vendredi 19 avril 2013

La vie est dans : Le cours des choses

Ce soir, j'enseigne le swing.

Je sais que le bonheur n'est pas loin quand je sais que je m'en vais danser. Je ne pense qu'à cela toute la journée. Je prépare mes vêtements la veille. Souvent, j'en achète des nouveaux, que je teste dans mon salon. La jupe s'envole-t-elle? Les souliers glissent-ils? Ai-je l'air awesome ET confortable? Je pratique des variations de pas en cachette, avec le frigo comme partenaire. Je mets de la musique un peu trop fort, juste pour emmerder les voisins. Je m'en fiche. Je vais danser ce soir.

Quand j'enseigne le swing, c'est la même chose, exposant 10. Je suis professeure de français, et la danse est un langage comme un autre. J'apprends à mon groupuscule d'élèves à communiquer par le mouvement. Je mélange les passions et je fais mon show en même temps. Cela satisfait mon besoin d'expertise, de cérébralité et d'élitisme ; ça conquiert aussi mon côté m'as-tu-vu et je-suis-drôle. Meilleur des deux mondes.

Cette semaine, j'ai rejoint le comité exécutif de Swing Sept-Îles. En fait, pour être exacte, je fais partie des membres fondateurs. Je suis aussi la coordonatrice des initiations, ce qui veut dire que bientôt, je posséderai les numéros de tout ce qui danse le swing à Sept-Îles. En plus, je suis la gardienne de la playlist, responsable des DJ et DJ non-officielle à mes heures (DJ Indécente, avouez que ça a de la gueule! ). On parle de me faire enseigner à l'école de danse officielle de la ville, on reconnaît mon expertise en Jive et en chorégraphie. Je suis en train de gagner le respect de la communauté et on me témoigne beaucoup de confiance. Petite semaine.

Aussi, cette semaine, j'ai démarré un programme de création littéraire à la formation continue. En fait, en allant semer une graine, j'ai planté un arbre. Je ne proposais qu'un atelier, qu'un cours du soir, vraiment, basé sur mes connaissances en littérature et sur ma capacité - timide, mais réelle - à écrire en passant de l'émotion. Ce que je n'avais pas prévu, c'est que l'école des adultes - alias Formation Continue - embarquerait à un tel point dans le projet que, loin de se contenter de simples atelier, elle prévoit tout un programme qui, potentiellement, allierait les cours de création de fiction courte et de fiction longue, l'étude des différents genres littéraires et des différents styles d'écriture. Avant mes trente ans, il se peut bien que je devienne responsable de l'organisation d'un programme entier.

Petite semaine, dis-je.

Aussi, la fin de semaine dernière, je suis allée, avec mon glorieux colocataire, à la conquête des merveilles cachées de la Côte-Nord. Je suis allée à la chasse aux palourdes et j'ai descendu un escarpement (il m'aurait presque fallu une corde de rappel!) pour découvrir une plage secrète. Dans mes bottes de plus, j'ai marché dans un horizon d'eau et j'ai escaladé des rochers pour tremper mes mains dans l'eau d'une chute. Cela peut sembler anodin, mais vous auriez dû voir la pente. J'ai grimpé ça, moi. Comme une championne.

Au travers de ça, j'ai aussi réussi à intéresser une bande d'adolescent à Cyrano de Bergerac à force d'exemples (et de menaces), j'ai corrigé 82 copies (ne m'en reste qu'une petite centaine), j'ai fait le ménage de l'appartement, j'ai écrit un nouveau roman (il ne me manque qu'un chapitre et ça part chez l'éditeur), j'ai joué de l'accordéon (en cachette de mon colocataire...s'il savait...), je suis passée au travers du jeu vidéo Portal en 5 jours et j'ai changé les règles de l'analyse littéraire en formules mathématiques, juste pour le plaisir.

Comme je disais. Petite semaine.

mercredi 10 avril 2013

La vie est dans : La complicité


Une maudite chance que j'enseigne.

La complicité est un élément que j'aime installer dans mon enseignement. Je déteste la relation maître- élève, le « Moi, personne éduquée, toi, adulte émergeant, apprendre, ARGH! » suivi du coup de massue. D'une part, ce n'est pas mon style (je suis beaucoup trop détendue devant mes têtes blondes pour réussir à conserver la rigidité de l'arrière-fessier nécessaire à ce genre de stratégie pédagogique) et d'autre part, d'après la philosophie socioconstructiviste, ça ne fonctionne pas. Sans dire que je fais des tresses à mes étudiantes pendant les pauses, j'essaie tout de même de les mettre à l'aise et leur apprends que, si on ne vaut pas une petite risée, on ne vaut pas grand-chose. J'utilise beaucoup l'ironie pour mettre en évidence les défauts de leurs raisonnements ou le sarcasme pour blâmer une intervention inutile. Ça ne fonctionne pas toujours, mais jusqu'à maintenant, je m'en sors bien.

Le revers de cette médaille (car il y en a un), c'est justement que mes étudiants se sentent à l'aise. Très à l'aise. Assez à l'aise pour s'essayer à me contredire, à défaire mon raisonnement, à me rabattre dans mes retranchements. Ça donne lieu à des joutes intellectuelles plutôt intéressantes, et, avouons-le, ils perdent tout le temps (c'est moi la prof, c'est moi qui gagne, c'est comme ça!). Or, quand la méthode complexe ne fonctionne pas, on passe à la méthode simple : le mauvais coup.

Quand vous approchez une classe et que vous entendez rire, c'est mauvais signe. Si les rires arrêtent lorsque vous entrez dans le local, vous êtes dans la m****. Le problème, c'est qu'on ne sait jamais ce qu'ils ont fait, ces étudiants à l'imagination débordante. Vous avez peur de bouger la souris de l'ordinateur, de lever la toile devant le tableau, de vous asseoir sur votre chaise. Un silence pesant, entrecoupé de rires étouffés, s'étend en longueur. Vous pensez avoir tout envisagé et embarquez dans votre matière jusqu'au moment où vous portez votre tasse de café à vos lèvres. Au moment où le breuvage atteint votre langue, l'odeur atteint votre nez et vous sacrez après vous-même de ne pas avoir songé à votre tasse, laissée sans surveillance pendant toute la pause.

Une bonne gorgée de vinaigre, ça vous tente?

Je disais donc, une chance que j'enseigne.
Parce que sinon, j'aurais tellement le droit de me venger...

samedi 6 avril 2013

La vie est dans : La « epic night »

Non, petits coquins, je ne vais pas vous raconter les détails de ma nuit d'hier soir.

Par contre, je peux vous raconter à quel point une veillée bien intentionnée peut mal virer quand on a décidé de tenir ses résolutions. Mal virer dans le sens « débarque » et « malaise » du terme, bien sûr.

Or donc, hier, dans le doux foyer colocataire-indésscente, une visiteuse, couchsurfeuse émérite, venait squatter notre divan. Quelle belle occasion, d'après mon charmant colocataire, de célébrer en grande pompe le retour en ville d'une égarée. Il me laisse donc avec elle (et Dieu merci, parce que j'étais salement en manque de contact social) pour aller chercher les denrées nécessaires à la préparation d'un repas bien garni en calories et en alcool. Sans que je ne m'en rende compte, je me suis retrouvée au milieu d'un large souper où les bières, le fromage et la cuisine thaï jouaient du coude.

Non-content de cet évènement social, le colocataire a décidé d'inviter sa meute à venir poursuivre la fête chez moi. Nous étions cinq ou six - toutes des filles, sauf le coloc - à consommer divers alcool aux goûts aussi curieux qu'intéressant. Mettons qu'ils ne boivent pas de cosmo, ici. S'ils prennent un verre pour verser la vodka, c'est déjà beau. Je commençais à avoir de la difficulté à discriminer le beau du laid quand la couchsurfeuse a décidé que la journée avait été suffisamment longue et était partie se coucher. À ce moment-là, je me souviens m'être demandée si j'avais le droit, moi, d'aller me plonger dans mes draps. J'avais de la correction à faire le lendemain, du ménage, plein de belles intentions toutes sages. Puis, j'ai pensé à mes résolutions, au plaisir d'être entourée, et à une vague sentiment de screw it qui m'envahissait.

Et puis, y'a eu une autre bière, et tout le reste n'est qu'un vague souvenir de « oui » entrecoupés de gorgées d'alcool et de pas de danse en ligne. Oh, et j'ai raconté ma vie à la moitié des amis de mon colocataire. Et quand je dis ma vie, je veux dire des parties très spécifiques et particulières de ma vie. Le genre de détails que j'aurais peut-être dû laisser à Québec.

Maudite boisson!

vendredi 5 avril 2013

Le vie est dans : La fin du blues

Ok, ça va faire.

Presque trois mois que je suis à Sept-Îles. J'y travaille et j'y dors, c'est tout. En me disant que ça va finir un jour. En me disant qu'anyway, je vais partir de là bientôt. En me disant que ça ne donne rien de s'acharner ici, que je vais m'envoler vers d'autres cieux dans 2 autres petits mois, que bientôt, la température moche et les potins grinçants ne seront que de lointains souvenirs. J'attends les moments où je monte à Québec comme les cadeaux sous l'arbre de Noël, j'en reviens en pleurant ma vie tout au long de la 138, j'arrive ici démoralisée et épuisée pour les deux semaines qui suivent.

J'ai dit, ça va faire.

Quand j'étais à Québec, j'avais tout. L'appart génial, le cercle social grandiloquent, les amis à la conversation punchée et très souvent sarcastique, le ton cynique, les fuck me boots, les veillées tardives, la danse swing, les idées grinçantes et les commentaires mordants. Ici, je me suis ramollie, sauf devant mes classes. Tout le monde me prend pour la gentille petite fille aux airs de grand-moman gâteau. Il est temps que je me donne un bon coup de pied là où il faut, parce que, doit-on se rendre à l'évidence...

Je ne reviendrai pas.

Elle est ici, la vie, fille. Va falloir que tu deals avec. Alors, si la ville ne te plaît pas...
Change-la.

Y'a pas mal de montagnes à déplacer, ici. Des C.A. à rejoindre, des idées à implanter, des apparts à décorer, des groupes à former. Développer mes cercles sociaux, arrêter d'être gentille pour plaire, faire exploser mon côté ironique. Habituer mon foie à l'alcool qui coule ici, rejoindre les associations diverses et multiples jusqu'à les diriger, reprendre en main ce qui doit être repris et pousser pour que ça marche. Sortir ma grande gueule de son carcan de poussière.

Redevenir l'indesscente.

Sept-Îles ne sait dont pas ce qui l'attend...