteint votre langue, l'odeur atteint votre nez et vous sacrez après vous-même de ne pas avoir songé à votre tasse, laissée sans surveillance pendant toute la pause.

Une bonne gorgée de vinaigre, ça vous tente?

Je disais donc, une chance que j'enseigne.
Parce que sinon, j'aurais tellement le droit de me venger...

samedi 6 avril 2013

La vie est dans : La « epic night »

Non, petits coquins, je ne vais pas vous raconter les détails de ma nuit d'hier soir.

Par contre, je peux vous raconter à quel point une veillée bien intentionnée peut mal virer quand on a décidé de tenir ses résolutions. Mal virer dans le sens « débarque » et « malaise » du terme, bien sûr.

Or donc, hier, dans le doux foyer colocataire-indésscente, une visiteuse, couchsurfeuse émérite, venait squatter notre divan. Quelle belle occasion, d'après mon charmant colocataire, de célébrer en grande pompe le retour en ville d'une égarée. Il me laisse donc avec elle (et Dieu merci, parce que j'étais salement en manque de contact social) pour aller chercher les denrées nécessaires à la préparation d'un repas bien garni en calories et en alcool. Sans que je ne m'en rende compte, je me suis retrouvée au milieu d'un large souper où les bières, le fromage et la cuisine thaï jouaient du coude.

Non-content de cet évènement social, le colocataire a décidé d'inviter sa meute à venir poursuivre la fête chez moi. Nous étions cinq ou six - toutes des filles, sauf le coloc - à consommer divers alcool aux goûts aussi curieux qu'intéressant. Mettons qu'ils ne boivent pas de cosmo, ici. S'ils prennent un verre pour verser la vodka, c'est déjà beau. Je commençais à avoir de la difficulté à discriminer le beau du laid quand la couchsurfeuse a décidé que la journée avait été suffisamment longue et était partie se coucher. À ce moment-là, je me souviens m'être demandée si j'avais le droit, moi, d'aller me plonger dans mes draps. J'avais de la correction à faire le lendemain, du ménage, plein de belles intentions toutes sages. Puis, j'ai pensé à mes résolutions, au plaisir d'être entourée, et à une vague sentiment de screw it qui m'envahissait.

Et puis, y'a eu une autre bière, et tout le reste n'est qu'un vague souvenir de « oui » entrecoupés de gorgées d'alcool et de pas de danse en ligne. Oh, et j'ai raconté ma vie à la moitié des amis de mon colocataire. Et quand je dis ma vie, je veux dire des parties très spécifiques et particulières de ma vie. Le genre de détails que j'aurais peut-être dû laisser à Québec.

Maudite boisson!

vendredi 5 avril 2013

Le vie est dans : La fin du blues

Ok, ça va faire.

Presque trois mois que je suis à Sept-Îles. J'y travaille et j'y dors, c'est tout. En me disant que ça va finir un jour. En me disant qu'anyway, je vais partir de là bientôt. En me disant que ça ne donne rien de s'acharner ici, que je vais m'envoler vers d'autres cieux dans 2 autres petits mois, que bientôt, la température moche et les potins grinçants ne seront que de lointains souvenirs. J'attends les moments où je monte à Québec comme les cadeaux sous l'arbre de Noël, j'en reviens en pleurant ma vie tout au long de la 138, j'arrive ici démoralisée et épuisée pour les deux semaines qui suivent.

J'ai dit, ça va faire.

Quand j'étais à Québec, j'avais tout. L'appart génial, le cercle social grandiloquent, les amis à la conversation punchée et très souvent sarcastique, le ton cynique, les fuck me boots, les veillées tardives, la danse swing, les idées grinçantes et les commentaires mordants. Ici, je me suis ramollie, sauf devant mes classes. Tout le monde me prend pour la gentille petite fille aux airs de grand-moman gâteau. Il est temps que je me donne un bon coup de pied là où il faut, parce que, doit-on se rendre à l'évidence...

Je ne reviendrai pas.

Elle est ici, la vie, fille. Va falloir que tu deals avec. Alors, si la ville ne te plaît pas...
Change-la.

Y'a pas mal de montagnes à déplacer, ici. Des C.A. à rejoindre, des idées à implanter, des apparts à décorer, des groupes à former. Développer mes cercles sociaux, arrêter d'être gentille pour plaire, faire exploser mon côté ironique. Habituer mon foie à l'alcool qui coule ici, rejoindre les associations diverses et multiples jusqu'à les diriger, reprendre en main ce qui doit être repris et pousser pour que ça marche. Sortir ma grande gueule de son carcan de poussière.

Redevenir l'indesscente.

Sept-Îles ne sait dont pas ce qui l'attend...

vendredi 22 mars 2013

La vie est dans : L'overdose de vertu

On m'a comparée à une poupée, aujourd'hui.

Ça m'a fait drôle parce que j'ai perdu l'habitude des compliments. Faut dire, j'ai perdu l'habitude d'attirer les regards et donc les jolis mots qui viennent avec. Les gens ici croient que je suis issue d'un curieux croisement entre une maman et une grand-mère (croisement impossible, certes, mais tout de même intéressant!). Il semble que je me sois développé une routine de vieille fille bien calée dans ses coussins en macramé.

Il me semble loin le temps où mes décolletés étaient plus plongeants qu'un Alexandre Despatie au plus fort de sa carrière. Mes jupes provocantes prennent la poussière dans le fond d'un placard, remplacées par de longs pans de tissus qui n'ont plus grand chose d'indécent. Mes talons les plus hauts ne dépassent pas le deux pouces réglementaire, toutes les autres chaussures à la hauteur déloyale dorment dans mon coffre de voiture. Je cache mes tatouages, les maquille au besoin. Je porte mes lunettes au lieu de mes verres de contact. Le soir, à la place de Sex in the City, je regarde The Big Bang Theory, j'ai troqué les Cosmos pour des tisanes au tilleul. J'écoute la musique de Chopin, j'ai oublié Britney. Je décore, je couds, je cuisine, je nettoie, je frotte, je plie, j'aspire, je balaie, je brode, je tricote...

...bref, je m'emmerde.

Au lieu de traîner dans les bars de toutes sortes avec des fréquentations peu recommandables, mes souliers dans une main et le goulot d'une bouteille dans l'autre, j'aménage l'appartement de mon colocataire. Il me semble loin le temps où j'ouvrais les deux portes principale pour entrer dans un lieu de perdition dans le but de me faire payer des verres par des inconnus, de tirer les cheveux d'une comparse et de partir avec le barman à la fin de la veillée. Je ne laisse plus mon numéro de téléphone aux serveurs des restaurants ; d'ailleurs, je ne parle presque plus au téléphone. En tout cas, mon cellulaire n'a pas sonné depuis au moins un mois, rangé dans un tiroir de ma commode. Ce n'est pas peu dire, j'ai même (presque) arrêté de draguer les caissiers de dépanneur.

C'est que, voyez-vous, j'ai peur de la ville.

Ici, assumer une vie de péchés équivaut à recevoir un aller-simple pour Ailleurs. Les rumeurs vont plus vite que les transports en commun (faut dire, ce n'est pas très difficile de battre une calèche à la course...), tout le monde connaît vaguement tout le monde (échanger une demie-heure avec le livreur de pizza est une pratique tout à fait commune) et les étudiants sont partout. On ne peut même plus aller au service au volant du McDonald's en pyjama sans en entendre parler en réunion départementale! Alors sortir dans les bars, les attributs dévoilés, le regard aguicheur et la bouche invitante, c'est une très mauvaise idée. Vous ne le savez pas, mais vous êtes en train de draguer le frère de la fille de l'oncle du cousin de la tante d'un de vos étudiants. Dans deux heures, tout le monde croira que vous êtes une croqueuse d'homme à l'appétit insatiable.

Bon, j'en suis une, mais j'apprécie de traquer du côté des anonymes. Alors je suis supposée faire quoi,? Aller cruiser à l'église?

Non. Je nous terre, moi et mon côté coquin, bien cachés derrière un personnage plein de sagesse et de candeur.

Personne ne se doute que je suis en train de faire une overdose de vertu. Que la folie me guette.

Mais je descends à Québec dans une semaine.
Ce ne sera pas joli.

samedi 9 mars 2013

La vie est dans : Faire ses adieux



Max : Salut Val.

Il n’avait pas l’air étonné de ma présence. Du moins, pas autant que je ne l’étais de la sienne. Il ne devait pas être là, c’était son jour de congé. La tête à peine relevée de derrière le comptoir, il m’avait repérée au son de ma voix. Il me souriait en coin, de ce petit sourire heureux qu’il arborait quand j’arrivais dans son dépanneur. Je n’avais pas le choix, dans ces cas-là. Fallait que je souris aussi.

Moi : Qu’est-ce que tu fais-là?

Max : Je suis venu voir mon horaire. Acheter de la bière, aussi. Petit samedi de congé.

Moi : Cool.

Il s’est déplié de derrière le comptoir. Il est grand, Max. Six pieds d’insubordination et d’arrogance pour toutes les figures d’autorité qu’il croise. Mais pas avec moi. Avec moi, Max, c’est un géant de sucre. Ou de papier.

Max : Tu as le temps pour une bière?

Moi : Si on la cale, ok.

Pas que j’aime tant caler de la bière. Ça m’étouffe, ça me remonte dans le nez, c’est désagréable. Mais j’avais envie de m’asseoir près de lui, sur notre congélateur. Parce que ça faisait longtemps que je ne m’étais pas assise à côté de lui. Parce que ça faisait longtemps qu’on n’avait pas été devant le Couche-Tard à regarder les voitures passer, en pleine nuit, juste parce qu’on a envie d’être ensemble.

Il a attrapé son six packs et je l’ai suivi dehors. Il faisait doux, un temps humide et sale de Québec. Le parking était désert ; seule ma voiture traînait encore devant le poste d’essence. Max m’a tendu une canette qu’il venait d’ouvrir. Il a sorti ses cigarettes. C’était le temps des ronds de fumée et des gorgées à moitié. On se serait cru au début des années 2000.

Max : Quelqu’un sait que tu es en ville?

Moi : Non. Enfin, toi. J’ai texté quelqu’un d’autre, mais j’ai pas encore eu de réponse.

Il a opiné, Max, mais il avait cet air heureux que prennent ceux qui se croient privilégiés. Je lui ai tendu la bière et il en a pris une gorgée.

Max : Comment tu trouves ça, Sept-Îles?

Moi : Loin.

Je me suis étirée en fermant les yeux. J’avais l’impression d’avoir changé de pays en quelques heures. Ici, le paysage fondait dans l’air du temps. L’air mouillait le fond de la gorge, la doublure des bottes, et le regard de mon compagnon.

Moi : As-tu repris tes études?

Max : J’attends le retour de mon prof.

Moi : Tu vas attendre longtemps.

La petite phrase a eu son effet : Max a haussé un sourcil. Pas grand-chose : petite expression de perplexité dans la moitié d’un visage. Mais chez Max, ce simple geste exprimait la plus grande hébétude. J’ai regardé le sol et j’ai senti la canette se glisser dans ma main. J’ai bu.

Max : T’as décidé ça quand?

Moi : Là, là.

Le reproche dans le ton de sa voix m’a agacée. Il a cette tendance à être passif-agressif, Max. Un rien moralisateur. J’ai senti le besoin de me justifier.

Moi : Y’a tout, pour moi, là-bas. Du travail, une carrière, une sécurité. De grands espaces. De l’air. Du changement.

Max : Mais y’as-tu du monde qui t’aime, là-bas? Y’as-tu un gars qui t’aime?

Ce fut mon tour de sourire en coin, mais pas parce que c'était drôle. Il aime le drame, Max. Il a toujours aimé ça. J’ai regardé ses yeux bleus pour essayer d’y trouver l’étincelle qui m’avait plu, une fois.  Ce petit rien qui m'aurait retenue près de lui. Mais elle s’était éteinte. Alors je me suis levée. Lasse de mon voyage. Lasse de cette étape de ma vie qui s’étirait.

Moi : Tu comprends pas, Max. Ce genre d’amour-là, j’en veux plus.

Max : Tu pourras pas fuir ça toute ta vie.

Moi : Non. Mais deux, trois ans encore, certain.

Je lui ai tendu la canette de bière et il l’a prise. En profitant pour effleurer mes doigts, une seconde. S’il n’avait pas pris cet air innocent, je ne m’en serais même pas rendu compte.

Max : Si je comprends bien, t’es pas venue dire bonjour. T’es venue dire adieu.

Moi : Toi pis tes grandes phrases…

Mais ce n’est pas parce que la phrase était lourde qu’elle était moins vraie. J’ai senti mon cellulaire vibrer dans ma poche. C’était le signal. Le vent tournait à ce moment-là, et j’étais la seule à le savoir. 
J’ai regardé Max en essayant d’imprimer son visage dans ma mémoire. Je savais qu’après ça, ce serait terminé. Qu’il ne me le pardonnerait pas, et que je ne me le pardonnerais pas moi-même. Qu’il n’y aurait pas d’effusion, ni de grand moment d’accolade, ni de larme. Il n’y aurait que deux personnes qui quittent un congélateur. Mais il fallait que je m’en souvienne.

Parce qu’il est si beau, Max.

Moi : Va falloir que j’y aille.

Max : Pourquoi t’es pressée? Personne sait que t’es là. Personne t’attends.

Moi : Y’a toujours quelqu’un qui m’attends quelque part.

C’était vrai. Je voulais surprendre d’anciens collègues à leur sortie du travail, les minutes étaient comptées. Et il y avait l’autre gars, aussi, mais ça, Max n’avait pas besoin de le savoir. Il a vidé sa bière. One shot. J’ai vu sa pomme d’Adam monter et descendre, et c’était fini. Il s’est levé, mais est resté appuyé contre le congélateur.

Max : C’est plate.

Moi : Je suis d’accord.

On a haussé les épaules parce qu’on savait que ça se finissait là. Qu’on ne resterait pas amis. Qu’on ne garderait pas contact.

Et pourtant, encore un long moment, on est restés là, incapables de se dire au-revoir.

jeudi 7 mars 2013

La vie est dans : Corriger des copies

La correction, chez nous, ça se fait sur la table de la cuisine avec un verre de vin blanc.

C'est le moment doux-amer des profs en tout genre. Parfois on prend une gorgée de miel, parfois d'arsenic...on constate par la bande qui dort depuis le début de la session, qui écoute à mi-temps, qui se prend pour Shakespeare dans son cours de français...et qui a appris il y a longtemps que parler ne signifie pas nécessairement dire quelque chose.

La plupart du temps, j'essaie de déchiffrer un bla-bla pseudo scientifique très mal amené et mal décortiqué. Entre la logique de Toto et la Tautologie, j'erre à la recherche du moindre élément valable. Je creuse jusqu'au dixième plancher dans la réflexion labyrinthique des adultes émergeants qui tardent à émerger jusqu'à ce que j'en déterre la trace faible, mais réelle, du cours que j'ai donné.

Ce n'est pas toujours évident. Tout d'abord, on doit se le dire, y'a quelqu'un qui a raté le film The syntaxe VS the sémantique. Je comprends ce que tu veux dire, chaton. C'est juste pas ça que t'es en train de me dire. Tu sais, je comprends que tu veux dire que X est très très amoureux d'Y. Mais tu ne peux pas dire qu'il est tout perdu d'amour...éperdu, oui, tout perdu, non...Aussi, les virgules, même si t'en plante aux deux pieds, elles ne pousseront pas. Désolée de briser tes espoirs de voir germer dans tes copies une pousse de francofolie. Tout ce que je vois germer, c'est une céphalée à chaque fois que je croise une nouvelle virgule semée aux hasard en plein milieu de tes subordonnées relatives. Aoutch!

Y'a aussi ceux qui inventent des mots. Parce qu'avoir du vocabulaire, c'est payant. Il faut prouver qu'on lit, tsé, pis qu'on a ouvert le dictionnaire. Sauf qu'on se mélange les pinceaux un peu, hein, lapin? La forme transitive d'être « récréant », c'est pas d'être en récréation. Ni en récréitude... À part le petit sourire baveux dans un coin de mon visage, tu ne provoques pas grande réaction avec ça. Et si c'était le pire...À force de chercher des synonymes, on dévie un peu. Comme ça, Lancelot part avec ses escadrons combattre le méchant? Ils se battent sûrement avec des semi-automatiques (l'arme blanche, ça fait tellement Antiquité...). Aussi, quand il appelle sa blonde « sa mie et sa drue », non, il ne la compare pas à la partie molle du pain ni ne souligne sa pilosité légendaire. Pitié.

Il y a aussi le bout où ils doivent trouver des figures de style et des images. La plus facile? L'énumération. Pas compliqué : tu spottes le paquet de virgules. Mais une fois que c'est fait, il faut l'expliquer. Beaucoup moins simple. Aussi, une énumération doit comporter, techniquement, plus que deux éléments, ce qui ne semble pas constituer une vérité d'évangiles pour mes petits étudiants. Y'a aussi ceux qui s'essayent avec les métaphores. Tout devient une métaphore. Un moment donné, le personnage beurre son pain.Non, l'auteur ne fait pas allusion au combat à venir, ni à la virilité du chevalier, ni à la façon dont il va s'«étendre» avec sa compagne. C'est seulement un signe qu'avec du beurre, c'est bien meilleur.

Ce qui m'amène à mon erreur préférée : l'erreur de compréhension. Ça, d'habitude, ça vient du gus qui n'a pas lu le livre et qui patine des réponses comme il peu. Pourquoi Énide aime Érec? Bah heu...c'est le seul chevalier disponible, tous les autres ont déjà des compagnes. Pas le choix, hein? Pourquoi le chevalier a-t-il perdu son honneur? Heum...parce qu'il n'a pas fait ce que le peuple demandait. Ok. Et qu'est-ce qu'il demandait, ce peuple-là? Aheum *sueurs froides*...un chevalier qui ferait ce qu'on demande? Bravo, mon poussin. T'as rien compris.

Après une demie-heure de correction, l'amusement se transpose en lassitude et je passe à un autre élément de ma vie d'enseignante (genre écrire ma vie ici). Cependant, mes cinquante copies me regardent d'un oeil inquisiteur. Oui, oui, je vous obéis, mes petites. Je reviens, esclave de ma passion, employée de mes étudiants.

Qui me doivent un crayon rouge.
Et une autre bouteille de vin.


samedi 23 février 2013

La vie est dans : Le p'tit criss

Peu importe où j'enseigne, c'est toujours le même pattern. En avant de la classe, il y a les licheux de profs, les insécures et les bien-pensants. En arrière, on trouve ceux qui reprennent le cours pour huitième fois et qui pensent qu'à force de le suivre, ils vont finir par le passer, les pseudo-cools qui croient encore que le ratio entre la distance de leurs fesses et l'arrière de la classe est directement relié à leur cote de popularité, les allergiques à la poussière de craie, les endormis et les texteux compulsifs qui pensent que je n'ai pas remarqué qu'ils sourient à leurs cuisses. Quelque part dans le milieu, on trouve les gagnes de filles, les namoureux, les rêveurs...pis le p'tit criss.

Lui, il arrive - dix minutes en retard - avec son air arrogant, ses fancy boots, son air je-m'en-foutiste et son attitude rebelle. Il marche comme s'il tenait le beat, porte de gros écouteurs, sourit aux filles et fait des signes trendy de la main aux gars. Il ne porte son sac que sur une épaule, il est le King de sa cohorte et il pense que le monde lui appartient. Quand il rentre dans ma classe, il considère que je lui dois quelque chose. Il conteste ma matière, essaie de me manipuler, ne travaille pas...et passe quand même ses examens.

Eux-autres, ils m'écoeurent.
Et ils sont souvent mes préférés.
Cette année, j'en ai un.

Il est plus vieux que moi. Il vient de la Nouvelle-Calédonie, il se prend pour un intellectuel mais il n'a jamais ouvert un livre. Il pense que le français de France est meilleur que le mien, que l'écriture c'est pour ceux qui ne savent pas parler, que les classiques sont des niques à poussière et que le Cégep est une idée folle de québécois incapables de se brancher. Il pose son cul sur une chaise quatre heures par semaine parce qu'il est obligé, ne fait jamais un devoir ni aucune  lecture.

Aujourd'hui, il devait retravailler son plan pour sa rédaction de la semaine prochaine. Il m'a dit, devant toute la classe bien sûr - sinon, ce ne serait pas cool - que ça ne lui tentait pas de travailler. Qu'il pouvait faire ça de chez lui, que mon cours s'en trouvait inutile. Je lui ai répondu qu'il devrait profiter d'être là pour me poser des questions et profiter du temps offert pour avancer son travail. Il a continué à m'obstiner. Je lui ai demandé de sortir.

Et soudain, il ne voulait plus sortir.

Note à moi-même : on ne résonne pas un paresseux, encore moins un paresseux qui veut avoir raison. Probablement que ça a déjà marché, avant. Qu'une petite prof a craqué pour ce genre d'insubordination. Il a peut-être déjà fait pleurer une suppléante et a rocké l'école primaire pendant un temps.

Mais là, Mr.King, t'es rendu au Cégep.
And there, I am the Queen.

Je lui ai envoyé un courriel. Tout simple. Qui lui révélait que la classe, ce n'est pas une lutte de pouvoir. Mon cours n'est pas un jeu. Pas parce que ça dérange les autres. Pas parce que son éducation est importante. Nanon.

Parce que j'ai déjà gagné.

Ma classe, my game, baby.  Je suis le boss dans ma salle de cours. J'ai le droit de te remettre à ta place, si je veux. Je peux te sortir. Je peux t'interdire de revenir. Je peux avertir ton A.P.I. Je peux t'interroger à répétition sur des sujets que tu ne connais pas et te faire passer pour un con. Je peux te rembarrer. Je peux arrêter de tolérer tes retards et t'empêcher de rentrer. Je peux te mettre en équipe avec la gagne qui reprend le cours pour la huitième fois et qui ne comprends toujours que dalle. Je peux te demander de lire à voix haute devant tout le monde. Je peux t'obliger à te lever pour écrire au tableau. Je peux t'obliger à t'asseoir en avant. Je peux te convoquer à mon bureau avec un membre de la direction pendant ton match de volley.

Mon p'tit criss, si tu me cherches, ta vie va devenir un enfer. Et crois-moi, j'ai de l'imagination. Faque adjust.

...ben non, je ne lui ai pas écrit ça.
Mais s'il me provoque une autre fois devant mes étudiants, il va pogner dequoi.
Il va se frapper à l'InDESScente.
'Cause it's true...still the Queen.
Pis dans mon jeu de carte, c'est toi le deux de pique. 

mercredi 20 février 2013

La vie est dans : Mes groupes

Je suis en train de mourir. Non, sérieusement. Je dois faire 10 000 de fièvre, présentement, je tousse, je crache mes organes internes ('sont fondus, anyway) et, pour prévenir la chute, je me tiens proche de mon bureau quand j'enseigne. Oui, parce que j'enseigne pareil. Que voulez-vous, je suis un peu gênée de prendre un congé de maladie alors que ça ne fait qu'un mois que j'enseigne. En plus, mes étudiants ont un gros examen la semaine prochaine, qui sera suivi par la semaine de relâche. Je ne peux pas le déplacer : j'ai besoin de la semaine complète pour le corriger. Et puis, cette semaine, j'accueille mes petits coquins de la formation continue. Alors on se sacrifie un peu, s'il vous plaît.
 
J'ai six groupes pour quatre cours. Pour les non-initiés, ça veut dire que j'enseigne - live - 22 heures par semaine, que je prépare des cours environ 15 heures par semaine, que je fais du centre d'aide en français 4 heures par semaine, que je suis disponible 8 heures par semaine à mon bureau et que je corrige un bon 2 heures de plus. Mettons que je n'ai pas le temps de m'ennuyer. Ça veut aussi dire que lorsque le cerveau est en train de fondre, ça use le système et que j'arrive à la maison sur les genoux.
 
Heureusement, j'ai des groupes merveilleux.
 
Le fait est que, lorsqu'on enseigne à six groupes différents, à Sept-Îles, on finit par être connue. Pas moyen d'aller m'acheter des bobettes sans tomber sur deux-trois étudiants qui magasinent à la Vie en Rose...ou qui y travaillent (« As-tu besoin d'aide pour ton soutien-gorge, Madame? ») . Or, quand on se promène dans le cégep même, croiser ses étudiants devient inévitable. Et les nouvelles vont très vite. Quand je rentre en classe, les étudiants sont sages : ils sont assis, silencieux, ils essaient de ménager ma voix en lisant des passages eux-mêmes dans leurs livres (eux qui détestent lire à voix haute!). Dans un de mes cours, on m'a offert des pastilles et une bouteille d'eau. Dans un autre, un étudiant s'est proposé pour faire mon secrétaire au tableau, que je puisse m'asseoir et revenir à une couleur normale. Mes cours se donnent presque tout seuls, et personne ne s'oppose à ce qu'on finisse d'avance pour que j'aille faire un ti-dodo en cachette dans mon bureau...
 
C'est ça qui me plaît, chez mes collégiens. Ils ont des réactions d'adultes : ils comprennent la situation, s'adaptent et essaient de la corriger du mieux qu'ils peuvent. Ils sont aussi pleins d'empathie (qui parfois, s'exprime par la suggestion - toute désintéressée - d'annuler le cours...ils sont si gentils!) et de respect. En même temps, je leur démontre qu'il n'y a pas vraiment d'état latent entre la vie et la mort : tant que t'es pas mort, tu peux venir à mon cours. Si je le fais, toi aussi, t'es capable.
 
Et je dois avouer que je profite allègrement de mon statut de demoiselle en détresse. Y'a toujours un chevalier-servant quelque part pour m'offrir de déneiger ma voiture, de porter ma mallette jusqu'à mon bureau ou d'aller chercher mes documents à la reprographie.
 
Vous pensez que je peux étirer ça combien de temps, une grippe?

mercredi 13 février 2013

L'o?$!- de St-Valentin - la suite

En écrivant ces lignes, je réalise que je tiens ce blogue depuis un an au moins. Ça en fait, du temps à perdre. Je remercie au passage mes 6000 entrées pour mes 2000 lecteurs différents et salue bien bas mes trois lecteurs de la Russie qui m'ont confondue avec un site spécialisé en vodka. Za zdorovie!

Bon, ensuite, revenons à ce sujet désespérant (et répétitif, à la fin) de la St-Valentin. C'est qu'en tant que fille éternellement célibataire - et fière de l'être, soit dit en passant - je m'étais développée tout un mécanisme d'évitement solitaire pour échapper aux guimauves, couleurs roses et chocolats véhiculés par la tradition et certains livreurs au job pour le moins désagréable. Car toute bonne célibataire qui s'assume sait qu'il est inutile de compter sur le cercle social lors de cette soirée fatidique : la moitié A est en couple, donc voudrait bien venir-mais-tu-comprends-ça-fait-trois-ans-avec-Robert-pis-tsé...alors que la moitié B n'est pas en couple et-pour-quoi-qui-de-dont-que-je-suis-célibataire-je-suis-moche-si-laide-et-je-rappelle-mon-ex-en-me-mouchant-dans-son-vieux-linge. Vous reste une copine, dans le coin, à l'air ambiguë, qui se dit que, si vous êtes assez désespérée et qu'elle vous fait boire suffisamment, peut-être aura-t-elle une chance de rompre son célibat dans vos draps. Enfin.

Donc, très peu pour moi que la mauvaise idée de sortir les amies. Allons, les filles, vous avez enfin une occasion en or blanc pour sortir vos talons hauts et votre vilaine attitude. Vous êtes célibataire? Tant mieux : les soirées célibataires pleuvent. Ravalez votre amertume et les deux pouces de trop au bas de votre jupe et faites la tournée des bars en vous imposant des défis. Photo-bombez les couples amoureux qui se bécotent sur les confortables sofas du bar. Volez le shooter d'une fille qui se désespère du numéro de téléphone d'un Douche Bag. Dégonflez l'égo du même gars qui vient vous draguer vingt minutes plus tard. Et pariez sur l'heure ou votre ex célibataire, entouré d'alcool et de ses vieux chums de gars, va décider de vous rappeler-parce-que-scuse-bebé-j'aura-vraiment-tsé-pas-dû-hic-te-laisser...

Du moins, c'est la stratégie proactive que j'avais adoptée jusqu'à ce que je me retrouve dans un coin perdu. Ici, il y a deux bars, que j'ai affectueusement surnommés Trop Cher et Trop Jeune. Les seuls prospects intéressants sont ou pris ou...pris. Ma seule opportunité d'aller veiller consiste à aller draguer le gars du dépanneur, et si j'ose sortir mes talons trop hauts, ça va faire le front du Nord-Côtier lundi. Il ne me reste qu'une seule option.

Crème glacée. Rosé. The Notebook.

Ah, pis by the way, c'est aussi mon anniversaire. Non contente de savoir qu'il y avait une possibilité que je le vive en célibataire, moi, j'ai décidé de naître ce jour-là. Tendre ironie du sort.

Vous pensez que le gars du dépanneur me chantera bonne fête?

dimanche 3 février 2013

La vie est dans : L'adaptation

Avant d'arriver ici, j'étais étudiante. Et fauchée, à part ça. J'habitais Québec - tout seule, s'il-vous-plaît - et je connaissais la ville par choeur. Je chauffais ma voiture jusqu'à mon travail où je vendais des livres tout à fait inintéressants à des gens qui ne les liraient pas de toute façon. J'achetais des bouteilles de vin à 9,95$ que je prenais à l'épicerie et seulement pour les grandes occasions. Je sortais de chez moi en jeans et en décolleté plongeant pour aller au dépanneur, et avec des talons hauts qui me faisaient friser les chevilles. Je ne me maquillais presque pas, un coup de brosse me semblait suffisant pour me coiffer. J'étais écrivain quand j'avais le temps, je tenais mon blogue pour parler au monde parce qu'avec deux ou trois jobs je ne pouvais pas le faire en vrai. J'écoutais de la pop quand je faisais le ménage parce que personne ne me voyait danser avec le balai, le CD des N'Sync jouait dans ma voiture. J'achetais la marque en spécial à l'épicerie, je passais voir mes amis à chaque fois que le prix de l'essence baissait, j'invitais à souper quand j'étais sur le point de perdre de la bouffe. Je mangeais des pâtes quatre fois par semaine, de la viande une fois seulement. J'achetais du café à 50 sous la tasse chez Pol. J'allais patiner à place d'Youville, danser à la Korrigane, boire au St-Angèle. Mes priorités ressemblaient pas mal aux deux boules de poils qui dormaient sur mon divan ou dans mon lit, et aux enfants qui m'entouraient. Je ramassais les animaux perdus et les gens égarés. Je parlais fort, je chialais, je bitchais, je cherchais le trouble et souvent je le trouvais, mais je redevenais douce et mignonne quand c'était le temps de l'être.

Y'a des choses qui ne changent pas.
Pour le reste, il a fallu s'adapter.

C'est bizarre d'avoir un colocataire. J'étais habituée à la vie solitaire. Maintenant, quand j'arrive, il y a de la vie, chez nous. Une vie barbue et souvent en lendemain de brosse qui s'en va enseigner la psycho, mais bon...c'est un prof de psycho. Cette semaine, il m'a amené à un brunch. On a commencé ça au mimosa (pour les non-initiés, c'est un mélange de jus d'orange et de mousseux), puis on a poursuivi au café-amarula pour finir ça au brandy aux pommes. Au travers de ça, il y avait des crêpes - à la bière - et beaucoup, beaucoup de gens qui mangeaient des fruits. Parait que c'était la Chandler (ne me demandez pas ce que c'est, à part un vague prétexte pour flipper des crêpes d'une étrange façon) et qu'il fallait fêter ça. La surprise qu'on me tende un verre avant 10h le matin a dû me faire changer de figure, parce que j'ai récolté pas mal de sourires entendus (« Elle est nouvelle en ville... », « Me semblais, aussi...») mais à Rome, on fait comme les Romains. À 10h15, j'étais finie. Cheers.

Je suis allée veiller avec les profs, aussi. Cocktail des nouveaux. J'imaginais ça un peu comme la consécration : je me suis habillée correctement, coiffée correctement, maquillée correctement...et je me suis fait remarquer correctement. Je représentais parfaitement la bonne fille bien éduquée que je ne suis presque pas et qu'on devait présenter à tout le monde. Et une petite bière par-ci, et un petit verre de vin par-là, et tiens, goûte à ça, et as-tu déjà essayé ça...Un verre d'eau et deux-trois confidences plus loin, je suis sortie de ce lieu de perdition avant que mes collègues ne se mettent à chanter des chansons grivoises.

J'exagère à peine.

Je suis allée veiller dans un bar, aussi. Quelqu'un m'a invitée à une place qui s'appelle Le Clandestin. Encore une fois, je me mets mignonne et je sors avec l'intention de m'amuser un brin. Quand je suis rentrée là, il y avait plus d'étudiants que de boissons alcoolisées au pied carré. Mettons que j'ai fait celle qui s'est trompée de porte.

J'ai fait une de mes premières vraies épiceries aujourd'hui. Je me rends compte que les années estudiantines m'ont marquées profondément. Tout d'abord, je réalise que j'ai encore le budget psychologique de 25 dollars pour mes courses de la semaine. À chaque fois que je vois un article de 4,99 et plus, je me dis que c'est trop cher et j'ai le réflexe de passer mon chemin. Maintenant que je fais plus d'argent, je devrais pourtant me lancer dans le fromage à bouche-que-veux-tu et m'envoyer les craquelins les plus chers et les plus bios du monde juste pour sentir que j'ai les moyens d'avoir une conscience sociale. Quand c'est rendu que t'as des palpitations devant ta marque préférée de yogourt parce qu'elle n'est pas en spécial mais que tu vas (peut-être) te la permettre, tu te rends compte que tu as mené une bien drôle de vie.

Je suis partie avec un paquet de biscuits, finalement (ce qui était proscrit de mon alimentation auparavant, car considéré comme non-essentiel à ma survie). Quand j'ai pris la boîte, j'ai senti l'émotion monter. Les biscuits étaient à 2,50$. Baby steps.

Ah, j'ai recommencé à lire, aussi. À jouer aux jeux vidéos. Je joue de la guitare (je suis vraiment mauvaise, mais j'aime ça). Et j'enseigne. Je me trouve vraiment chanceuse, parce que je fais le plus beau métier du monde (enseigner), dans la plus belle discipline du monde (la littérature) et que je suis payée pour le faire. Maintenant, J'OBLIGE du monde - pas toujours insignifiant - à lire des livres que je trouve intéressant. Je leur donne le moyen de les comprendre. Et quand ça ne fonctionne pas, je tourne le tout en dérision, j'ironise, je gueule. En dernier recours, j'enlève mon veston.

Comme je disais, il y a des choses qui ne changent pas.

dimanche 20 janvier 2013

La vie est dans : La première semaine

Quand on est nouveau prof dans une tout petit établissement, quand on est nouvelle résidente dans une toute petite ville, quand on est nouvelle colocataire pour une toute petite salle de bain, c'est certain qu'il s'en passe, des choses, pendant sa première semaine.

Je viens de Québec. J'ai un manteau mignon - et blanc, deux chats, une paire d'espadrille, une dégaine du dimanche matin en permanence. Je bois trop de café, je me lève à pas d'heure, je ne me couche jamais. J'écris, je patine, je tricote, je parle (beaucoup), je danse, je ris, je lis, je blogue, j'achète des cossins et je repeinture mes murs à chaque fois que je change d'humeur. J'ai aussi l'habitude de mener trois vies en même temps (trois jobs, trois meilleurs amis, trois boyfriends....meuh non!) et toutes de front, à part ça.

Pis là, j'arrive ici.

C'est pas que c'est tranquille, ici. Il se passe toujours quelque chose. Et ça a toujours un vague rapport avec la météo. Faut dire que, à mes deux premiers jours dans la région, il mouillait. Mais comme qui dirait beaucoup. Assez pour faire un sort à mon beau manteau blanc. Tant pis pour le cuteness. (je ne sais même pas s'il y a un service de nettoyeur, à Sept-Îles), ça ne m'a pas empêché de faire un peu d'exploration.

À mon premier jour, je me suis retrouvée au Cégep. Je dis bien retrouvée, parce qu'avant, j'étais perdue. Ici, le Cégep, il est dans le bois. Pas dans un sous-bois, là. Dans le bois-bois. Un érable, un chêne, un Cégep, un érable...En entrant, je suis allée à la Coop pour commander les livres de mes étudiants. Premier contact? Une petite madame Bonjour toute heureuse d'être contente mais qui n'a aucune idée de l'endroit où peut se cacher le département de français. Qu'à cela ne tienne, deux pas plus loin, je me faisais ramasser par le D.P. (comprendre : directeur des programmes) qui m'a reconnu au premier coup d'oeil et qui m'a amené gentiment jusqu'à ma coordonatrice.

Une vraie perle, ma coordo. Un mélange de Maya l'abeille et de la soeur volante. Artiste, travaillante, joyeuse, engagée...avec un goût vestimentaire remarquable. Moi qui avait fait un effort et avait troqué mon traditionnel coton ouaté/souvenir de Sissy (c'est-à-dire plein de poils de chat) pour un jupe-veston, je me sentais un peu drabe. Mais bon. Une fois les présentations faites à quelques nouvelles collègues, on m'a montré mon bureau (que j'occupe seule - suis-je en quarantaine??), la photocopieuse (qui ne marche jamais!) et la machine à café. Avec ça, je suis bonne pour un bout.

Le deuxième jour, après ma formation anti-terroristes (faut barrer la porte et se cacher en-dessous des bureaux...une prière, avec ça?) j'ai exploré Sept-Îles. Pas très compliqué, suffit de trouver la rue Laure. T'as besoin de quelque chose? C'est sur la rue Laure. T'as besoin de rien? C'est sur la rue Laure. Ici, y'a encore un Géant des Aubaines et un Rossy. Ils ont caché la caisse populaire (paraît qu'ils la rénovent, mais moi, je soupçonne un plan machiavélique pour m'empêcher d'avoir de l'argent cash sur moi) et la fille de la bijouterie me confond avec une de ses vieilles connaissances du secondaire.

Mercredi, j'ai sû que je devais remettre mes plans de cours pour...là, lâ. Je t'ai pagossé ça en me disant que le plus important, c'était la date des examens. J'improviserai la viande, ils n'ont besoin que des os...d'ailleurs, c'est tout ce qui intéresse mes pauvres étudiants. La date des examens et les oeuvres à l'étude, bien sûr.

D'ailleurs, je me permets une parenthèse. En tant qu'ancienne étudiante en lettres, je pouvais me targuer d'avoir une belle collection de livres à la maison. Non seulement j'avais la prescription de l'académie littéraire (genre la Chartreuse de Parme) mais aussi mon best of personnel. Or, quand on est enseignant, c'est très pratique d'avoir tout ça à portée de main. Monter un cours sans ses bouquins? Presque mission impossible. Alors j'ai lâché deux ou trois mots chrétiens quand le collège m'a rajouté un cours...Une chance, une collègue a été assez fine pour me prêter les siens.

Jeudi, j'ai travaillé mes séquences didactiques, j'ai terminé de dépaqueter mon char et j'ai jasé avec le colocataire et son amie. Tout le monde se connaît ici, et tout le monde connaît mon coloc. Sans trop de temps, je vais finir par connaître tout le village. Bon, lui me prend probablement pour une workaholic-maniaque du ménage- pas de vie-dépressive, mais il va finir par se rendre compte de ma personnalité flamboyante et de mon caractère peu commun.

Je l'ai quand même averti de ne pas s'attacher. Je m'en vais dans quatre mois.

Vendredi, j'ai su que, en plus de mes heures de cours, je devais être disponible pour le centre d'aide en français libre (le sans rendez-vous, finalement) au moins quatre heures par semaine. En plus, je dois donner des disponibilités à mon bureau. C'est qu'on est très présent, ici. Alors je me suis patenté un horaire. Avec Omnivox. Plate-forme très cool, en passant...et nouvelle. Oui oui, ici, Omnivox, la plate-forme 2.0 pour la communication étudiante, la TIC traditionnelle au collégial, la borne surutilisée dans le temps de mes années étudiantes, c'est nouveau.

Faut dire qu'Internet se rend depuis deux ans, à peu près. Faut pas charrier.

J'ai donc gossé mon horaire et je suis rentrée chez moi. Y'avait rien d'autre à faire, de toute façon : tout était fermé à cause du froid. C'était la première fois que j'entendais parler de ça, moi, des écoles qui ferment parce qu'il fait trop froid. Dans mon temps, on marchait pour aller à l'école, mais j'imagine que sans le bout de mon nez, je serais moins jolie. D'ailleurs, ici, tout le monde s'est déjà gelé quelque chose, et tout le monde se montre ses cicatrices d'engelures comme des blessures de guerre. Menfin.

Samedi et dimanche, j'ai dormi. Ça gruge, être une inDESScente qui travaille. Faut se rattraper quelque part.

Demain, j'enseigne. C'est quand même drôle. Voilà deux semaines, je n'étais qu'une humble libraire. Maintenant, je suis une near-to-be prof.

Et demain...y'a une classe qui va goûter de l'inDESScente.

Ils s'attendent à ça, vous pensez?

lundi 14 janvier 2013

La vie est dans : Sept-Îles

Mon colocataire joue de l'accordéon.

Il pleut, ici. On m'avait décrit un pays blanc de neige, blanc d'hiver. Où les gens se déplacent en ski-doo et se réchauffent à l'alcool fort. Pourtant, ici, l'hiver se fond et mouille les bottes jusqu'à la doublure.

Le voyage a été long. Dix heures de route dans une brume plus épaisse qu'une purée de pois. Au moins, quand on roule à 30 km/heure dans une zone de 90, ça donne le temps de penser. Malheureusement, quand on pense en voiture, on pense plus à ce qu'on laisse en arrière qu'à ce qu'il y a devant. Au travers des montagnes, la bretelle qui nous mène au nord nous semble comme une longue complainte dans l'air humide de la mer.

Une chance, il y a mon coloc.

C'est un bon gars, mon coloc. C'est un gars, en tout cas. Même s'il a un nom de fille. Prof de psycho, en plus. En fait, prof d'à peu près tout. Ski, musique, raquette...Il cuisine, il fume, il enseigne et il fait de la contrebande d'ail. La première fois que je l'ai rencontré, il était en bobettes, à moitié réveillé et sur un lendemain de brosse. La deuxième fois, il écoutait de la musique classique dans le salon et il lisait de la philosophie. Faudra bien que je le laisse m'amener dans le bois, bientôt. On pourrait aller se perdre quelque part, qu'il me montre combien c'est beau, Sept-Îles.

Je suis allée au Cégep aujourd'hui. J'ai dû rencontrer le personnel au complet. Je semble être le bébé-bébé du département (la plus jeune et la pluss nouvelle), ce qui attire beaucoup l'attention. Naturellement, qui dit département de français dit département de filles. Beaucoup de cocottes donc, l'air survolté de la session qui commence faisant cliqueter leurs boucles d'oreilles. Elles sont jolies, elles sont maquillées, elles sont en talons hauts. Bref, c'est des madames. Des madames avec des clés USB, des séquences didactiques et des méthodes pédagogiques, mais des madames pareilles. Et, en ce qui me concerne, elles n'ont qu'une seule mission.

M'intégrer.

Bref, on m'a donné des becs, on m'a serré la main, on m'a donné assez de matériel de bureau pour scolariser un petit pays du tiers-monde, puis on m'a laissé là en m'informant que ma tâche allait encore monter et qu'elle serait donc pas mal pleine cet hiver. Même que la coordonatrice (une madame bien branchée, avec un doctorat en grec ancien...fouille-moi pour savoir quelle haine du temps libre peut te pousser à étudier une langue aussi morte que ça!) avait l'air un peu inquiète. Faut dire qu'elle ne me connaît pas encore...

Je me suis  fait enrôler dans le prix littéraire des collégiens (vive les livres gratuits!) et j'ai faillit me faire embarquer dans un groupe de recherche (qui prend forme dans la revue littéraire Le Littoral, spécialisation Nord-Côtière), mais comme je n'y connais rien, mon voisin de bureau n'a pas trop insisté. En parlant de mon bureau, je suis complètement au fond, un peu à part, et j'y serai toute seule la plupart du temps. Tant mieux, quand j'y pense. J'ai beaucoup de travail à faire. D'ailleurs, j'ai appris à midi que mon plan de cours était à remettre pour demain, juste après notre formation anti-terroriste (ce n'est pas une blague). By the way, vive la planif-que-je-n'ai-pas-apprise-à-faire-en-didactique-du-français...

Ce n'est pas facile de n'être pas chez soi. Parfois, la nuit, j'ai envie de ramper sous le lit pour retrouver une peluche, ou une quelque forme de réconfort cachée dans le noir. Mais il n'y a rien, sous le lit. Pas de peluche, pas de chat. Alors je regarde vos photos, vous, mes amis que j'ai laissés derrière et que je n'ai pas vu assez avant de partir. J'envisage de m'acheter un capteur de songes sur la réserve pour vous y retrouver au matin, accrochés dans les plumes. Au lieu de ça, je me transforme en madame et je me dirige vers mon nouveau travail en entendant sonner mon nouveau trousseau de clefs.

J'ai du temps pour m'habituer. Il y a sûrement de la beauté cachée dans la grisaille. Mais pour l'instant, je ne vois que ma mélancolie.

Et je n'entends que le silence d'une ville endormie, et l'air triste d'un l'accordéon.

dimanche 13 janvier 2013

La vie est dans : Partir.

Je suis partie au Couche-Tard. Fallait que je fasse le plein avant mon départ. Tant qu'à y être, je suis rentrée acheter deux ou trois trucs pour le voyage : seven up et bouteille d'eau. Pas cher. De quoi me tenir hydratée, en tous cas. J'ai déposé ça en vrac sur le comptoir. Derrière, le caissier.

Moi : Salut, Max.

Après 3 ans et avec mon tempérament, je connais tout ce qui vit de nuit par son nom. Il a sourit.

Max : Salut, Val. Tu pars à soir?

J'ai opiné pendant qu'il scannait. Il m'a dit un montant, j'ai payé. Puis, Max a fait un geste pour attraper son foulard.

Max : T'as-tu deux minutes?

J'ai dit oui. Il s'est habillé puis s'est dirigé vers la machine à café pour en faire couler deux. Il ne paie jamais ses cafés, Max. Ni les miens non plus. Avantage de travailler de nuit, paraît-il. Petit larcin innocent. On est sortis, il m'a tenu la porte, puis m'a tendu une tasse fumante. On s'est assis sur le congélateur. Lui pour fumer, moi pour boire.

Max : La route va être belle, ce soir. Fait doux.

C'est le genre de chose qu'on dit pour partir la conversation, alors j'ai opiné.

Max : Combien d'heures de route jusqu'à Sept-Îles?
Moi : Neuf, à peu près.
Max : Je pense que tu vas donner tout le sens à l'expression « aller se perdre dans la brume ».
Moi : Crains pas, je me perdrai pas.

Il a sourit sans me croire, alors j'ai sourit aussi.

Max : T'as fait quoi, aujourd'hui?
Moi : Fait du ménage. Vu ma petite soeur. Paqueté. Dormi

J'ai bu du café et soupiré en regardant ma voiture pleine. Toute ma vie tenait là-dedans, maintenant.
 .
Max : Grosse journée, hein?
 Moi : Pas mal. Et elle est pas finie.

On a bu du café, encore. Je l'ai poussé du coude.

Moi : Peut-être que, quand je vais revenir, tu vas avoir fini ton secondaire.
Max : Peut-être. Là, c'est quoi, le programme, pour toi?

J'ai désigné l'auto.

Moi : Je finis mon café, j'embarque là-dedans, pis je pars.
Max: Faque je suis le dernier gars que tu vois à Québec?

Il a rougit un peu, je pense. Il est mignon, Max. C'est comme si ses yeux n'avaient jamais vieillis.

Max : Tu reviens quand?
 Moi : Dans quatre mois.

L'air de la nuit nous a caressé le visage. Les clients entraient et sortaient du Couche-Tard. J'avais les pieds gelés, alors je me suis levée.

Max : C'est plate que tu partes aussi vite. On aurait pu aller prendre un café, avant.
 Moi : On vient de le faire.

Tout était dit. Je suis montée dans ma voiture et j'ai démarré. Max, assis sur le congélateur, n'a pas bougé, et son reflet s'est progressivement dissous dans mon rétroviseur.

vendredi 4 janvier 2013

La vie est dans : Se revirer de bord

Ce qu'il y a de bien avec la vie, c'est qu'on ne la voit jamais venir.

Dernièrement, elle m'a foncé dedans. Un poste à Sept-îles. Yeah! Quelle magnifique surprise. D'ailleurs, avec le magnifique système de l'Université - la grande la vraie - qui m'a officiellement diplômée en décembre 2012 (alors que j'ai terminé son programme en mai d'avant...franchement, j'ai l'air de quoi...) je me suis trouvée un emploi immédiatement après mes études. Ils doivent se dorer la statistique, eux-autres. Aussi, d'après mon cours de Système Collégial 101 et ma connaissance vague mais pratique de la corréalation saisonnière et de la fréquentation estudiantine, il est presque impossible d'avoir a) une tâche qui a de l'allure l'hiver et b) d'obtenir un emploi là-dedans quand on n'a pas d'expérience.

Or, moi qui ne fait jamais rien comme les autres (dixit mon karma...) j'ai réussi les deux.

Bon. C'est beau tout ça. Mais quand on apprend un 17 décembre en plein rush de Noël qu'on déménage dans une contrée lointaine le 14 janvier, on réalise que finalement, tout ce temps-là, on avait une vie.

Ce que j'avais :
- Un travail rémunéré.
- Un abonnement au gym.
- Un appartement.
- Deux chats.
- BEAUCOUP de stock.

Ce que je n'avais pas.
-Un plan de cours...
- Une connaissance hypothétique de c'est où, Sept-Îles...
- Un endroit où vivre, là-bas.
- Une idée de comment j'allais patenter ma vie pour les quatre prochains mois.

Qu'à cela ne tienne. Armée de ma désespérante confiance et de ma désarmante pensée positive, j'ai trouvé (bon, harcelé, ok...) deux gardiennes pour les minous (Sissi et Voltaire s'en-vont-en-guerre...bonne chance, les chatons). L'abonnement au gym, ça se diffère, ça a l'air. Un coup de fil, et je réserve une chambre en résidence (ce qui me permettra certainement de vous fournir quelques anecdotes croustillantes, c'est à suivre). J'ai choisi mes oeuvres à l'études, je suis en train de monter un plan de cours et trois power-séquences-didactiques.

Bref, je me débrouille, je planifie, et mon frigo est recouvert de post-it. Coupe de cheveux avant de partir, renouveler la prescription de verres de contact, faire vacciner les minous, donner ma démission au job rémunéré (craignez pas, je vais revenir...) achats d'une nouvelle garde-robe « professionnelle » (prétexte) et rendez-vous avec presque tous ce que j'ai dans mon bottin social qui veut me voir avant que je parte.

Seul pépin, l'appart.

Quand t'habite dedans, c'est pas trop grave de payer ça. C'est chez vous, tu t'endures. Mais le laisser vide pendant quatre mois, c'est une autre histoire. Je faisais des cauchemars la nuit où des squatteurs venaient utiliser mes toilettes. Où on me piquait mes saisons de Buffy. Où on repeignait mon appart en brun.

Le calvaire.

Heureusement, la vie, elle est bien faite. On vient de sous-louer mon appart. Petite famille mal prise qui vit à peu près le même problème que moi et qui doit emménager à Québec au P.C. Bref, dans cette histoire, je suis le messie qui arrive avec sa manne bénie qui tient dans un beau trois et demi.

Alléluia.

Dernier problème. Avez-vous déjà déménagé à deux places en même temps? Je dois m'arranger pour boiter ce qui est nécessaire à mon départ pour Sever Island (ça fait plus exotique) et caser le reste dans mon locker. Fastoche! Mais avec mon indicible capacité à m'emmêler les pinceaux, je vais probablement déballer un assortiment de nounours rendue là-bas pendant que ma vaisselle s'ennuiera à Québec.

Pas grave. Les nounours, c'est réconfortant.
Pour le reste, il y a Visa.
...ils prennent Visa, là-bas, hein?