dimanche 16 septembre 2012

La vie est dans : Tenir ses promesses


Temps des aveux.

Autrefois, je fus une jeune fille qui avait beaucoup (beaucoup!) de temps à perdre. Disons que lorsqu’on habite dans son école, on a du temps pour penser…et pour rêver. J’écrivais des romans, je lisais des romans, je n’étais pas particulièrement fana d’autre chose que d’écriture, et c’étais bien comme cela. Je filais le parfait bonheur dans mon ignorance des médias.

                Jusqu’à ce que Canal Famille ne soit vendu à Québecor Media et que notre joli poste familial qui avait accueilli Bibi et Geneviève ne se mette à diffuser des programmes plus…adolescents. Et c’est un soir tout bête comme ça, le soir de la première, que j’allais rencontrer le programme télévisé qui, pour ainsi dire, changea ma vie, parce qu’il m’accompagna tout le temps de mon adolescence…

                Buffy contre les vampires.
                Buffy the Vampire Slayer.

                Sans vouloir dire que dans ces quelques années, j’ai perdu toutes mes fonctions cérébrales, disons que certains deux hamsters de notre connaissance n’étaient pas encore entrés en poste. De 14 à 20 ans, j’ai développé un béguin incroyable pour les deux vampires de la série (Angel et Spike, pour les non-initiés…je peux bien juger les cocottes qui trippent sur Twilight…entéka) , je me suis mise à écrire de la fanfiction, j’enregistrais et je réécoutais sans arrêt les épisodes dont j’ai fini par connaître le texte en français ET en anglais par choeur, j’ai appris le download (ce qui n’était pas si évident, à l’époque), j’ai rencontré des fans et j’ai lu des fanzine…

                Si vous ne comprenez pas ce que je viens d’écrire, c’est normal, je parle en geek.

                Bref, à l’époque, le fanatisme était encore une chose qui se passait davantage en France et au États-Unis. On entendait très peu parler de conventions, de geeks, de trucs du genre dans notre belle province. Je suivais attentivement les rencontres de fans d’ailleurs dans le monde et je m’étais promis à ma petite adolescente de moi que si un jour j’avais une occasion de rencontrer les personnages (et un en particulier…), je la saisirais sans me poser de question.

                J’ai bien dormi ce soir-là et les jours suivant, et comme tout délire d’adolescente, c’est tombé dans la brume.

                Jusqu’au mois d’août 2012.

                Ça faisait déjà quelques années que je croyais être vaccinée contre ça. Les réactions irrationnelles. Le cœur qui bat trop vite pour rien, la sueur, les tremblements au bout des doigts, alors qu’il n’y a aucune stimulation particulière. Plus de mon âge…franchement. Jusqu’à ce qu’une de mes amies m’envoie ça.

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Plus de son. Plus d’image.
J’étais au travail. J’ai demandé congé sur le champs. J’ai acheté mes billets. Rempli ma voiture d’essence. Et je suis partie. Sans me poser de question.

Direction Montréal pour ma première convention de Geeks et ma première visite de cette ville dans un contexte non-scolaire.

Je suis arrivée là jeudi soir vers 22h. Il faut spécifié que la fille qui m’accueillait était une amie de longue date que j’avais rencontré par le biais de mon écriture de fanfiction et qui gérait mon site internet de diffusion de l’époque (je vous avertis, les enfants, ne cherchez pas ça…). On a veillé jusqu’à 3h du matin, à jaser de littérature, de crochet, de cuisine, bref, de tout.

Sauf de lui.
On ne pouvait pas parler de lui.
Parce que le cerveau me fondait.
Littéralement.

Le lendemain, nous nous sommes levées assez tard (hé hé) et nous avons pris le métro pour l’île. C’est là la première fois que je me suis aperçue que je n’avais pas mes billets pour le show. Tergiversations, problèmes…On règlerait ça plus tard. Au programme : bouquineries, boutiques farfelues et bons restaurants! Les yeux alertes, j’ai repéré une imprimerie qui pouvait me rendre mes précieux billets. Et en route pour le Comiccon!

Bon. Si vous n’êtes jamais allé dans ce genre d’endroit, oubliez tous les préjugés qu’ils vous inspirent. Oubliez le jeune nerd boutonneux le nez plongé dans une revue de Trekkie qui porte ses oreilles de Spok pour aller au secondaire et qui est sur le point de se briser les doigts à force d’essayer de séparer son majeur de son annulaire. Nous n’en sommes plus là. Un commicon, c’est une convention de fans, d’artistes, d’artisans et de créateurs de toutes sortes. On y trouve des gens de tous âges, de plein de milieux, de tous les sexes et de toutes les cultures. L’ambiance est particulière : certains sont déguisés de façon incroyable et vous pouvez croiser Wonder Woman ou Hulk à tout moment. Tout le monde a un appareil-photo, c’est un spectacle ambulant. Dans la salle des exposants, plusieurs proposent des objets dérivés, mais plusieurs artistes suggèrent des produits originaux qui valent la peine d’être considérés. Il y a moyen de négocier ses achats, les vendeurs sont gentils (et dans certains cas, très avenants…pour le dire comme ça…) et les surprises sont au rendez-vous.

Par exemple, j’étais en train d’observer des sacs réutilisables de l’évènement avec beaucoup d’attention, quand je me suis retournée. Et là, il y avait un Zombie. Mais pas le genre de zombie qu’on croise à l’Halloween avec un masque cheap du Wall-Mart, là. Un vrai-faux zombie, avec une prothèse faciale, beaucoup d’hémoglobine et un regard noir. Très noir. Vide. Et il se tient à deux centimètres de ma face.

J’ai hurlé. Ce qui m’a conforté dans l’impression que j’ai qu’on a oublié de me greffer un instinct de survie. Le gars, avec un accent hyper-québécois, a bien rigolé et m’a tendu un flyer pour la Zombie Walk du 20 octobre.  Merci, le grand. Une photo et une réanimation cardiaque, nous voilà parties, ma comparse et moi, pour notre première conférence.

Nicholas Brendon. La surprise de la fin de semaine. Voyez-vous, je ne me suis pas particulièrement renseignée avant de partir. Parce que si je l’avais fait, j’aurais découvert qu’un autre acteur principal de la série serait au Comiccon. Celui qui jouait Xander. Et qu’il répondrait à des questions Live. Et dans un tel cas, vous savez, j’aurais pu me préparer psychologiquement, me faire travailler par Soleine au travail (la full-excellent-bilingue-wow du travail) pour apprendre une question qui a de l’allure en anglais et enfin ne pas faire une folle de moi.

Mais non.

Vous vous souvenez de cette bête promesse que je m’étais faite adolescente? Saisir n’importe quelle occasion de contact? Ben c’est ça. Il était là, devant, et l’animateur cherchait des gens pour poser des questions. Moi, avec mon front de bœuf, j’ai levé la main. Tsé, c’est juste un gars comme les autres, rien de spécial, rien à dire. J’avais une question intéressante, en plus : je voulais savoir s’il avait visité Québec et, si oui, laquelle des deux villes était la plus intéressante. Tsé, une question qui a de l’allure. Et qui aurait pu se poser à l’autre invité aussi (un acteur secondaire de la série qui m’a coûté plusieurs minutes de réflexion avant que je ne réussisse à l’identifier…mauvaise fan que je suis). Alors voilà, on m’a invité. Le gars m’a dit de parler fort. J’étais en ligne. La fille devant moi est partie.

Et il y a eu le contact visuel.
Il a un contact visuel très intense, Nicholas Brendon. Solide. Il ne fuis pas, il communique avec les fans.
Et je ne m’attendais pas à ça.
Et il attendait. Et je ne parlais pas. J’avais oublié ma question. J’avais oublié où j’étais. J’avais oublié mon nom.
Cerveau liquéfié. Mode automatique.

Sauf que là, le mode automatique s’emballe. Envoye, dis quelque chose, la grande, tout le monde attend, , n’importe quoi, come on, come on, envoye! Je suais, je tremblais, j’ai ouvert la bouche, mais tout ce que j’ai réussi à cracher, c’était :

« Oh my God, you’re so hot. »

Éclat de rire général. Réponse?

« Thank you. You’re awesome too! »

Rires encore. Bon. Entre deux arythmies, je pose une question sur les Bds de Buffy. Rien de bien spirituel. Il répond. Fin de la relation. Une maudite chance pour mes organes internes.  Nous retournons à la salle des exposants pour faire des achats et remarquons qu’il signe des autographes. Malheureusement, pour une photo et une signature, c’est incroyablement cher et je ne peux pas me l’offrir. Nous nous tenons donc à côté de la table et le prenons en photo pendant qu’il signe pour quelqu’un d’autre. C’est déjà ça.

Pour tuer le temps entre la conférence et le show qui nous intéresse, nous magasinons et trouvons plusieurs choses à notre goût. Mon amie achète entre autre un toutou en forme de chat qui chante « Soft Kitty ». J’ai alors appris que je n’étais vraiment pas une geek, étant donné que je n’avais aucune idée de ce que c’était.

Et puis, nous nous sommes mises en file pour le show. Et en faisant la file, nous l’avons vu pour la première fois.

Il faisait des tests de son. Là. À quelques mètres de nous. Nous l’avons vu.
Flash back de 10 ans. J’avais 15 ans encore, toute maturité s’est échappée, je suis cliniquement décédée à se moment-là. Sérieux, j’ai bloqué la file. J’étais absorbée par le gars sur le stage qui gossait sa guitare. Parce que c’était lui. Qu’ado, j’avais terriblement voulu le rencontrer. Et qu’il était là. Tout simplement.

Mais bon, il a fallu que je finisse par avancer, et il restait une bonne heure avant le spectacle. Alors on s’est assis et on a jasé avec d’autres fans. Une prof de français de quarante-quelques années qui s’était fait prendre en photo avec lui (ELLE L’A TOUCHÉ!!!). La chanceuse. Deux sœurs un peu plus jeunes qui commençaient à lire les Bds et qui ont eu un câlin de Nicholas. Wow…Quand ils ont ouvert les portes, j’étais encore…tiltée. J’ai aussi appris, dans cette heure de conversation, que les deux artistes de Buffy se trouvaient là l’année d’avant. Ah ben, ah ben…

Nous nous asseyons dans la salle. Nous sommes très près du stage. Dans le sens de très, très près du stage. Je fébrile. Pas dans le sens de «je suis fébrile». Dans le sens cardiaco-clinique du terme. Et puis, il apparaît.

Je vais vous faire grâce de la gamme d’émotion par lesquelles je suis passée, parce que de toute façon ça ne se décrit pas. Je peux seulement vous dire qu’il a chanté une vingtaine de chansons, que c’est un gars très très drôle et hyper sympathique. Petite anecdote encore : j’ai filmé tout le show et je pense être la seule (avec mon accompagnatrice à l’avoir fait). Or, une caméra qui filme, ça se voit. Et pendant une chanson, il a braqué son regard dedans. Mais solide. Peut-être, oui, regardait-il vaguement la foule. Mais laissez-moi donc fantasmer.

Et ce n’est que ça. Après, métro, bus, voiture, come back jusqu’à Québec dans une demie-réalité. Mon cerveau (qui vient de revenir de vacances, très reposé) n’a pas fini de traiter toutes les informations. J’ai eu l’air folle devant une vedette? Coudonc. J’ai vu James Marsters en concert? C’était pas un rêve, ça? J’ai failli me faire mordre par un Zombie? Ah ouais? Petite semaine…

Mais tout cela m’a appris deux choses.

La première, c’est que je fais parfaitement la différence entre l’homme et le personnage. Je ne suis pas allée voir Spike. Je suis allée voir le type qui l’a incarné. Ce type qui a eu une vie difficile, qui s’est fait foutre en-dehors de son école de théâtre, à qui on a dit qu’il ne serait jamais un acteur. Qui est passé par un divorce. Et puis, qui a eu une chance, et qui par la suite, a fait sa chance. Il y a quelque chose de très spirituel à conclure de cette rencontre. En le regardant sur scène, j’ai soudainement compris que c’était possible de toute avoir. La famille, la gloire, l’amour, l’argent, le bonheur…tout ça, on peut l’avoir en même temps. C’est possible. Et même si la vie n’est pas toujours parfaite, juste d’être là, sur cette chaise, à l’écouter chanter, j’ai eu, un bref instant, l’impression de tout avoir. Et c’est une exaltation que je n’ai connue qu’à trois reprises dans ma vie. Et qu’à chaque fois, ça me fait trembler de l’intérieur pendant un long moment. Comme si, soudainement, je ressentais ma propre existence. Sur la scène, ce n’est qu’un homme et sur la chaise, ce n’est qu’une femme. Mais c’est un peu plus que ça. J’observe un achèvement et je réalise que je peux, moi aussi, être une personne achevée.

Bon, ok, ça a l’air d’un délire de fan et c’en est peut-être un. Mais pour moi, c’est observer le travail d’un gars qui a occupé ma vie si longtemps et le regarder recevoir une dose massive d’admiration même après si longtemps. Je trouve cela impressionnant et, disons-le, inspirant. Ne suis-je pas aussi une artiste?

La seconde chose, c’est que personne ne vieillit vraiment. On change, on grandit, le corps se transforme. Mais quelque part dans notre cerveau, il y a ce tiroir qui n’est jamais totalement fermé, mais que nous oublions si souvent. Ce tiroir rempli de rêves et de promesses qu’on hésiterait à tenir si l’occasion se présentait, parce qu’on se juge nous-même ou qu’on ressent la crainte du regard des autres. Parce qu’on se dit qu’on est trop vieux ou trop mûr pour la chose. Et on laisse passer ainsi des occasions. Personnellement, je pense qu’une promesse que l’on se fait à soi à une période antérieure de notre vie est aussi importante qu’une promesse que l’on aurait faite à une autre personne. Parce qu’en tenant les promesses que l’on fait aux autres, on gagne leur confiance et leur respect, je pense que l’on gagne un peu de confiance en soi et de respect de soi-même en honorant nos anciens nous-mêmes. J’ai eu l’impression d’être accompagnée de moi, dis ans plus jeune, dans cette salle. Et, même si parfois, mon ado-moi me juge, est déçue de ce que je suis devenue et ne comprends pas mes choix, ce jour-là, nous étions en parfait accord sur ce qui doit être fait, sur la ligne parfaite entre l’idéal utopique des jeunes années et la réalité sèche et grise de l’âge adulte. Je me suis aussi dit que, même des années plus tard, un rêve reste un rêve et le réaliser constitue la chose la plus satisfaisante qui existe.

                Maintenant, je dois emballer précieusement mes souvenirs, serrer mon rêve contre moi et passer à d’autres choses. Ce fut un moment de grâce, certes, mais la conclusion, c’est que les rêves se réalisent en poursuivant sa vie, lors de la bonne occasion. J’attendrai donc la prochaine.

                En fait, j’attendrai l’ANNÉE prochaine.
                Et l’an prochain, tous les coups seront permis.

 D'ailleurs, l'an prochain, je vous embarque toute la gagne, ce sera beaucoup moins long à raconter.