vendredi 27 juillet 2012

La vie est dans : ...partir?

Aujourd'hui, j'ai fait faire des backflips à mes élèves.

Même si ce n'est pas tout à fait dans le programme de langue qu'ils sont en train de suivre, il s'avère que l'activité a récolté un vif succès. Autant les garçons se sentaient terriblement mâles après avoir réussi à « flipper » une fille, autant les filles se sentaient belles et légères quand elles réussissaient à atterrir (enfin, pour certaines...) sur leurs pieds. Bon, d'accord, certains ont éprouvé une (légère) montée d'adrénaline quand j'ai annoncé le programme du cours de la journée, mais nous n'avons eu aucun blessé et ce, même si je ne peux garantir ma santé physique de demain (j'ai plus vingt ans, tsé!).

Cette semaine, j'ai également raté (par deux fois) ma chance d'avoir une promotion au travail rémunéré. Si la chose m'a chicoté pas mal toute la semaine, je me dis aujourd'hui que c'est peut-être un signe du karma. J'ai beaucoup trop de plaisir en enseigner le français (et le swing, par la bande) à mes élèves pour ne pas me sentir horriblement blasée quand je rentre mon code dans la caisse. Les clients me puent au nez (au figuré et souvent, au sens propre...) et je n'éprouve pas vraiment de plaisir à expliquer vingt-cinq fois par jour pourquoi ma boutique charge les sacs en plastiques.

Qu'on s'entende, je ne suis pas du genre à croire au destin. Si je suis là où je suis, ce n'est pas parce que j'ai fait confiance à la vie. C'est parce que j'ai travaillé pour arriver là. Sauf que, dans les dernières semaines, on dirait que la vie, ben elle me pousse dans le dos. Une collègue professeure m'a expliqué, il n'y a pas si longtemps, que les provinces du Canada anglais recherchais souvent des professeurs de français. Elle-même y a bâti son expérience pendant de nombreuses années. Des clientes, au job rémunéré, m'ont raconté la même histoire. Mes élèves, eux, m'ont dit qu'ils changeaient de professeur de français chaque année, et que ces dits profs ne parlaient que très peu français.

Je me demande si je ne devrais pas faire un lien dans ma p'tite tête d'inDESScente. Embarquer mes deux chats dans ma Mazda et partir à l'aventure, Jump, Jive and Wail dans le tape à cassette. L'Ontario, après tout, ce n'est pas si loin. J'aurais l'occasion de parfaire mon anglais, de gagner de l'argent et de construire mon expérience. Je rencontrerais plein de jeunes assez motivés pour s'inscrire dans un programme francophone, je pourrais ainsi leur apprendre plein de choses sur leurs voisins qui déménagent tous le même jour. Et peut-être même que je m'y plairais...

Et au pire, si ça ne marche pas...je m'ouvre une école de swing et je fais backflipper les anglais.

vendredi 20 juillet 2012

La vie est dans : Le moment de doute

Il y a des choses très intéressantes dans le bas de mon frigo.

Une bouteille de crème thaï. Une autre d'un vin italien très coûteux qu'on m'a jadis offert (pour le jour où je tiendrais mon roman dans mes mains...pas fait encore, ça). Et une bouteille de cidre. Celle-là, je ne sais pas trop d'où elle vient. Probablement atterie là à la suite d'un party singulier. Un petit quelque chose presque transparent, frais, délicat et passablement (beaucoup!) alcoolisé. Je le gardais pour un moment spécial.

Ou pour un coup de blues.

Alors que le jus de pomme fermenté entre en contact avec mes papilles gustatives, je ne peuxque repenser à mes quelques échecs de la semaine. Une de mes co-professeures (qui ressemble étrangement à un personnage de Tim Burton) m'a dit que je tenais plus du G.O. que du professeur. Je n'ai pas obtenu la promotion que j'attendais, et on a sous-entendu que l'autre poste que je convoitais était gagné d'avance...par quelqu'un d'autre. L'Homme-plus-ou-moins-officiel m'a fait sa première crise sérieuse, du genre qui nous fait réfléchir sur l'avenir d'un couple.

Après une semaine dans ce genre-là, même la plus indécente des inDESScente est due pour une remise en question de ses choix de vie.

Il faut d'ailleurs que je m'en choisisse une, de vie. Quelque chose de plus solide que wannabe-prof à temps partiel ou caissière d'un job très peu rémunéré. Quelque chose qui ne rime pas avec mettre 3000 dollars la session de plus sur ma marge de crédit et qui ne signifie pas que je doive manger (ou enlever) mes vêtements les trois derniers jours du mois.

Quelque chose qui veut dire qu'on vient de gagner du temps pour avoir autre chose qu'un chum à temps partiel et une vie sur le «hold» . Quelque chose qui me laisse des graines de minutes pour terminer les corrections de mon roman. Quelque chose qui signifie que j'ai du temps pour vraiment parler à quelqu'un d'autre qu'à mes chats.

Ai-je fait les bons choix? Pourquoi m'a-t-on dit de suivre mes passions si, à vingt-six ans, j'en suis à me poser la question? Aurais-je dû choisir le premier taré du bord et me faire faire deux-trois enfants, pendant que j'étais jeune et fringante? Ou aurais-je dû étudier en science, même si je détestais cela, pour gagner le temps qu'il fallait pour faire ce que j'aime? Aurais-je dû tourner à droite au lieu d'à gauche, et que se serait-il passé si j'avais décidé de le faire?

Je n'ai pas la réponse, mes amis, et elle n'est pas au fond de la bouteille. Je ne sais pas où je vais (même pas où je suis...pff) et ça m'angoisse. Alors je vais faire comme nous faisons tous. Dormir là-dessus. Et essayer d'arrêter d'y penser.

Mais tsé...il me semble que ce serait le temps que la vie me fasse un signe.

jeudi 12 juillet 2012

La vie est dans : Le délire

Dans ma tête, il y a deux hamsters.

Oui oui.

Bon, d'accord, deux hamsters et une souris. Mais la souris ne compte pas : elle s'occupe de mon roman. Quelque part dans ma tête, elle court dans sa petite roue et alimente mon subconscient en nouvelles tournures de phrases et en retravail d'intrigues. Elle ne fait donc pas partie du staff officiel et ne figure pas non plus sur le payroll (pauvre Ernestine...). Nous n'en ferons donc pas mention outre ce court paragraphe.

Donc, deux Hamsters, je disais. Le p'tit brun, Alphonse, et le p'tit roux, Lewiss. Deux hamsters très bien. Comme je suis née avant 1990, mon cerveau n'est pas encore informatisé ; ils fonctionnent donc avec l'ancien système de fiches qu'on avait dans ce temps-là dans les bibliothèques. Faut bien recycler...Or , quand ils ne sont pas occupés à ronger les fils inutiles de mes connections cognitives, tous deux travaillent au fonctionnement général de la machine, c'est-à-dire m'amener du point «A» au point «B» et ce, avec le maximum de pièces essentielles possibles.

La plupart du temps, les hamsters se lèvent, font leur quart et se couchent. Alphonse s'occupe des fonctions motrices et Lewiss des fonctions intellectuelles. Ils étendent les dossiers quelque part sur mon lobe occipital, discutent des décisions à prendre et rigolent quand ils entendent un air des Chipmunks. La formule fonctionne si bien que j'en ai même oublié leur présence et que j'ai par le fait même oublié de les augmenter quand j'ai soudainement doublé mes propres heures de travail.

Ils ont décidé de se syndiquer.

Non seulement ai-je dû leur fournir des uniformes aux couleurs chatoyantes, mais de plus ai-je dû limiter leur participation à mes activités dans la journée. Ces deux-là travaillent maintenant 8h maximum par jour. Ils arrivent le matin, se préparent un café aux noisettes, saluent la souris, grimpent sur leurs petits sièges de hamsters et s'y mettent. Ils traitent les dossiers urgents, classent les fiches et surveillent l'horloge :  l'heure passée, ils mettent le pilote automatique et lèvent les pattes.

Seul hic : moi, je travaille 12h par jour. Et je n'en dors que six. Ce qui nous laisse 18h au total d'occupation du corps en éveil.

Faut que je gère les horaires serrés. Or, je n'y arrive pas toujours. Des fois, y'a une fiche qui finit par être oubliée en quelque part dans ma tête (on a été le 3 juillet pendant genre une semaine!). Des fois, le système automatique s'emballe et je finis par obliger mes élèves à se photographier à côté de statues grecques dénudées.  Les dossiers ne se règlent pas ou bien sont très en retard. Par exemple, je n'ai toujours pas réussi à trouver un trou dans mon horaire pour laver mon linge de la semaine passée . Seule solution : acheter d'autre vêtements.

Ça laisse place à des évènements cocasses. Je commence des phrases sans en savoir la fin. Je dis au-revoir quand un client arrive pour payer à la caisse.  Je donne mon numéro de téléphone à une classe d'étudiants coquins qui ADORENT faire des mauvais coups (genre tous s'asseoir dans une autre classe et essayer de me faire croire que c'est moi qui me suis trompée, ou se cacher derrière l'écran de projection pour me faire sursauter...des p'tits comiques !).

Bref, j'en perd des sérieux bouts.

Mais ce n'est pas grave. C'est l'été et, dans trois semaines, je serai sur le bord d'une piscine avec un verre de pinot gris à écouter la Cumparsita.

Et à ce moment-là, je recevrai encore probablement des textos étranges...

Misère!


samedi 7 juillet 2012

La vie est dans : Le changement de clientèle

De la job au cégep...y'en a pas.

Bon, d'accord. Il y en a un petit peu. Mais pas assez pour subvenir aux besoins financiers des cohortes qui sortent de l'école, les poches pleines de socio-constructivisme. Nos chers baby-boomers sont encore là, le cours classique au bec, et en attendant que ça meure, il faut bien trouver un moyen de se faire du blé.

Je pensais à me partir une industrie de fausses cartes d'identité, à démarrer un système de vente pyramidale spécialisé dans la vente de litière feng shui pour chat, ou même (oh malheur) à faire quelque chose de légal pour subvenir à mes besoins, quand soudain est arrivée...

LA JOB.

Celle qui semble parfaite. Bien payée. Pas trop loin. Belles conditions, beaux horaires. Seul pépin : je n'enseignerais pas au Cégep, mais bien à de jolies têtes blondes du secondaire. En fait, pour être précise, du Hight School. Oui oui, chers lecteurs, votre DESScente préférée devant un clan de mineurs (entre 14 et 17 ans) totalement terrifiés et en immersion pour 5 semaine en terre francophone. J'en bavais de plaisir, me souvenant de moi au secondaire, avide de connaissances, de littérature, de langues étrangères, motivée, passionnée et engagée dans ma réussite...

Bon, dans mon cas, y'avait pas d'homme dans l'école...

J'ai passé deux semaines à me monter un plan de cours en béton. Mes préparations? Complètes et détaillées. Mes activités? Éducatives et solides. Mes horaires? Clairs et chargés. J'étais prête, bien chaussée dans mon plan de cours et bien gantée de ma délicatesse habituelle. Je suis arrivée d'avance lundi, l'espoir dans les yeux et le stress dans le ventre, j'ai récupéré la clef de mon local, ma liste d'élèves et BANG!

...je suis devenue une prof.

Vous pensez qu'on a une préparation quelconque à ça? D'accord. Pensez à une définition du feu. Lisez une définition du feu. Faites une recherche sur les diverses façons de faire du feu.

Vous y êtes? Maintenant, allumez un feu et jetez-vous dedans.

Enseigner, c'est ça. Ou tu te brûles, ou tu trouves un moyen de te sortir de là. Mes étudiants sont arrivés, encore sur le décalage horaire, avec 2-3 heures de sommeil dans le corps, intimidés, isolés, sans un crayon, sans un cahier, avec un air de « c'mon teacher! Do this fast».

Et, comme je suis crinquée dans la vie, j'ai choisi, naturellement, le groupe le plus débutant. Quand j'ai compris qu'ils ne savaient même pas dire bonjour, j'ai saisi qu'on partait de crissement loin. Ils ne comprenaient pas non plus quand je leur demandais de dire leurs noms. Vous savez quoi? On pédale, dans ce temps-là. On danse, on chante, on monte sur le bureau, on dessine au tableau. On essaie de leur faire comprendre. Parce que l'anglais, c'est interdit. On ne peut pas se traduire.

Alors tu te débrouilles. Comme tu peux.

On a eu trois démissions, cette semaine, dans l'équipe de profs.
Moi, j'ai décidé de faire à ma tête.

J'ai ramené l'InDESScente.

Je fais ce qu'il faut. Je crée des situations pour les faire rire. Je les équipe en duo-tang, en exercices, en crayons s'il le faut. Je les sors dehors le plus souvent possible, pour faire des jeux où ils apprennent sans s'en rendre compte et où ils n'ont pas l'impression d'être pris dans une classe un 4 juillet (mes deux américains avaient ben de la misère avec ça!). En désespoir de cause, parfois, je les bourre de sucre. Au moins, pendant qu'ils mangent, ils se la ferment, et on a le temps de comprendre la différence entre « avoir » et « être ».

Je ne peux pas vous raconter tout ce qui s'est passé cette semaine dans cette salle de classe de ce certain pavillon au dédale obscur, ce serait trop long et j'ai une chasse aux trésors à finir de préparer. Cependant, je peux vous suggérer les Hilights d'une semaine que je ne referais pas de sitôt.

Lundi : Nous jouons à la classe musicale. Quand la musique s'arrête, les profs s'échangent des élèves. Certains de nos petits (les coquins) trichent pour rester dans la même classe que leurs amis.

Plusieurs profs arrivent à notre salle commune, paniqués devant le manque de motivation des élèves. Va falloir fouetter, ça a l'air.

Mardi : Combien ça prend de prof pour faire fonctionner une imprimante? Une seule, qui va séduire le technicien.

Je distribue des duo-tangs aux élèves. On fait du design d'un appartement, du vocabulaire (les fruits) et on remplit un passeport. Ma classe au complet me demande de jouer à des jeux plus physiques. Je promets en me demandant bien ce qu'on va faire.


Mercredi : On va jouer dans une corridor le matin. J'invente des jeux à mesure, je cherche des ceux qu'on a fait en initiation, dans les camps de jours, en camping ou dans l'auto. C'est un succès. Je les fatigue à mort, et après, on retourne en classe. On apprend les couleurs avec des suçons. Le sucre, tant que c'est éducatif, c'est correct, bon.

À la deuxième période, j'ai un petit accident diplomatique. Pendant que j'explique quelque chose, je m'aperçois que la craie de j'avais dans les mains n'y est plus. Elle n'est pas tombée par terre. Et tous mes élèves ont les yeux fixés sur mon décolleté. Question du jour : vais-je aller la chercher?

Jeudi : J'échange de classe avec une collège. On joue à la tornade (vous essayerez de traduire le jeu Twister, vous autres...). Les gars sont vraiment poches, alors je leur promet un jeu à la hauteur le lendemain.

De retour en classe, quand j'annonce qu'on va travailler le vocabulaire des légumes, une élève crie : Youhou!!! - d'un ton absolument pas ironique. Je ne pensais jamais récolter de « Youppi » pour un céleri. Pour un concombre, je dis pas...

Vendredi : Jeux extérieurs. Les gars sautent comme des grenouilles à la corde à danser. Je leur fais sauter les douze mois de l'année, chanter l'alphabet...Après, on fait des courses à obstacles
et les gars vengent leur honneur. À la pause, une autre prof, découragée de ses élèves, décide de me les envoyer. On organise une compétition. Ma classe, super-trop-compétitive, leur sacre une volée. Je leur apprends la phrase québécoise : KIN TOÉ!

Ce n'est pas un travail facile : tout le monde cours après le temps. Mais vous savez quoi? Je commence à adorer ça. Quand je ne suis pas grimpée sur un bureau, je cours pour attraper un élève dans un champ, je grimpe aux arbres, je pars des petits trains dans le corridor et je joue à « Valérie dit : FERMEZ VOS GUEULES!». Mon plan de cours est suivi, les élèves apprennent.


Et bon, d'accord, ils pensent que je suis complètement folle.
Mais folle, c'est proche de cool...non?