mercredi 19 décembre 2012

La vie est dans : Le vent qui tourne

Bonjour, petits lecteurs inDesscents.

Je vous ai manqué?

Je dois vous avouer que j'avais envie de revenir patouiller ici depuis un certain temps. Cependant, je n'avais rien de bien brillant à vous raconter. Les trépidantes aventures d'une inDESScente au chômage ne reluisaient pas d'anecdotes et mon ironie habituelle se transformait en sarcasme mordant aussitôt qu'on discutait de mes tâches incroyables de libraire. Pas que ma vie manquait de piquant : un accident de voiture, la scarlatine, j'ai même eu le temps de tomber en amour - deux fois. Mais disons que l'idée générale dérogeait de ce que je voulais vraiment partager dans ce blog : les dessous affriolants d'une nouvelle enseignante.

Et là, le vent vient de tourner.

J'ai eu l'appel téléphonique mercredi de la semaine dernière. J'avais envoyé mon Curriculum Vitae il y avait un certain temps, déjà, j'avais complètement oublié ma candidature et je convoitais le Cégep de Rosemont, dans le grand Montréal. Et là, j'avais une offre. D'ailleurs. Assez loin pour que l'entrevue doive se faire par skype. J'ai beau apprécier le Web 2.0., skyper, j'avais jamais fait ça.

Test technique le vendredi avec un monsieur pas très heureux d'être pris pour faire ça. « Oui, madame, vous avez une fenêtre qui fait un contre-jour, votre micro est trop puissant, oh tien, vous avez un chat? ». En sont sorties deux constatations : la première étant que mon internet était trop lent, la seconde que Voltaire aimait un peu trop passer à la télé. J'avais donc prévu de passer chez ma mère pour profiter de la sécurité parentale rassurante et de la connection haute-vitesse. C'était réglé. Mon entrevue, le mardi, se déroulerait sans anicroche.

Sauf que lundi, la fin du monde est arrivée. Et elle s'est concrétisée en je-ne-sais-combien-de-pieds-de-neige. Il est mardi matin, je panique. J'appelle ma soeur qui me permet de passer l'entrevue chez elle. Je débarque, m'installe, patiente, puis le monde du service technique m'appelle : certains membres du comité de sélection n'ont pas pu se rendre. Va falloir patienter jusqu'en après-midi.

Mautadine.

Je ronge mon frein jusqu'en après-midi. Là, devant les cinq paires d'yeux reliés à mes beaux yeux par les voies pas-vraiment-impénétrables du net, je déploie tout mon charme en banque. Ça en fait, du charme au pouce carré. Ça faisait longtemps que je n'avais pas dragué un potentiel employeur, j'avais une revanche à prendre sur mes mois de patience. Et parle de Cyrano par-ci, du socioconstructivisme par-là, et de j'aime-donc-bien-la-diversité-et-les-milieux-ruraux...Bref, en bon français, je beurre épais. Je m'étais promis que je ne manquerais pas ma shot sur celle-là.

Et bien, je ne l'ai pas manquée.

Vous voulez embarquer avec moi dans l'aventure? La session commence le 13 janvier. J'ai 3 semaines pour trouver un moyen de me téléporter là-bas, me loger, relire les oeuvres que je veux mettre au programme, monter un plan de cours et le soumettre. On parle de SEPT-ÎLES, ici. De la Côte-Nord. Je suis à Québec. À neuf heures de route. Va falloir goaler.

Mais avant tout ça, je voulais vous écrire.
Heille gagne...je suis prof de cégep.
C'est reparti!

dimanche 16 septembre 2012

La vie est dans : Tenir ses promesses


Temps des aveux.

Autrefois, je fus une jeune fille qui avait beaucoup (beaucoup!) de temps à perdre. Disons que lorsqu’on habite dans son école, on a du temps pour penser…et pour rêver. J’écrivais des romans, je lisais des romans, je n’étais pas particulièrement fana d’autre chose que d’écriture, et c’étais bien comme cela. Je filais le parfait bonheur dans mon ignorance des médias.

                Jusqu’à ce que Canal Famille ne soit vendu à Québecor Media et que notre joli poste familial qui avait accueilli Bibi et Geneviève ne se mette à diffuser des programmes plus…adolescents. Et c’est un soir tout bête comme ça, le soir de la première, que j’allais rencontrer le programme télévisé qui, pour ainsi dire, changea ma vie, parce qu’il m’accompagna tout le temps de mon adolescence…

                Buffy contre les vampires.
                Buffy the Vampire Slayer.

                Sans vouloir dire que dans ces quelques années, j’ai perdu toutes mes fonctions cérébrales, disons que certains deux hamsters de notre connaissance n’étaient pas encore entrés en poste. De 14 à 20 ans, j’ai développé un béguin incroyable pour les deux vampires de la série (Angel et Spike, pour les non-initiés…je peux bien juger les cocottes qui trippent sur Twilight…entéka) , je me suis mise à écrire de la fanfiction, j’enregistrais et je réécoutais sans arrêt les épisodes dont j’ai fini par connaître le texte en français ET en anglais par choeur, j’ai appris le download (ce qui n’était pas si évident, à l’époque), j’ai rencontré des fans et j’ai lu des fanzine…

                Si vous ne comprenez pas ce que je viens d’écrire, c’est normal, je parle en geek.

                Bref, à l’époque, le fanatisme était encore une chose qui se passait davantage en France et au États-Unis. On entendait très peu parler de conventions, de geeks, de trucs du genre dans notre belle province. Je suivais attentivement les rencontres de fans d’ailleurs dans le monde et je m’étais promis à ma petite adolescente de moi que si un jour j’avais une occasion de rencontrer les personnages (et un en particulier…), je la saisirais sans me poser de question.

                J’ai bien dormi ce soir-là et les jours suivant, et comme tout délire d’adolescente, c’est tombé dans la brume.

                Jusqu’au mois d’août 2012.

                Ça faisait déjà quelques années que je croyais être vaccinée contre ça. Les réactions irrationnelles. Le cœur qui bat trop vite pour rien, la sueur, les tremblements au bout des doigts, alors qu’il n’y a aucune stimulation particulière. Plus de mon âge…franchement. Jusqu’à ce qu’une de mes amies m’envoie ça.

marsters_concert1.jpg

Plus de son. Plus d’image.
J’étais au travail. J’ai demandé congé sur le champs. J’ai acheté mes billets. Rempli ma voiture d’essence. Et je suis partie. Sans me poser de question.

Direction Montréal pour ma première convention de Geeks et ma première visite de cette ville dans un contexte non-scolaire.

Je suis arrivée là jeudi soir vers 22h. Il faut spécifié que la fille qui m’accueillait était une amie de longue date que j’avais rencontré par le biais de mon écriture de fanfiction et qui gérait mon site internet de diffusion de l’époque (je vous avertis, les enfants, ne cherchez pas ça…). On a veillé jusqu’à 3h du matin, à jaser de littérature, de crochet, de cuisine, bref, de tout.

Sauf de lui.
On ne pouvait pas parler de lui.
Parce que le cerveau me fondait.
Littéralement.

Le lendemain, nous nous sommes levées assez tard (hé hé) et nous avons pris le métro pour l’île. C’est là la première fois que je me suis aperçue que je n’avais pas mes billets pour le show. Tergiversations, problèmes…On règlerait ça plus tard. Au programme : bouquineries, boutiques farfelues et bons restaurants! Les yeux alertes, j’ai repéré une imprimerie qui pouvait me rendre mes précieux billets. Et en route pour le Comiccon!

Bon. Si vous n’êtes jamais allé dans ce genre d’endroit, oubliez tous les préjugés qu’ils vous inspirent. Oubliez le jeune nerd boutonneux le nez plongé dans une revue de Trekkie qui porte ses oreilles de Spok pour aller au secondaire et qui est sur le point de se briser les doigts à force d’essayer de séparer son majeur de son annulaire. Nous n’en sommes plus là. Un commicon, c’est une convention de fans, d’artistes, d’artisans et de créateurs de toutes sortes. On y trouve des gens de tous âges, de plein de milieux, de tous les sexes et de toutes les cultures. L’ambiance est particulière : certains sont déguisés de façon incroyable et vous pouvez croiser Wonder Woman ou Hulk à tout moment. Tout le monde a un appareil-photo, c’est un spectacle ambulant. Dans la salle des exposants, plusieurs proposent des objets dérivés, mais plusieurs artistes suggèrent des produits originaux qui valent la peine d’être considérés. Il y a moyen de négocier ses achats, les vendeurs sont gentils (et dans certains cas, très avenants…pour le dire comme ça…) et les surprises sont au rendez-vous.

Par exemple, j’étais en train d’observer des sacs réutilisables de l’évènement avec beaucoup d’attention, quand je me suis retournée. Et là, il y avait un Zombie. Mais pas le genre de zombie qu’on croise à l’Halloween avec un masque cheap du Wall-Mart, là. Un vrai-faux zombie, avec une prothèse faciale, beaucoup d’hémoglobine et un regard noir. Très noir. Vide. Et il se tient à deux centimètres de ma face.

J’ai hurlé. Ce qui m’a conforté dans l’impression que j’ai qu’on a oublié de me greffer un instinct de survie. Le gars, avec un accent hyper-québécois, a bien rigolé et m’a tendu un flyer pour la Zombie Walk du 20 octobre.  Merci, le grand. Une photo et une réanimation cardiaque, nous voilà parties, ma comparse et moi, pour notre première conférence.

Nicholas Brendon. La surprise de la fin de semaine. Voyez-vous, je ne me suis pas particulièrement renseignée avant de partir. Parce que si je l’avais fait, j’aurais découvert qu’un autre acteur principal de la série serait au Comiccon. Celui qui jouait Xander. Et qu’il répondrait à des questions Live. Et dans un tel cas, vous savez, j’aurais pu me préparer psychologiquement, me faire travailler par Soleine au travail (la full-excellent-bilingue-wow du travail) pour apprendre une question qui a de l’allure en anglais et enfin ne pas faire une folle de moi.

Mais non.

Vous vous souvenez de cette bête promesse que je m’étais faite adolescente? Saisir n’importe quelle occasion de contact? Ben c’est ça. Il était là, devant, et l’animateur cherchait des gens pour poser des questions. Moi, avec mon front de bœuf, j’ai levé la main. Tsé, c’est juste un gars comme les autres, rien de spécial, rien à dire. J’avais une question intéressante, en plus : je voulais savoir s’il avait visité Québec et, si oui, laquelle des deux villes était la plus intéressante. Tsé, une question qui a de l’allure. Et qui aurait pu se poser à l’autre invité aussi (un acteur secondaire de la série qui m’a coûté plusieurs minutes de réflexion avant que je ne réussisse à l’identifier…mauvaise fan que je suis). Alors voilà, on m’a invité. Le gars m’a dit de parler fort. J’étais en ligne. La fille devant moi est partie.

Et il y a eu le contact visuel.
Il a un contact visuel très intense, Nicholas Brendon. Solide. Il ne fuis pas, il communique avec les fans.
Et je ne m’attendais pas à ça.
Et il attendait. Et je ne parlais pas. J’avais oublié ma question. J’avais oublié où j’étais. J’avais oublié mon nom.
Cerveau liquéfié. Mode automatique.

Sauf que là, le mode automatique s’emballe. Envoye, dis quelque chose, la grande, tout le monde attend, , n’importe quoi, come on, come on, envoye! Je suais, je tremblais, j’ai ouvert la bouche, mais tout ce que j’ai réussi à cracher, c’était :

« Oh my God, you’re so hot. »

Éclat de rire général. Réponse?

« Thank you. You’re awesome too! »

Rires encore. Bon. Entre deux arythmies, je pose une question sur les Bds de Buffy. Rien de bien spirituel. Il répond. Fin de la relation. Une maudite chance pour mes organes internes.  Nous retournons à la salle des exposants pour faire des achats et remarquons qu’il signe des autographes. Malheureusement, pour une photo et une signature, c’est incroyablement cher et je ne peux pas me l’offrir. Nous nous tenons donc à côté de la table et le prenons en photo pendant qu’il signe pour quelqu’un d’autre. C’est déjà ça.

Pour tuer le temps entre la conférence et le show qui nous intéresse, nous magasinons et trouvons plusieurs choses à notre goût. Mon amie achète entre autre un toutou en forme de chat qui chante « Soft Kitty ». J’ai alors appris que je n’étais vraiment pas une geek, étant donné que je n’avais aucune idée de ce que c’était.

Et puis, nous nous sommes mises en file pour le show. Et en faisant la file, nous l’avons vu pour la première fois.

Il faisait des tests de son. Là. À quelques mètres de nous. Nous l’avons vu.
Flash back de 10 ans. J’avais 15 ans encore, toute maturité s’est échappée, je suis cliniquement décédée à se moment-là. Sérieux, j’ai bloqué la file. J’étais absorbée par le gars sur le stage qui gossait sa guitare. Parce que c’était lui. Qu’ado, j’avais terriblement voulu le rencontrer. Et qu’il était là. Tout simplement.

Mais bon, il a fallu que je finisse par avancer, et il restait une bonne heure avant le spectacle. Alors on s’est assis et on a jasé avec d’autres fans. Une prof de français de quarante-quelques années qui s’était fait prendre en photo avec lui (ELLE L’A TOUCHÉ!!!). La chanceuse. Deux sœurs un peu plus jeunes qui commençaient à lire les Bds et qui ont eu un câlin de Nicholas. Wow…Quand ils ont ouvert les portes, j’étais encore…tiltée. J’ai aussi appris, dans cette heure de conversation, que les deux artistes de Buffy se trouvaient là l’année d’avant. Ah ben, ah ben…

Nous nous asseyons dans la salle. Nous sommes très près du stage. Dans le sens de très, très près du stage. Je fébrile. Pas dans le sens de «je suis fébrile». Dans le sens cardiaco-clinique du terme. Et puis, il apparaît.

Je vais vous faire grâce de la gamme d’émotion par lesquelles je suis passée, parce que de toute façon ça ne se décrit pas. Je peux seulement vous dire qu’il a chanté une vingtaine de chansons, que c’est un gars très très drôle et hyper sympathique. Petite anecdote encore : j’ai filmé tout le show et je pense être la seule (avec mon accompagnatrice à l’avoir fait). Or, une caméra qui filme, ça se voit. Et pendant une chanson, il a braqué son regard dedans. Mais solide. Peut-être, oui, regardait-il vaguement la foule. Mais laissez-moi donc fantasmer.

Et ce n’est que ça. Après, métro, bus, voiture, come back jusqu’à Québec dans une demie-réalité. Mon cerveau (qui vient de revenir de vacances, très reposé) n’a pas fini de traiter toutes les informations. J’ai eu l’air folle devant une vedette? Coudonc. J’ai vu James Marsters en concert? C’était pas un rêve, ça? J’ai failli me faire mordre par un Zombie? Ah ouais? Petite semaine…

Mais tout cela m’a appris deux choses.

La première, c’est que je fais parfaitement la différence entre l’homme et le personnage. Je ne suis pas allée voir Spike. Je suis allée voir le type qui l’a incarné. Ce type qui a eu une vie difficile, qui s’est fait foutre en-dehors de son école de théâtre, à qui on a dit qu’il ne serait jamais un acteur. Qui est passé par un divorce. Et puis, qui a eu une chance, et qui par la suite, a fait sa chance. Il y a quelque chose de très spirituel à conclure de cette rencontre. En le regardant sur scène, j’ai soudainement compris que c’était possible de toute avoir. La famille, la gloire, l’amour, l’argent, le bonheur…tout ça, on peut l’avoir en même temps. C’est possible. Et même si la vie n’est pas toujours parfaite, juste d’être là, sur cette chaise, à l’écouter chanter, j’ai eu, un bref instant, l’impression de tout avoir. Et c’est une exaltation que je n’ai connue qu’à trois reprises dans ma vie. Et qu’à chaque fois, ça me fait trembler de l’intérieur pendant un long moment. Comme si, soudainement, je ressentais ma propre existence. Sur la scène, ce n’est qu’un homme et sur la chaise, ce n’est qu’une femme. Mais c’est un peu plus que ça. J’observe un achèvement et je réalise que je peux, moi aussi, être une personne achevée.

Bon, ok, ça a l’air d’un délire de fan et c’en est peut-être un. Mais pour moi, c’est observer le travail d’un gars qui a occupé ma vie si longtemps et le regarder recevoir une dose massive d’admiration même après si longtemps. Je trouve cela impressionnant et, disons-le, inspirant. Ne suis-je pas aussi une artiste?

La seconde chose, c’est que personne ne vieillit vraiment. On change, on grandit, le corps se transforme. Mais quelque part dans notre cerveau, il y a ce tiroir qui n’est jamais totalement fermé, mais que nous oublions si souvent. Ce tiroir rempli de rêves et de promesses qu’on hésiterait à tenir si l’occasion se présentait, parce qu’on se juge nous-même ou qu’on ressent la crainte du regard des autres. Parce qu’on se dit qu’on est trop vieux ou trop mûr pour la chose. Et on laisse passer ainsi des occasions. Personnellement, je pense qu’une promesse que l’on se fait à soi à une période antérieure de notre vie est aussi importante qu’une promesse que l’on aurait faite à une autre personne. Parce qu’en tenant les promesses que l’on fait aux autres, on gagne leur confiance et leur respect, je pense que l’on gagne un peu de confiance en soi et de respect de soi-même en honorant nos anciens nous-mêmes. J’ai eu l’impression d’être accompagnée de moi, dis ans plus jeune, dans cette salle. Et, même si parfois, mon ado-moi me juge, est déçue de ce que je suis devenue et ne comprends pas mes choix, ce jour-là, nous étions en parfait accord sur ce qui doit être fait, sur la ligne parfaite entre l’idéal utopique des jeunes années et la réalité sèche et grise de l’âge adulte. Je me suis aussi dit que, même des années plus tard, un rêve reste un rêve et le réaliser constitue la chose la plus satisfaisante qui existe.

                Maintenant, je dois emballer précieusement mes souvenirs, serrer mon rêve contre moi et passer à d’autres choses. Ce fut un moment de grâce, certes, mais la conclusion, c’est que les rêves se réalisent en poursuivant sa vie, lors de la bonne occasion. J’attendrai donc la prochaine.

                En fait, j’attendrai l’ANNÉE prochaine.
                Et l’an prochain, tous les coups seront permis.

 D'ailleurs, l'an prochain, je vous embarque toute la gagne, ce sera beaucoup moins long à raconter.

dimanche 26 août 2012

La vie est dans : La bonne perspective

L'important, quand le professeur se trouve devant sa classe d'étudiants assoiffés de savoir, est d'avoir la bonne perspective de ce qui se passe dans leurs têtes.

Il faut savoir que, lorsque tous ces jeunes esprits se retrouvent entre les quatre même murs, ils portent sur leurs frêles épaules le poids d'au moins cinq bonnes années de secondaire, de six mignonnes années de primaire, d'une maternelle, de cinq ans de petite enfance et, pour les chanceux, d'environ 36 semaines de grossesse. Ces expériences, non-cumulées et non-équivalentes pour tous, s'attroupent donc dans le même cours. Cela peut équivaloir à une compréhension instantanée et complète d'un concept maintes et maintes fois répété par un professeur à l'air récapitulatif, ou par d'énormes et incommensurables «hein?», «WTF??» et «kwat?!?».

Un professeur qui reçoit sa nouvelle classe doit donc se trouver apte à assimiler rapidement le niveau INDIVIDUEL de ses étudiants, et non pas les considérer comme un groupe homogène. À partir de là, il se doit d'éviter le piège du nivellement par le bas tout en évitant de prendre au piège ses apprenants plus faibles (qu'on ne peut pas désigner comme faibles, en passant...on dit des apprenants en émergence...entéka...), passer sa matière et correspondre aux exigences du Collège, tout cela en tentant désespérément de ne pas aggraver son ulcère à l'estomac.

Cinécure, cinécure que tout cela...Parce qu'au-delà de toutes ces peccadilles, Monsieur le Professeur doit se souvenir de ce qu'il avait l'air lorsque ses propres fesses venaient astiquer les assises raides et inconfortables des bancs d'école. Si tout autour de lui semble d'une clarté luminescente, il doit réussir à codifier l'ignorance de ses étudiants pour la transformer en une réminiscence qui lui apportera l'empathie nécessaire à l'exécution de ses tâches.

Je reformule : le prof doit se rappeler le temps où il n'y comprenait que dalle.

Et c'est comme cela dans toutes les tâches auxquelles l'être humain se voit confronté. À partir du moment où il se retrouve dans un nouvel environnement, il doit apprendre à apprivoiser celui-ci et adopter la vision de ses habitants AVANT d'y progresser. Ainsi, il installe son autorité, son leadership, s'impose comme figure principale, oriente la pensée (la manipule, s'il le faut...) et abouti à un résultat satisfaisant. Au contraire, s'il brûle les étapes, son manque d'empathie se transmet en ignorance, l'ignorance se permute l'intolérance et l'intolérance devient la source de l'incompétence.

Le nombre prime toujours sur le solo. L'avantage numérique place donc le professeur, ou toute personne en autorité, en position inconfortable. Comme un jongleur avec un peu trop de quilles. Évaluation. Performance. Entertainment. Culture. Matière. Discipline. Charge de travail. Étudiants en difficulté. Ça commence à faire beaucoup. Et s'il est plutôt facile de se retrouver en haut de l'échelle alimentaire d'une classe, il est également possible que celui qui s'y présente comme chasseur en devienne finalement la proie. Je crois qu'il faut une solide formation et une expérience solide pour seulement oser poser sa mallette sur le gros bureau en face du tableau vert.

Pensez-y la prochaine fois que votre boss vous tape sur les nerfs. Probablement que ce n'est qu'un pauvre guss qui s'est retrouvé là parce qu'il avait performé à l'étage d'en-dessous. Il est peut-être incompétent, inconscient, ou alors seulement inexpérimenté. Il n'a probablement aucune idée de ce qu'il fait, et il essaie de jongler comme il peut.

Détournez le regard en vous félicitant de votre professionnalisme.

Mais bon, s'il s'échappe une quille sur le pied, vous avez le droit de rire.




samedi 18 août 2012

La vie est dans : Mon roman

Comme vous le savez, chers lecteurs, mon vrai travail dans la vie, c'est écrivain. Oui oui! Or donc, quand on est écrivain, ça a l'air qu'on gribouille des trucs sur des p'tits bouts de papier, qu'on envoie ça à un petit éditeur, qui envoie ça lui-même à un p'tit imprimeur et qu'on reçoit ça un p'tit bout de temps après dans un p'tit bouquin.

C'est pas joli, ça?

Soyons honnêtes, mon roman, bien que sous contrat de publication, n'est pas encore prêt à être mis sous presse. Sa correction occupe donc une bonne partie de ma vie ces temps-ci, et croyez-moi, c'est bien loin des exercices clownesques du travail de professeur au quotidien. J'avais cependant envie de partager quelque chose avec vous, quelque chose de mon style «littéraire» d'écriture, et qui, peut-être, vous donnerait éventuellement le goût d'acheter mon roman dans un futur proche.

Voici donc, pour vous, lecteurs privilégiés, une petite nouvelle de rien du tout. Juste pour le plaisir. Bonne lecture!

- Nouvelle 418


Je me souviens de son index sur mon poignet. Un contact léger, délicat, rassurant, qui me fit lever le visage vers le sien. Son sourire chaleureux ne me réconforta pas, mais je me sentis tout de suite moins seule, dans la grande église. Je ne pus cependant affronter son regard, car je savais que j’y aurais trouvé toute la pitié et la sympathie du monde. Je n’étais pas prête pour cela. Pas encore. Pas tout de suite.

Le prêtre parlait mais je n’y portais aucune attention. Je ne voulais sentir que cet index, chaud et solide, contre l’intérieur de mon poignet. Il suivait la ligne de mon bracelet d’or, jusqu’à la limite du côté, puis revenait au centre, et encore de l’autre côté. Avec lenteur, je le sentis glisser, tout le long de la veine qui battait faiblement, s'arrêtant au creux de ma paume. Un pouce l’accompagna, fidèle, le long de mes doigts. Tous deux  se mirent à caresser ma peau jusqu’à la limite de l’ongle, puis à remontrer sans se presser le long des phalanges. Je fermai les yeux pour mieux apprécier la tendresse de cette étreinte. Comme si nous faisions un pied de nez au Seigneur. J’avais le goût de pencher la tête vers lui et de m’appuyer sur son épaule forte, son épaule d’homme. Et de pleurer. Dieu! que j’avais le goût de pleurer. Mais je ne pouvais pas. Personne n’aurait compris. Je dus me faire violence pour fixer mon regard sur la cérémonie et mon attention sur ces doigts contre les miens, sur cette tentative de lumière dans la nuit qui s’installait, chassant le soleil des vitraux que je trouvais si beaux.

Alors que le curé chantait, la caresse devint plus intime. Les doigts passaient entre les miens, en exploraient les creux, les lignes et les ombres. Je laissais la paume ouverte, le dos de ma main appuyé contre ma cuisse, et lui s’y promenait, sans se soucier des gens autour. Personne ne nous regardait, de toute façon. Je sentis ses ongles – trop longs pour un homme – racler avec douceur la surface plate, juste sous les doigts, et s'arrêter au gonflement de ma paume. Ils escaladèrent le mont du pouce avec attention, en dessinèrent les contours deux, trois fois, puis suivirent le chemin des doigts jusqu’au plus petit. Puis, ils recommencèrent. Encore et encore. Sans se lasser jamais, tout au long de la messe. Que nous fixions tous les deux sans la voir. Sans vouloir la regarder.

Et puis, alors que le prêtre appelait au Sacrement et avec toute la conviction que mon désespoir appelait, la main s’est refermée sur la mienne. Si vite, de façon si brusque, que j’en ai sursauté. Je le sentis la serrer. Si fort. Si longtemps. Au désespoir, j’ai serré moi aussi. Assez pour faire taire le hurlement qui gonflait ma poitrine. 

Là, seulement,  j’ai osé verser une larme. Une larme échappée d’un sanglot beaucoup plus lourd, beaucoup plus profond, qui sait qu'il n'aura plus d'autre occasion de se faire entendre. Un immense sanglot qui resterait là, caché pour toujours à l’intérieur de moi, et dont personne ne serait jamais témoin.  La larme fit briller mon œil un instant, puis s’en dégagea pour glisser, brûlante, le long de ma joue. Elle y resta suspendue un instant, incertaine, indolente. Je fermai les yeux et après quelque seconde, elle tomba, dans le silence et l'indifférence.

Si lui la remarqua, il n’en fit rien. Il resta là, immobile, perdu dans le spectacle et dans ses pensées, sans aucune autre solution que de me serrer la main jusqu’à m’en broyer les os.  Et je le laissai faire. J’étais impuissante, moi aussi. Et je m'obligeai à remonter le regard vers lui. Car je devais le regarder. Je ne le pourrais plus jamais.

Parce qu’aujourd’hui, tout allait changer. Cette femme, devant l’autel, qui embrassait cet homme, ce n’était pas ma mère. Et cet homme qui venait de relever son voile ne regarderait plus jamais ma mère avec ces yeux-là. Ma mère, aujourd’hui, disparaissait pour toujours de cette vie qu’elle avait tant aimé.

Pour laisser sa place à une autre mère. Le véritable amour de mon père. Son amour de jeunesse, celle qui avait attendu si longtemps pour venir le retrouver. Cette mère qui n'avait aimé qu'un seul homme dans sa vie.

La mère de l’homme assis à mes côtés.

dimanche 5 août 2012

La vie est dans : Le plan «P»

Je. Suis. Écoeurée.

Ce n'est pas de ma faute, mes lecteurs, si tout s'établit par la comparaison. Il s'agit de l'une des lois de l'univers : tout élément, fait ou constat se relativise lorsque mis en parallèle avec son contraire. En d'autres mots, vous êtes plus grosses que les mannequin des couvertures, votre chum est moins charmant que le sien et votre gazon aura toujours l'air moins vert que celui de voisin et ce, même si vous le peinturez au rouleau.

Quand on se compare, on se console? Pauvre mythe! À moins que vous ne fassiez l'effort de vous comparer à plus faible que vous, ce qui équivaut à regarder vers le bas. Pas tout à fait dans la nature humaine...Lorsque l'on est un brin carriériste, voyez-vous, faut prendre les moyens de ses envies. Prenez ce gars, aux Olympiques, qui arrive 21ème au plongeon. Vous pensez qu'il se compare à ma tante Thérère qui fait des flats dans sa piscine?

Nanon. Il se compare au Top Trois olympique et il enrage tout seul dans son trou d'eau.

Voyez-vous, j'ai toujours cru en la Rocky attitude. J'ai donné tout ce que j'avais au job rémunéré, dans mes études, dans mon stage et mes relations en croyant que ce qu'on obtient, on le gagne par le travail et par la compétence, par la capacité et les aptitudes. Sur la base que rien ne s'offre sur un plateau d'argent, je me suis mis les mains dans le four pour en sortir la miche de la réussite.

Sauf que voilà. J'ai les deux mains dans le four, direct sur le moule en métal, et je suis en train de me brûler solide.

Mois d'août. Pas de tâche, pas prévu d'en avoir une. Je n'ai pas opté pour une maîtrise (tannée pas mal de me faire tartiner le quotient intellectuel par une université qui me promet la lune si je lui décroche trois étoiles...) et je n'ai pas davantage eu le poste à temps plein dans mon entreprise. Moi qui croyais qu'à ce temps-ci de l'année, je courrais les rues en sifflant Eye of the Tiger pour me préparer psychologiquement à mon premier combat de prof, me voici au pied du mur, avec un appart à payer et deux chats à nourrir. J'ai épeluché ma listes de plans de vie jusqu'à la lettre «O». Nous voici donc au plan «P».

Pour panique.

Savez-vous quoi? J'ai bien envie de poursuivre le gars du choix de carrières. Celui qui m'a dit de suivre mes rêves et mes ambitions. Qui me poussait la littérature dans le dos (et même plus bas) en me répétant que j'étais un génie. Bon, d'accord, j'en suis un. Mais notre cher orienteur de mon coeur n'avait-il pas oublié deux ou trois détails? Genre...

- Qu'un baccalauréat en littérature ne peut être considéré comme pertinent pour faire augmenter un salaire de libraire.

- Qu'un baccalauréat en littérature s'avère nettement insuffisant à décrocher un métier de professeur.

- Qu'un baccalauréat en littérature ne constitue pas une expérience valable pour travailler en bibliothèque ou pour une maison d'édition.

- Que le baccalauréat en littérature est socialement considéré comme un bagage culturel mais non comme un domaine d'études valable.

- Qu'un enseignant au collégial n'a pas de date maximale pour prendre sa retraite et peut donc rester en poste jusqu'à ce qu'il ait finit de se putréfier.

- Que les syndicats enseignants empêchent quiconque n'ayant pas fait le baccalauréat en enseignement secondaire d'enseigner dans les murs des écoles de ce niveau et ce, même si l'individu détient les qualifications requises et l'expérience nécessaire.

- Que le certificat ou le baccalauréat en création littéraire ne fera de personne un meilleur écrivain qu'il ne l'est déjà.

Oui, parce que c'est TELLEMENT important d'étudier...quel beau projet. Sauf que dans une société où l'on peut facilement obtenir un emploi tout à fait respectable sans avoir franchi les barrières (grandes ouvertes, en passant) de son secondaire 5, que doit-on attendre d'une universitaire deux fois diplômée? Je coûte plus cher, je sais ce que je vaux, je ne veux plus faire la jobine que je fais depuis deux ans et je ne veux pas faire le travail d'un autre qui me considérera comme son larbin.

Mauvaise littéraire que je suis.

Vous savez quoi? C'est culturel, tout ça. J'avais des élèves de partout dans le monde, cet été. Des gens qui croyaient qu'il fallait à tout prix décrocher les diplômes menant aux carrières payantes pour avoir les moyens de faire ce que l'on aimait vraiment dans ses loisirs. Des gens qui croyaient que l'essentiel, c'était de travailler le moins possible pour avoir le temps de profiter de la vie et de sa famille. Toutes sortes de moyens de penser qui ne sont pas monnaie courrante ici, parce que nous tenons tellement à éduquer nos enfants que nous les empêchons de réaliser à quel point l'instruction ici, est marginale, dévalorisée et minorisée. J'irais même plus loin : notre système est ainsi fait qu'il devient pénalisant à nos cerveaux de s'afficher, que ce soit sur une sphère professionnelle ou privée. Les plus brillants d'entre nous se retrouvent ostracisés dès leurs plus jeunes âges pour être rabattus par des cromagnons au gourdin plus gros que leur toute petite riquiqui matière grise. Plus tard, on leur dira qu'ils sont surqualifiés.

Je ne suis pas contente.

Alors, qu'est-ce que je vais faire?

Je vais changer toute cette colère-là en charge d'impact. Demain, je commence à défoncer des portes. Il suffit d'envoyer mon curriculum dans le vide. Je veux parler à quelqu'un. Je veux dire au monde que je suis là, que j'existe, que je suis brillante, ambitieuse et carriériste. Je veux montrer ma compétence live et citer du Rostand pendant mon entrevue. Je veux planifier des cours jusqu'à minuit le soir alors que je me lève à 6h le matin. Je veux faire des promesses que je vais tenir, ne pas compter mon temps, faire du bénévolat et baîller dans mes réunions de profs.  Je veux rendre mes étudiants complètement fous en leur faisant lire du Voltaire, du Camus, du Balzac! Je veux créer des examens, je veux les mettre sous le nez de mes jeunes, je veux qu'ils réussissent.Je veux sortir de mon marasme et de ma maigre vie d'étudiante pour accéder à l'inconnue et très excitante vraie vie. JE VEUX ENSEIGNER!

Mais plus que ça...

Je veux crever les pneus de mon orienteur.




jeudi 2 août 2012

La vie est dans : Les hightlights

Maman...
C'EST FENI!

Ces moments-là sont réservés uniquement au club sélect des brevetés de l'enseignement. Cet ultime instant où tous les élèves se réunissent devant vous pour dire au-revoir. Où ils brandissent leurs téléphones cellulaires pour prendre une photo de votre joli minois endrapé dans la robe la plus présentable de votre garde-robe. Où ils vous invitent à signer sur leurs t-shirts, à leur révéler comment on dit « Sugar » et « Honey » en français et où vous apprenez qui sort avec qui, finalement.

Oui, tous les profs finissent par aller brailler dans le bois en cachette. Normal, vous savez. On s'attache à ces petites bibittes-là. Ceux qui allaient s'assoir dans une autre classe et qui vous juraient que VOUS vous étiez trompés. Ceux qui dissimulaient votre chaise dans un local mystérieux du Casault et qui riaient à chaque fois que vous faisiez mine de vous asseoir. Ceux qui prenaient place sur la S.O.S. chair (seul endroit où ils avaient droit de parler dans leur langue natale) pour vous raconter l'histoire TRÈS IMPORTANTE sur les marins qu'ils avaient croisés la veille dans le vieux Québec.

Oui oui, ceuse-là, ils vous manquent cruellement.

Alors vous rentrez chez vous en braillant après votre mère. Vous ouvrez la bouteille du cidre et vous en versez une généreuse rasade. Et puis, vous commencez à penser. C'est qu'il s'en passe, des choses, en cinq semaines. Des choses qui ne sont pas réglées. Des choses que vous n'avez pas terminées. Des moments cocasses, des moments coquins et des moments coqueluches. Un melting pot de moments dont on ne parle pas dans la salle des professeurs, parce qu'on aime l'intimité de notre groupe et que tout ne peut se dire devant la directrice de programmes.

Je vous offre donc les hightlights de ce programme de fous qui m'a amputé de plusieurs heures de sommeil et de mon été au complet, en vous conseillant de vous rappeler que ce sont des jeunes de 14 à 17 ans, et que je ne suis qu'une InDESScente...

- « I'm a little less pure than I was when I came first in your class. Thank you for that! » - Élève sage.

- Un élève m'arrive avec son t-shirt de l'école en voulant que je le signe. Je lui dis que je veux bien, mais me voilà un peu mal à l'aise de lui signer ça sur le chest. Je lui explique donc que je préférerais qu'il l'enlève avant. Il l'a fait...live là, en face de la classe. Comment devenir intime avec ses étudiants, cours 101.

- « You're like the Dr.House of teaching! » Élève qui voulait me faire plaisir...

- Première semaine. Nous allons jouer dehors, mais le matériel est dans ma voiture. Le temps que je la déverrouille, un élève est entré dedans et a refermé les portes à clef...

- Premier jour. Je veux savoir la date de naissance des élèves. Je bloque à « naissance ». Comment expliquer ça? ...j'ai mimé un accouchement.

- Examen oral et spectacle de marionnettes. Mes élèves doivent mettre un métier dans leurs personnages (pompier, policier...). Un groupe vient me voir et me demandent s'ils peuvent mettre un strip-teaser. Heum...

- Jeux des célèbrités. Trois élèves sont devant le tableau, sur lequel je projette la photo de quelqu'un. Les trois élèves doivent deviner qui c'est en posant des questions sur son physique, son travail, etc...Je veux afficher la photo de Channing Tatum. Je tape ça sur Google. Tout ce qui apparait à l'écran sont des photos de Magic Mike...aheum...attention les yeux!
.
- J'ai enseigné les pick-up lines en français dans mon cours. La plus populaire? « Je pars dans 3 jours et je voudrais connaître l'amour avant. »

- Explication des concepts de relation (chum, blonde, mari, fiancé...). Je demande aux élèves s'ils ont des copains. Réponse d'un coquin : « Oui, j'ai une blonde, but what happens in Quebec stays in Quebec...!».

- Moi, tannée de demandes pour la salle de bain : Coudonc, qu'est-ce qui se passe aux toilettes?
   Élève : You don't wanna know...

- Lors d'un conseil étudiant, je demande aux élèves si les infrastructures sont suffisantes. Réponse? Paraît que, dans une résidence étudiante, y'a jamais moyen de faire caca tranquille. Ah bon.

- À la fin d'un cours, je demande à mes élèves s'ils veulent faire un jeu. Ils s'interrogent du regard, puis me disent qu'en fait, ils aimeraient faire du vocabulaire. Et là, dans la classe, j'ai vu une poule passer. Elle avait des dents.

- Nous parlons de ce que les jeunes font à Québec le soir et ils me révèlent que, souvent, les activités sont non-obligatoires. Je leur demande ce qu'ils font dans ce temps-là. Réponse d'un latino : «There's always the sex bench». Après les rires coquins dans la classe, j'ai appris bien des détails sur les moyens pas tout à fait permis d'avoir du plaisir pendant un programme d'étude...

- Cours de swing. J'enseigne des acrobaties à mes étudiants, dont un back flip. Ils l'essaient, tout se passe bien. La semaine suivante, nous apprenons des pronoms. Ils n'écoutent rien. Je finis par me fâcher, je grimpe sur le bureau et leur dit : « Vous êtes mieux de m'écouter, ou la prochaine fois, je jure que je vous échappe! ». Silence. On a finit ça en 20 minutes.

- « Et vous, madame, avez-vous un chum?
     - Heum...
     - Take the line, Kilian! »

- Je n'ai toujours pas compris pourquoi une de mes élèves avait deux cellulaires...

- « I'm not taking weed!
     - Dude, you're from Colombia! » - Conversation dans un corridor.

- Nous sommes dans ma classe. Je précise que si quelqu'un ne comprends pas, ils peuvent se lever et venir s'assoir sur la S.O.S. chair pour me poser une question. Vous seriez surpris du nombre de personnes que peut soutenir une chaise en bois.

- « Madame, I'm SOOOO gonna miss you. I mean, you're crazy, but in a SOOO cool way. And you're sexy too...» - Élève au Gala.

Malaise...et bon, moment de fierté, quand même. À 26 ans, je pogne encore!

Mais bon, ces petits Hightlights me semblent une bien maigre consolation devant le vide de ma vie, maintenant. Que vont devenir mes 18 petites têtes? L'avenir nous le dira. J'espère qu'ils ont compris que ce stage n'a rien à voir avec le français. Qu'il consiste à prendre de l'indépendance, à voyager, à s'éloigner de ses parents et à tenter de nouvelles expériences.

...tant qu'on reste prudent avec le sex bench.




vendredi 27 juillet 2012

La vie est dans : ...partir?

Aujourd'hui, j'ai fait faire des backflips à mes élèves.

Même si ce n'est pas tout à fait dans le programme de langue qu'ils sont en train de suivre, il s'avère que l'activité a récolté un vif succès. Autant les garçons se sentaient terriblement mâles après avoir réussi à « flipper » une fille, autant les filles se sentaient belles et légères quand elles réussissaient à atterrir (enfin, pour certaines...) sur leurs pieds. Bon, d'accord, certains ont éprouvé une (légère) montée d'adrénaline quand j'ai annoncé le programme du cours de la journée, mais nous n'avons eu aucun blessé et ce, même si je ne peux garantir ma santé physique de demain (j'ai plus vingt ans, tsé!).

Cette semaine, j'ai également raté (par deux fois) ma chance d'avoir une promotion au travail rémunéré. Si la chose m'a chicoté pas mal toute la semaine, je me dis aujourd'hui que c'est peut-être un signe du karma. J'ai beaucoup trop de plaisir en enseigner le français (et le swing, par la bande) à mes élèves pour ne pas me sentir horriblement blasée quand je rentre mon code dans la caisse. Les clients me puent au nez (au figuré et souvent, au sens propre...) et je n'éprouve pas vraiment de plaisir à expliquer vingt-cinq fois par jour pourquoi ma boutique charge les sacs en plastiques.

Qu'on s'entende, je ne suis pas du genre à croire au destin. Si je suis là où je suis, ce n'est pas parce que j'ai fait confiance à la vie. C'est parce que j'ai travaillé pour arriver là. Sauf que, dans les dernières semaines, on dirait que la vie, ben elle me pousse dans le dos. Une collègue professeure m'a expliqué, il n'y a pas si longtemps, que les provinces du Canada anglais recherchais souvent des professeurs de français. Elle-même y a bâti son expérience pendant de nombreuses années. Des clientes, au job rémunéré, m'ont raconté la même histoire. Mes élèves, eux, m'ont dit qu'ils changeaient de professeur de français chaque année, et que ces dits profs ne parlaient que très peu français.

Je me demande si je ne devrais pas faire un lien dans ma p'tite tête d'inDESScente. Embarquer mes deux chats dans ma Mazda et partir à l'aventure, Jump, Jive and Wail dans le tape à cassette. L'Ontario, après tout, ce n'est pas si loin. J'aurais l'occasion de parfaire mon anglais, de gagner de l'argent et de construire mon expérience. Je rencontrerais plein de jeunes assez motivés pour s'inscrire dans un programme francophone, je pourrais ainsi leur apprendre plein de choses sur leurs voisins qui déménagent tous le même jour. Et peut-être même que je m'y plairais...

Et au pire, si ça ne marche pas...je m'ouvre une école de swing et je fais backflipper les anglais.

vendredi 20 juillet 2012

La vie est dans : Le moment de doute

Il y a des choses très intéressantes dans le bas de mon frigo.

Une bouteille de crème thaï. Une autre d'un vin italien très coûteux qu'on m'a jadis offert (pour le jour où je tiendrais mon roman dans mes mains...pas fait encore, ça). Et une bouteille de cidre. Celle-là, je ne sais pas trop d'où elle vient. Probablement atterie là à la suite d'un party singulier. Un petit quelque chose presque transparent, frais, délicat et passablement (beaucoup!) alcoolisé. Je le gardais pour un moment spécial.

Ou pour un coup de blues.

Alors que le jus de pomme fermenté entre en contact avec mes papilles gustatives, je ne peuxque repenser à mes quelques échecs de la semaine. Une de mes co-professeures (qui ressemble étrangement à un personnage de Tim Burton) m'a dit que je tenais plus du G.O. que du professeur. Je n'ai pas obtenu la promotion que j'attendais, et on a sous-entendu que l'autre poste que je convoitais était gagné d'avance...par quelqu'un d'autre. L'Homme-plus-ou-moins-officiel m'a fait sa première crise sérieuse, du genre qui nous fait réfléchir sur l'avenir d'un couple.

Après une semaine dans ce genre-là, même la plus indécente des inDESScente est due pour une remise en question de ses choix de vie.

Il faut d'ailleurs que je m'en choisisse une, de vie. Quelque chose de plus solide que wannabe-prof à temps partiel ou caissière d'un job très peu rémunéré. Quelque chose qui ne rime pas avec mettre 3000 dollars la session de plus sur ma marge de crédit et qui ne signifie pas que je doive manger (ou enlever) mes vêtements les trois derniers jours du mois.

Quelque chose qui veut dire qu'on vient de gagner du temps pour avoir autre chose qu'un chum à temps partiel et une vie sur le «hold» . Quelque chose qui me laisse des graines de minutes pour terminer les corrections de mon roman. Quelque chose qui signifie que j'ai du temps pour vraiment parler à quelqu'un d'autre qu'à mes chats.

Ai-je fait les bons choix? Pourquoi m'a-t-on dit de suivre mes passions si, à vingt-six ans, j'en suis à me poser la question? Aurais-je dû choisir le premier taré du bord et me faire faire deux-trois enfants, pendant que j'étais jeune et fringante? Ou aurais-je dû étudier en science, même si je détestais cela, pour gagner le temps qu'il fallait pour faire ce que j'aime? Aurais-je dû tourner à droite au lieu d'à gauche, et que se serait-il passé si j'avais décidé de le faire?

Je n'ai pas la réponse, mes amis, et elle n'est pas au fond de la bouteille. Je ne sais pas où je vais (même pas où je suis...pff) et ça m'angoisse. Alors je vais faire comme nous faisons tous. Dormir là-dessus. Et essayer d'arrêter d'y penser.

Mais tsé...il me semble que ce serait le temps que la vie me fasse un signe.

jeudi 12 juillet 2012

La vie est dans : Le délire

Dans ma tête, il y a deux hamsters.

Oui oui.

Bon, d'accord, deux hamsters et une souris. Mais la souris ne compte pas : elle s'occupe de mon roman. Quelque part dans ma tête, elle court dans sa petite roue et alimente mon subconscient en nouvelles tournures de phrases et en retravail d'intrigues. Elle ne fait donc pas partie du staff officiel et ne figure pas non plus sur le payroll (pauvre Ernestine...). Nous n'en ferons donc pas mention outre ce court paragraphe.

Donc, deux Hamsters, je disais. Le p'tit brun, Alphonse, et le p'tit roux, Lewiss. Deux hamsters très bien. Comme je suis née avant 1990, mon cerveau n'est pas encore informatisé ; ils fonctionnent donc avec l'ancien système de fiches qu'on avait dans ce temps-là dans les bibliothèques. Faut bien recycler...Or , quand ils ne sont pas occupés à ronger les fils inutiles de mes connections cognitives, tous deux travaillent au fonctionnement général de la machine, c'est-à-dire m'amener du point «A» au point «B» et ce, avec le maximum de pièces essentielles possibles.

La plupart du temps, les hamsters se lèvent, font leur quart et se couchent. Alphonse s'occupe des fonctions motrices et Lewiss des fonctions intellectuelles. Ils étendent les dossiers quelque part sur mon lobe occipital, discutent des décisions à prendre et rigolent quand ils entendent un air des Chipmunks. La formule fonctionne si bien que j'en ai même oublié leur présence et que j'ai par le fait même oublié de les augmenter quand j'ai soudainement doublé mes propres heures de travail.

Ils ont décidé de se syndiquer.

Non seulement ai-je dû leur fournir des uniformes aux couleurs chatoyantes, mais de plus ai-je dû limiter leur participation à mes activités dans la journée. Ces deux-là travaillent maintenant 8h maximum par jour. Ils arrivent le matin, se préparent un café aux noisettes, saluent la souris, grimpent sur leurs petits sièges de hamsters et s'y mettent. Ils traitent les dossiers urgents, classent les fiches et surveillent l'horloge :  l'heure passée, ils mettent le pilote automatique et lèvent les pattes.

Seul hic : moi, je travaille 12h par jour. Et je n'en dors que six. Ce qui nous laisse 18h au total d'occupation du corps en éveil.

Faut que je gère les horaires serrés. Or, je n'y arrive pas toujours. Des fois, y'a une fiche qui finit par être oubliée en quelque part dans ma tête (on a été le 3 juillet pendant genre une semaine!). Des fois, le système automatique s'emballe et je finis par obliger mes élèves à se photographier à côté de statues grecques dénudées.  Les dossiers ne se règlent pas ou bien sont très en retard. Par exemple, je n'ai toujours pas réussi à trouver un trou dans mon horaire pour laver mon linge de la semaine passée . Seule solution : acheter d'autre vêtements.

Ça laisse place à des évènements cocasses. Je commence des phrases sans en savoir la fin. Je dis au-revoir quand un client arrive pour payer à la caisse.  Je donne mon numéro de téléphone à une classe d'étudiants coquins qui ADORENT faire des mauvais coups (genre tous s'asseoir dans une autre classe et essayer de me faire croire que c'est moi qui me suis trompée, ou se cacher derrière l'écran de projection pour me faire sursauter...des p'tits comiques !).

Bref, j'en perd des sérieux bouts.

Mais ce n'est pas grave. C'est l'été et, dans trois semaines, je serai sur le bord d'une piscine avec un verre de pinot gris à écouter la Cumparsita.

Et à ce moment-là, je recevrai encore probablement des textos étranges...

Misère!


samedi 7 juillet 2012

La vie est dans : Le changement de clientèle

De la job au cégep...y'en a pas.

Bon, d'accord. Il y en a un petit peu. Mais pas assez pour subvenir aux besoins financiers des cohortes qui sortent de l'école, les poches pleines de socio-constructivisme. Nos chers baby-boomers sont encore là, le cours classique au bec, et en attendant que ça meure, il faut bien trouver un moyen de se faire du blé.

Je pensais à me partir une industrie de fausses cartes d'identité, à démarrer un système de vente pyramidale spécialisé dans la vente de litière feng shui pour chat, ou même (oh malheur) à faire quelque chose de légal pour subvenir à mes besoins, quand soudain est arrivée...

LA JOB.

Celle qui semble parfaite. Bien payée. Pas trop loin. Belles conditions, beaux horaires. Seul pépin : je n'enseignerais pas au Cégep, mais bien à de jolies têtes blondes du secondaire. En fait, pour être précise, du Hight School. Oui oui, chers lecteurs, votre DESScente préférée devant un clan de mineurs (entre 14 et 17 ans) totalement terrifiés et en immersion pour 5 semaine en terre francophone. J'en bavais de plaisir, me souvenant de moi au secondaire, avide de connaissances, de littérature, de langues étrangères, motivée, passionnée et engagée dans ma réussite...

Bon, dans mon cas, y'avait pas d'homme dans l'école...

J'ai passé deux semaines à me monter un plan de cours en béton. Mes préparations? Complètes et détaillées. Mes activités? Éducatives et solides. Mes horaires? Clairs et chargés. J'étais prête, bien chaussée dans mon plan de cours et bien gantée de ma délicatesse habituelle. Je suis arrivée d'avance lundi, l'espoir dans les yeux et le stress dans le ventre, j'ai récupéré la clef de mon local, ma liste d'élèves et BANG!

...je suis devenue une prof.

Vous pensez qu'on a une préparation quelconque à ça? D'accord. Pensez à une définition du feu. Lisez une définition du feu. Faites une recherche sur les diverses façons de faire du feu.

Vous y êtes? Maintenant, allumez un feu et jetez-vous dedans.

Enseigner, c'est ça. Ou tu te brûles, ou tu trouves un moyen de te sortir de là. Mes étudiants sont arrivés, encore sur le décalage horaire, avec 2-3 heures de sommeil dans le corps, intimidés, isolés, sans un crayon, sans un cahier, avec un air de « c'mon teacher! Do this fast».

Et, comme je suis crinquée dans la vie, j'ai choisi, naturellement, le groupe le plus débutant. Quand j'ai compris qu'ils ne savaient même pas dire bonjour, j'ai saisi qu'on partait de crissement loin. Ils ne comprenaient pas non plus quand je leur demandais de dire leurs noms. Vous savez quoi? On pédale, dans ce temps-là. On danse, on chante, on monte sur le bureau, on dessine au tableau. On essaie de leur faire comprendre. Parce que l'anglais, c'est interdit. On ne peut pas se traduire.

Alors tu te débrouilles. Comme tu peux.

On a eu trois démissions, cette semaine, dans l'équipe de profs.
Moi, j'ai décidé de faire à ma tête.

J'ai ramené l'InDESScente.

Je fais ce qu'il faut. Je crée des situations pour les faire rire. Je les équipe en duo-tang, en exercices, en crayons s'il le faut. Je les sors dehors le plus souvent possible, pour faire des jeux où ils apprennent sans s'en rendre compte et où ils n'ont pas l'impression d'être pris dans une classe un 4 juillet (mes deux américains avaient ben de la misère avec ça!). En désespoir de cause, parfois, je les bourre de sucre. Au moins, pendant qu'ils mangent, ils se la ferment, et on a le temps de comprendre la différence entre « avoir » et « être ».

Je ne peux pas vous raconter tout ce qui s'est passé cette semaine dans cette salle de classe de ce certain pavillon au dédale obscur, ce serait trop long et j'ai une chasse aux trésors à finir de préparer. Cependant, je peux vous suggérer les Hilights d'une semaine que je ne referais pas de sitôt.

Lundi : Nous jouons à la classe musicale. Quand la musique s'arrête, les profs s'échangent des élèves. Certains de nos petits (les coquins) trichent pour rester dans la même classe que leurs amis.

Plusieurs profs arrivent à notre salle commune, paniqués devant le manque de motivation des élèves. Va falloir fouetter, ça a l'air.

Mardi : Combien ça prend de prof pour faire fonctionner une imprimante? Une seule, qui va séduire le technicien.

Je distribue des duo-tangs aux élèves. On fait du design d'un appartement, du vocabulaire (les fruits) et on remplit un passeport. Ma classe au complet me demande de jouer à des jeux plus physiques. Je promets en me demandant bien ce qu'on va faire.


Mercredi : On va jouer dans une corridor le matin. J'invente des jeux à mesure, je cherche des ceux qu'on a fait en initiation, dans les camps de jours, en camping ou dans l'auto. C'est un succès. Je les fatigue à mort, et après, on retourne en classe. On apprend les couleurs avec des suçons. Le sucre, tant que c'est éducatif, c'est correct, bon.

À la deuxième période, j'ai un petit accident diplomatique. Pendant que j'explique quelque chose, je m'aperçois que la craie de j'avais dans les mains n'y est plus. Elle n'est pas tombée par terre. Et tous mes élèves ont les yeux fixés sur mon décolleté. Question du jour : vais-je aller la chercher?

Jeudi : J'échange de classe avec une collège. On joue à la tornade (vous essayerez de traduire le jeu Twister, vous autres...). Les gars sont vraiment poches, alors je leur promet un jeu à la hauteur le lendemain.

De retour en classe, quand j'annonce qu'on va travailler le vocabulaire des légumes, une élève crie : Youhou!!! - d'un ton absolument pas ironique. Je ne pensais jamais récolter de « Youppi » pour un céleri. Pour un concombre, je dis pas...

Vendredi : Jeux extérieurs. Les gars sautent comme des grenouilles à la corde à danser. Je leur fais sauter les douze mois de l'année, chanter l'alphabet...Après, on fait des courses à obstacles
et les gars vengent leur honneur. À la pause, une autre prof, découragée de ses élèves, décide de me les envoyer. On organise une compétition. Ma classe, super-trop-compétitive, leur sacre une volée. Je leur apprends la phrase québécoise : KIN TOÉ!

Ce n'est pas un travail facile : tout le monde cours après le temps. Mais vous savez quoi? Je commence à adorer ça. Quand je ne suis pas grimpée sur un bureau, je cours pour attraper un élève dans un champ, je grimpe aux arbres, je pars des petits trains dans le corridor et je joue à « Valérie dit : FERMEZ VOS GUEULES!». Mon plan de cours est suivi, les élèves apprennent.


Et bon, d'accord, ils pensent que je suis complètement folle.
Mais folle, c'est proche de cool...non?

mercredi 20 juin 2012

La vie est dans : La collation des grades

Fallait que j'y passe.

Mon baccalauréat s'étant terminé en queue de poisson (on pourrait même dire en queue de marsouin tellement c'était absurde...) je n'avais malheureusement pas pu assister à ma première collation des grades. Tristesse, tourments et damnation éternelle me guettaient. Cependant, voilà que, oh, surprise, au détour de ma formation universitaire, je réussis à passer au travers d'un second programme scolaire (du moins, en théorie parce, hey, la grève...). Or donc, faut bien me graduer, en même temps que les autres.

C'est là que ma mère s'emballe. Faut croire que ça vient avec le rôle de maman : une obsession incroyable pour le cotillon l'emporte. Elle qui n'a jamais mis les pieds dans une université, elle déclare à tous vents que c'est un des moments les plus importants dans une vie, qu'il faut absolument  que je m'y présente et que je passe au fer plat pour l'occasion.

Misère. Moi qui suit aussi délicate qu'un discours de Richard Martineau...

Vous savez ce qu'on dit, dans ce temps-là? Rien du tout. Je n'ai qu'une mère, et si ça lui fait plaisir, on fait ce que doit. Voilà donc que je me lève à 6h du matin, un samedi, et que je me douche, et que je me coiffe par-ci et me maquille par-là (je vous fais grâce de la séance d'épilation de la veille - c'est dur d'être une fille!). Masque de fond de teint et casque de spray net ; me voilà déguisée en jeune fille BCBG pour famille haut-de-gamme, mes amis. Robe courte qui me dévoile le haut-de-cuisse (en spécial cette semaine chez IGA), talons assez haut pour se défenestrer si on en tombe et tutti quanti, j'ai l'air d'un curieux croisement entre Coco le Clown et Anne-Marie Losique.

Je monte dans ma voiture, boucle ma ceinture. Fais attention à ma vie (si je meurs en allant là, ma mère me ressuscite et m'asssassine). Seul accroc à ma vie de jeune fille rangée : la chanson à la radio. Bon Jovi, Give Love a Bad Name. Je trahis mon côté coquin, voyez...

Je débarque dans le stationnement B2 en même temps qu'une jeune fille que je nommerai « Cocotte » pour les besoins de la cause. Or, ma face revient à « Cocotte », mais pas le contraire. Comme je suis amenée, dans mes divers milieux sociaux, à fréquenter beaucoup de gens et que j'ai honte quand je ne reconnais pas un visage, je fais semblant de rien et on passe une bonne heure et demie à se jaser. Au travers, on finit par être autorisées à descendre dans la voûte où ils conservent les toges, et là, c'est toute une histoire.

On essaie, trop court, trop long, et les petits préposés nous arrangent ça comme il faut et nouent ça en belle boucle sur le devant, prenant soin de nous déshabiller au maximum au préalable. Bah oui, hein, c'est parce qu'il va faire chaud en-dessous de ça. J'entends au passage la rumeur qu'un gars de philo a décidé d'y aller pour un commando intégral (rumeur non-confirmée par votre humble serviteure).

Finalement, «Cocotte » se rend compte qu'on ne se connaît pas en rencontrant la vraie moi (enfin, l'autre). La voilà qui repart. Avec un oeil de gros-méchant-fâché. Pas le temps de feeler cheap, je viens de retrouver les inDESScents!

En passant, gagne, pas fort. Sur environs 90 appelés, nous voilà une dizaine, faible échantillonage qui n'habite pas trop loin de l'université. Faut croire que la distance compense la récompense (hey hé!). Étude des souliers de toutes les filles : j'aurais pu me mettre en gougoune, finalement. On se réajuste le chignon (et la boucle sur le devant : sont poches, les préposés!) et une madame nous rappelle que c'est le temps de la pause pipi et qu'on doit être là ABSOLUMENT dans les 15 prochaines minutes sinon le monde explose.

On prend le temps de lire les règlements de la collation des grades. Oui oui, il y a un règlement, qui spécifie, entre autres, qu'il vaut mieux mourir de soif que de s'absenter pendant la cérémonie pour combler nos besoins. Le pire, c'est que ce n'est pas une blague. La madame, ensuite, nous fait une démonstration de la façon de se présenter sur la scène, de serrer les mains et faire des beaux sourires. Nous rappelle qu'on doit se tenir à notre place. Qu'il ne faut pas qu'on change de place. Qu'il n'y a rien de plus dramatique que de changer de place.

Ensuite, on nous aligne.

Bienvenue dans l'armée. Tout le monde devient hyper-sérieux, les agents de sécurités parlent dans leurs oreillettes, on confirme le dégagment des allées, les organisateurs appellent les numéros, rappellent les perdus, ordonnent l'ordre. Je suis classée, encadrée entre deux de mes congénères, et on me dit d'avancer alors j'avance. Deux trois fois, on vient me demander c'est quoi mon numéro, sans que je ne sache trop pourquoi. Et on marche sans savoir trop de youskon s'en va, jusqu'à ce qu'on se retrouve au milieu d'une horde de parents hystériques sur fond (répété maintes et maintes fois) de la Graduation Song .

Première constatation, ma mère n'est pas là.

On nous asseoit. Je suis juste à côté d'une fille avec qui j'ai fait mon cégep, aussi. Bizare. Je n'arrive pas à me défaire de l'image d'elle à cette dernière représentation de théâtre que nous avions joué ensemble (du Ionesco ou du Beckett, pour rajouter une dose d'absurde). Ma mère ne vient pas voir, mais les parents trouvent mes 50 voisins. Tout le monde s'asseoit. Tout le monde se relève. Rentre un gars avec un septre, trois quatre douze personnes avec des toges poilues et un curé en blanc. Tout le monde se rasseoit. Ça a l'air d'une messe mal organisée. D'une secte, peut-être. Je rigole parce que c'est drôle mais le monde sérieux d'en arrière me pssite. Quand je me retourne pour voir qui me cherche de même, je croise le carré rouge d'une autre rangée de toges, en arrière. Ça aussi, c'est drôle. Je me demande s'ils obtiennent leurs diplômes pour vrai, eux.

Discours. Le recteur nous dit qu'il faudra rappeler aux consommateurs leur humanité. Oui, parce que quand tu gradues éducation, philo et socio, tu dois t'attendre à ce qu'il n'y ait pas grand consommateurs là-dedans...Le commentaire me vexe, un brin. Moi qui vait gagner le prix Nobel de littérature, je pense que j'aurai bien le droit d'être considérée comme une consommatrice avérée. Mais bon, ce n'est pas le temps de faire une sortie de capitaliste frustrée. Si au moins il avait écrit son discours lui-même, passe encore. Mais à voir la façon dont il s'enfarge, je doute. Y'a un ghost writer en-dessous de ça qui a oublié de dire à son client de le lire avant.

Discours. Diplôme honoris causa (le même que Céline, mais pas à la même place). Bien sûr, la madame ne parle pas un mot de français (bon, sauf « merci » après les applaudissements...) mais fait quand même une allusion à Star Treck dans ses encouragements. Correct la grande, tu as fait rire ceux qui te comprennent, God Bless America, We are Proud, We are American, and We're gonna win this WAR!

Discours. J'écoute plus, je suis en train de mourir sous ma toge. Tout le monde s'évente avec les règlements de la collation. Enfin, on commence à diplômer deux ou trois têtes doctorantes qui ne savent pas trop où aller. Ça défile, ça défile. Un monsieur sérieux fait lever ma rangée, me demande mon numéro (WTF?!?) et nous fait parader une bonne minute, une madame ajuste ma sacrement de boucle, jusqu'à ce que...

SOURIRE! Je suis sur la scène, à côté d'une madame qui dit mon nom. Ne pas tomber de mes talons. Ne pas tomber de mes talons. Ah, monsieur le Cur...recteur! Il m'appelle par mon prénom. J'ai le goût de l'appeler Steeve, mais je me retiens (j'ai lacé serré mon esprit de bottine). Ça l'air qu'il me gradue bord en bord en me tendant un diplôme qui a fait le tour de douze personnes avant de se retrouver là. Je serre la main du diable et je descends de l'escalier, diplôme en main. Ok, c'est beau!

C'est là que ma p'tite soeur m'accroche par la manche de toge et me tire en-dehors du chemin. Bouquet de fleur et tasse Ketto, Maman, Grand-Maman et madame pas rapport qui se demande si son gars est passé ( j'ai-tu l'air d'un horaire sur pattes, Madame? Voyez pas que je gradues?). « Félicitation, Mademoiselle! » Ouain. Tant que tu ne me demandes pas mon numéro. Photo, photo, on a l'air d'une gagne de chinois dans le vieux Québec, bisous, bye bye.

Et bon, je me suis poussée. Y'a des limites à se sacrifier pour la cause dans le but de recevoir une lettre de « lâches pas, ma grande, ton diplôme s'en vient! » qui ne porte même pas mon patronyme. Je suis rentrée chez moi, suis passée chez Loblaws acheter un vase assez grand pour le demi-champs de blé d'inde qu'ils ont rasé pour me donner ça, rajouté une Sangria par là-dessus et j'ai rappelé ma date de-mon-char-qui-partait-pas.

Tant qu'à rentabiliser une coupe de cheveux, tsé...

jeudi 14 juin 2012

La vie est dans : Le revirement de situation

Ça a l'air que celle-là, il faut que je vous la conte.

Je vous ai déjà dit que j'étais dans la lune?

Et bien, ce n'est pas vrai.

Je SUIS la lune. Incarnée. En personne.
Solide.

La mission de ce soir était pourtant simple. Acheter des fruits, louer des vidéos, s'octroyer une petite gâterie. Soirée pliage de linge en perspective. Je me dirige donc vers mon coin épicerie-club vidéo-coin gâterie préféré vers huit heures, stationne ma voiture quelque part au milieu de tout cela et part m'occuper de mes emplettes.

Choisir un melon, dans ma vie, ça prend un bon vingt minutes. Quand j'achète plusieurs fruits, faut prévoir une heure. Ensuite, il y a le choix du film de la soirée. L'acheter, le louer, quel genre, avec quel acteur...faut pas en choisir un trop bon, parce qu'on va plier du linge devant, mais pas un trop mauvais, parce qu'on va éteindre le DVD et que le linge va rester là...et puis, tant qu'à se louer un film, aussi bien prendre quelque chose d'intéressant.

Bref, une éternité plus tard, je me décide à aller choisir ma crème glacée. Mais encore-là, trop de choix. Comme si je n'avais que ça à faire...coordoner ma saveur de crème glacée avec mes émotions, mes envies, et, tant qu'à faire, mon linge, ça prend du temps.

Je sors donc de là avec un énorme sac de fruits, trois films parce que je n'ai pas réussi à me décider, et une crème glacée Gucci, et puis je me décide à retourner chez moi avant que l'aube ne pointe son nez. Fait intéressant : ma clef ne fontionne pas. J'ai beau essayer de l'enfoncer profondément dans la serrure, ma voiture refuse de s'ouvrir. Je lui récite le chapelet, kicke un pneu, essaye encore, regarde si une autre porte est débarrée...

C'est là que le gars s'est tanné. Est venu me voir. M'a expliqué que c'était son char à lui.
Malaise...

Je m'excuse et cherche ma voiture, trois parkings plus loin.
Les phares allumés.
Depuis une éternité.

Je déverrouille la porte et j'essaie de la démarrer. Sans succès, bien sûr. La batterie doit être à plat depuis une éternité. J'essaie, j'essaie. Puis, ça cogne dans ma vitre.

C'est le gars, avec ses cables à booster.

J'étais quelque part entre le bleu et le cramoisie tellement j'étais gênée. Et il a boosté mon char. Comme ça, tout gentiment qu'il était. En prenant soin, au passage, de me demander si ce genre de péripéties m'arrivaient souvent. Et j'ai été obligée de répondre que oui, que c'était tout à fait moi, ça. Me tromper de voiture, oublier mes clefs dedans, m'embarrer en-dehors de ma job ou de chez moi, égarer mon portefeuille à des moments critiques...

C'est là qu'il m'a sorti sa carte d'affaire et qu'il m'a dit :
« La prochaine fois, si t'es prise quelque part, ou pour n'importe quoi, tu peux m'appeler. »

Et puis, on s'est dit au-revoir et il est parti dans le soleil couchant.
Je pense que je viens de trouver la vie.

mardi 12 juin 2012

La vie est dans : L'été

Je vais dire comme vous : je ne donne pas beaucoup de nouvelles.

À ma décharge, je me dois de consacrer mes congés au ménage de mon appartement, aux ballades au parc et à l'entretien d'amitiés que j'ai négligées depuis le début de cette année tortueuse de fin d'étude. Entre le travail rémunéré (qui est aussi intéressant qu'une partie d'échec contre un enfant de quatre ans) et les téléphones d'une directrice d'édition hystérique, je ne bénificie donc que de très peu de temps pour vous entretenir de mes tergiversations.

Et je dois aussi avouer que j'apprécie beaucoup quand certains d'entre vous me rappellent que ça fait longtemps que je n'ai rien posté. Orgueil, quand tu nous tiens...

Me revoici donc avec une nouvelle plutôt intéressante pour vous, petits coquins.

J'étais paisiblement assise sur le divan du salon (bon...«évachée» serait un meilleur terme, j'en consens...) en train de siroter un Mojito, le nez dans mon roman (Hunger Games, pas celui que j'écris...je suis une vilaine fille) quand le téléphone s'est mis à vibrer. Le temps que je le retrouve dans mon 3 et demi, naturellement, j'avais raté l'appel, mais mon ami l'afficheur est à ma rescousse.

Or donc, je me suis dépêchée de rappeler l'initiateur de tout ce dérangement, que je croyais être une amie revenue en ville.

Il s'agissait, en fait, de la directrice d'un programme scolaire dont j'attendais l'appel lundi dernier. Étant certaine que je n'avais pas été sélectionnée à cause du long délais de réponse, j'avais abandonné tout espoir, pleuré ma vie, et mangé de la crème glacée choco-menthe jusqu'au mal de coeur. Une fois m'être mouchée dans un chat qui passait par là (désolée, Sissi) et avoir chassé la froide friandise de mon système, je croyais l'affaire classée.

Mheu non.

La dame m'appelle donc ce matin. M'offre le poste. Et juste comme ça, pour l'été, je deviens professeure.

Littérature? Nanon.
Français.
Langue seconde.
Pour des petits canadiens-anglais venus des quatre coins de notre beau pays.
Et comme je suis une masochiste invétérée (voir mes stages de la session passée), quand la dame m'a demandé quel groupe d'élèves je préférais, j'ai dit : les débutants. Pour le plaisir, parce qu'en partant de rien, je suis certaine que je ne les ennuirai pas, parce que les premiers cours de langue sont toujours basés sur les jeux, les mises en scène, les activités. Je vais donc bientôt me retrouver devant une vingtaine de têtes adolescentes déracinées et incertaines, ayant pour mandat de leur apprendre à maîtriser la langue de Molière et ceci, dans la joie et l'allégresse d'un été chaud. Et de 8h à midi, s'il-vous-plaît.

Masochiste, je disais?
Non.
Seulement excitée par la perspective de la nouvelle job, par la diversion du travail rémunéré (que je conserve néanmoins), par la nouvelle expérience et par l'argent qui rentre. L'été va être occupé, certes, mais probablement beaucoup intéressant que les étés passés!

Et si vous trouvez que je ne punche pas assez ces temps-ci, attendez de voir les anecdotes que je vous raconterai bientôt. Je vais tellement vous brasser ça, ces petits canadiens-là, qu'il va bien en sortir quelque chose d'intéressant...

Moi. Toute seule. Devant une classe. Sans supervision.

On va rire.