jeudi 22 mai 2014

La vie est dans : La répartition logistique

Je suis en train de surveiller le dernier examen de la session. Oui oui, nous finissons en beauté, ce matin, avec un beau quatre heures de rédaction sur Cyrano de Bergerac, pièce de théâtre presque classique qui n'a pourtant pas soulevé les cœurs de mes classes, cette session-ci. Alors qu'ils s'échinent à me décortiquer l'acte V, moi, j'écris deux trois affaires sur mon blogue que je néglige ces temps-ci. Faut dire que j'ai le droit ; je suis prof, je travaille, bon.

Or, alors que je les observe, je ne peux m'empêcher de confirmer ma théorie. En effet, je ne vous apprendrai rien en vous disant que mes étudiants s'assoient dans mes cours (oui oui, on ne passe pas nos heures de cours hebdomadaires debout en cercle autour du ti-tableau!). Or, à chaque nouvelle classe, je constate une récurrence entre les personnages qui fréquentent mon cours et l'emplacement de leur postérieur. Je me permets donc de vous soumettre un plan, parce que c'est drôle et que je m'ennuie.

Notez que le masculin est utilisé pour alléger le texte. Un p'tit criss peut bien être une petite criss, mais ça sonne juste moins bien.
Allons-y donc méthodiquement.

1. Devant de la classe, centre.
1.1. Le redondant.
Celui-là, il reprend le cours pour la troisième fois. C'est sa dernière chance. Il arrive le premier jour après avoir fait imprimer son plan de cours, un café frais à la main, les cheveux dans le vent. Il est prêt, il est motivé - comprendre : il a peur...-, il a acheté des cahiers neufs et il a rempli la première page de son agenda avec ses devoirs. Celui-là, les deux premières semaines, il est participatif, impliqué, son regard est clair et ses yeux pleins d'espoir. Cependant, après deux semaines et peut-être un premier examen, ou il se décourage ou il s'assoit sur ses lauriers. Vous le verrez d'ailleurs se déplacer physiquement jusqu'à sa prochaine localisation de la classe...

1.2. L'anxieux.
Souvent à sa première tentative dans le cours, l'anxieux n'a qu'une frayeur : échouer. Pas trop loin du redondant dans l'essence, il a tout de même, pour particularité, de retarder votre départ après chaque cours d'une dizaine de minutes, juste pour voir s'il a bien compris. C'est aussi lui qui fait déborder votre boîte courriel - surtout la veille d'un examen - sans poser aucune question critique, puisqu'habituellement, il comprend très bien la matière. C'est lui aussi qui va vous faire lever 18 fois pendant son examen final pour vous demander si son crayon bleu est « assez bleu » pour faire son propre et qui ira faire 22 pipis nerveux. Faut pas les juger, faut juste les aimer.

1.3. Le licheux.
Lui, quelque part dans son parcours, il a changé de stratégie. Certains de mes licheux ont porté ma mallette ; d'autres m'ont ouvert des portes, m'ont offert du chocolat. Je soupçonne même l'un d'entre eux de m'avoir offert une fleur, l'an passé, mais je n'ai pas de preuve. Qu'à cela ne tienne ; cet étudiant n'a qu'un but : plaire à son prof. Par n'importe quel moyen, il va devenir votre meilleur ami, du moins le pense-t-il, parce qu'on ne peut pas faire échouer son meilleur ami (c'est pas gentil). Il va répondre aux questions, faire ses devoirs, participer à vos activités, mais toujours en laissant traîner un filet de bave collante sur votre moral. Bref, il est comme ce gars qui essayait trop fort, un fois : vous ne savez pas pourquoi, mais il vous tape sur les nerfs. Par contre, ses chocolats sont bons.

2. Devant de classe, sur les côtés
2.1. Le provocateur.
Lui, il a fait le cours peut-être. Une fois max. Ou alors, il vient de France. Ou encore, il a déjà lu le livre. Et pour une raison mystérieuse, il croit en savoir plus long que vous sur la chose. Le provocateur s'installe sur le côté et, pour une raison que j'ignore, a tendance à s'étendre beaucoup sur son territoire. C'est lui qui arrive avec sa poche de hockey ou sa grosse sacoche et dépose son fatras sur le bureau d'à côté ; il met ses pieds sur la chaise, se poste, un peu croche, le menton haut, et surveille vos dires, jusqu'au doute. Il vous sort des phrases du genre : « Oui mais, d'après Jean-Paul Sartre... », souvent hors contexte, ou vous amène sur une théorie un peu déjantée sur la signification du vase bleu dans une scène pleine de bibelots. Son but unique : vous déstabiliser. Fait intéressant, j'ai autant d'esprit de bottine que lui, mais j'ai plus d'expérience. Qui gagne, d'après vous?

2.2. Le discret.
Souvent un étudiant étranger, le discret s'installe en silence, passe le cours en silence et s'en va en silence. Il porte du gris, ou alors un chandail de la même couleur que le mur. Il suit très bien votre cours, a des résultats corrects et vous n'arrivez jamais à vous souvenir de son nom. Quand il pose une question, c'est du bout des lèvres. Si vous proposez un exposé oral, il fait des terreurs nocturnes. C'est à peu près tout ce que j'ai à dire sur lui, ce n'est pas vraiment un sujet à paragraphe...

2.3. Le dyslexique-TDAH-muet
Il est venu vous avertir au premier cours. Vous l'avez informé que vous n'aviez rien à savoir de son diagnostic, mais il a tenu à vous en informer, parce qu'il est fier de ce qu'il est. Vous avez compris qu'il a droit à plus de temps pour faire ses examens, vous êtes plus laxiste sur l'heure de remise de travaux dans son cas, vous endurez même ses retards. Parfois, il déborde un peu (mettons que l'empathie est une arme redoutable rapidement maîtrisée par ce type d'étudiant), mais, la plupart du temps, vous vous contentez de le ramener quand il semble être débranché depuis trop longtemps (comprendre : regard vide et bouche entrouverte depuis plus de cinq minutes). Comme on n'a plus de règle en bois pour frapper son bureau, un coup de fusil bien placé dans un Powerpoint prend tout son sens. Attention avant d'appliquer ce truc : certains médicaments contre les troubles de comportement peuvent causer des problèmes cardiaques. Expérience vécue.

2.3. Le retardataire.
Lui, il est là parce qu'il arrive toujours en retard et que c'est la seule place qui reste. Point final.
À noter que l'avant de la classe sur les côtés constitue les places les moins populaires. D'après moi, c'est parce qu'ils ne voient rien au tableau. Ou que ça les oblige à se tenir de biais pendant deux heures. Ou bien parce que les jeunes, de nos jours, c'est asthmatique, donc allergique à la craie (c'est vrai, c'est allergique à tout, les enfants, aujourd'hui...). Menfin.

3. Milieu de classe, centre.
3.1. Le bon public.
Lui, je l'aime. Parce qu'il rit de mes blagues. Il répond aux questions. Il a toujours l'air d'avoir du fun. Il ne comprend pas souvent la matière, mais il a un bon sens de l'autodérision, alors quand je le reprends, ça le fait un peu marrer. Il fait ses devoirs un peu, pas beaucoup, il étudie de temps en temps et ça ne lui dérange pas de remplir les trous quand l'information repasse. C'est probablement pour ça qu'il écoute en classe. Il est un peu nonchalant, mais d'une bonne façon. Quand on a besoin d'un porte-parole dans une équipe, c'est toujours lui, le volontaire. Il vient écrire au tableau, de temps en temps, et il rit quand je dois corriger ses fautes. Il sait que le français est un passage obligé, qu'il est aussi bien de ne faire chaque cours qu'une seule fois, et basta. C'est aussi lui qui a déneigé ma voiture, cet hiver. Il est juste fin, d'une façon plus dégagée que le licheux.

3.2. L'impliqué.
Conseil étudiant, scoutisme, volley-ball et tutti quanti. Lui, il demande des permissions spéciales pour son championnat en Allemagne, te demande de l'argent pour la fondation pour les mère-monoparentales-handicapées-actives-atteintes-de-maladie-mentale-en-difficulté-financières-orphelines-qui-sont-bénévoles-à-la-spa et il prend toujours cinq minutes de ton cours pour rappeler à tout le monde de payer sa veste de soins infirmiers. Pas tout à fait un leader parce qu'il a un côté socio-impliqué trop développé, il s'attire tout de même le respect parce que tout le monde croit que c'est une bol. Erreur. Il atteint tout juste la note de passage. Mettons qu'il a d'autre chose à faire qu'étudier.

3.3. Le studieux.
Il est inscrit en sciences natures profil santé. Il veut faire médecin et vous parle sans cesse de sa cote R. S'il a en bas de 80%, c'est la crise de nerfs. Il préfère faire ses travaux seul, parce que les autres n'ont aucune idée de son ambition. Il vous fait des textes de 1000 mots alors que vous en demandez 700, et ce, sans aucune faute d'orthographe. Il veut, et il va avoir. Chaque nouvel examen est un défi à relever. Il connaît vos disponibilités, votre numéro de téléphone. S'il n'habite pas trop loin, ça se peut qu'il vienne frapper chez vous. C'est le seul que vous croisez à la bibliothèque qui n'est pas sur un ordinateur. Son seul problème, c'est le balai qu'il a dans sa prise USB. Son air sérieux vous fait peur. Son rire vous fait encore plus peur. Et le fait qu'il devienne peut-être votre gynécologue vous fait mieux comprendre votre élève anxieux.

3.4. Les BFF
Toujours en paquet de deux, les BFF se connaissent depuis le primaire et ne tolèrent pas d'être séparés. Ils vous font des yeux de pandas en danger quand vous annoncez avant un examen qu'ils doivent prendre un bureau de distance. Ils profitent du cours pour se raconter tout ce qu'elles ont fait durant la journée (le cours est à 8h am...), font leurs devoirs ensemble et usent parfois même de télépathie lors des rédactions. Attention, par contre ; ils ont une légère tendance à plagier, sans tout à fait comprendre ce que ça veut dire. Comme ils n'ont qu'une pensée commune, savoir ce qui appartient à l'un ou à l'autre devient un dédale labyrinthique obscur et insolvable. À noter que les BFF sont souvent des filles. Les bro ne se montrent pas autant d'affection en public et n'osent pas potiner pendant les travaux d'équipe.

4. Milieu de classe, côtés.
4.1. Le « Pas-tout-à-fait-branché-pareil ».
J'ai de la difficulté à le comprendre, celui-là. Il est toujours rendu au diable vert, là où personne ne pouvait soupçonner qu'il irait. Il est brillant, s'exprime bien, mais il a des réflexions...étranges. Vous ne savez pas toujours s'il joue les satyres ou s'il est vraiment bizarre. Il n'arrive jamais au même résultat que tout le monde, va vous sortir des termes étriqués, des théories issues tout droit de Frankenstein. Il déforme ce que vous dites et, quand il répète ce que vous venez de lui mentionner, vous-même ne comprenez plus. Dans ses explications, il passe par le Pérou pour aller à Montréal. En classe, la plupart de ses commentaires est automatiquement suivie d'un bruit de grillons. Bref, sa copie, à l'examen, mériterait un royal « wtf? ».

4.2. Le couple ou le wannabe-couple.
Ils crachent des petits cœurs et leurs yeux sont plein d'arcs-en-ciel. Quand ils vous posent une question, ils se regardent l'un-l 'autre.  D'une main, ils tiennent le crayon, de l'autre, ils se flattent. Des heures de temps. À la pause, ils vont frencher dans le corridor (comprendre : sur le bord de la porte) et ils s'exercent la langue presque autant que dans votre cours. Ça dégouline de romantisme, leur affaire ; vous les avez déjà vu habillés presque pareil, à la St-Valentin, ils boivent dans la même tasse à café. Leur histoire vous rappelle vaguement une vieille chanson de Joe Dassin.

4.3. Le cute
Il y en a un dans chaque classe. Il est un peu plus vieux que les étudiants, sinon, il a votre âge. Il a une belle gueule carrée, des épaules larges, une petite barde de trois jours, un dégaine de rock star, de l'arrogance. Quand vous lui posez une question, il hausse un sourcil et vous sourit en montrant ses dents blanches. Il a lu La nausée et écoute du Jacques Brel. Toutes les filles sont après lui, mais il est un éternel célibataire, parce qu'en choisir une, ce serait faire de la peine aux autres. Vous évitez sagement de rester trop longtemps seul avec lui. Et une maudite chance qu'il ne peut pas lire dans vos pensées. By the way, mon dernier m'a déjà invitée à souper. Et j'ai dit non. Kin toé.

4.4. Le surprenant.
Le surprenant n'a l'air de rien. C'est un étudiant ordinaire, échoué dans votre cours. Sauf que, pour une raison mystérieuse, quand vous allez écrire une phrase fautive au tableau et que vous allez demander quel est le problème, il va vous sortir « Ta phrase, elle a pas de prédicat ». Après un moment à reprendre votre contenance, vous lui demanderez comment ça se fait qu'il sait ça, et il va hausser les épaules. Il le sait, c'est tout. C'est un génie qui s'ignore. Il identifie toutes les figures de style avec succès, vous sort des explications fort logiques à vos questions les plus salaces, et quand vous essayez de le coincer, il décoince avec une facilité déconcertante. Malheureusement, il fait deux fautes aux trois mots. On ne peut pas tout avoir.

4.5. Le tannant
Lui, il est crasse. Il arrive sans crayon, sans feuille de cartable, sans cahier. Il ne sait pas quand sont ses examens, ne sait pas quel livre il doit lire. Il est assis tout croche sur sa chaise. Il pose toujours des questions sur des choses que vous venez d'expliquer. Quand vous le mettez en équipe, il glandouille, l'air désabusé, et fait des blagues cochonnes quand vous êtes trop loin pour entendre. C'est lui aussi qui va lever la main pour raconter une anecdote personnelle qui n'a aucun lien avec la matière. Il est le roi du malaise et de la tranche de vie, du commentaire inapproprié et des double-sens. S'il peut être un facteur comique, il est à contrôler. Cravache et pas de dessert, monsieur le commissaire.

4.6. Le nerveux.
Variation sur le thème de l'anxieux, celui-là ne flanche qu'en période de stress. C'est le genre qui oublie son livre à l'examen, qui se perd dans ses notes, qui a la lèvre qui tremble quand il regarde l'horloge. Ça fait quatre heures qu'il cherche le contact visuel et que je ne lui donne pas. Vilaine de même. Fallait que j'en parle.

4.7. Le rêveur.
C'est pas compliqué, il cherche la fenêtre. Bête comme ça. Un mouche à feu qui voit la lumière. Lui, au bout de dix minutes de cours, c'en est trop ; il s'égare des yeux dans la verte prairie. Pour une raison obscure, il s'habille souvent en noir et fait du donjon-dragon. Il lit de drôles de livres et a des référents pas tout à fait comme les autres. C'est lui qui va vous faire un lien étriqué entre Roméo et Juliette et le film Cube (#traumatisme) et qui va écrire de la poésie en marge de ses notes de cours. Son agenda est recouvert de gribouillis plus ou moins travaillés dans lesquels vous pouvez lire des phrases comme « I love Isabelle » et « At first I was affraid ». Artiste? Fucké? Un peu des deux. Ah, et pour une raison quelconque, il est myope. Tout le temps.

5. Le fond de la classe, centre.
5.1. Le p'tit criss.
J'en ai déjà parlé, c'est ma bête noire. Il est paresseux comme la peste, mais il est assez brillant pour toujours s'en sortir. S'il pouvait, il mettrait ses papattes direct sur le bureau, les mains derrières la tête, et ne foutrait rien de la période. Il se permet régulièrement de manquer un cours, mais réussit toujours ses examens sur la fesse parce qu'il est assez intelligent pour y arriver sans se forcer.  C'est un grand baveux qui veut montrer que la p'tite prof, elle ne lui fait pas peur. Des fois, je rêve que je le mord. Fort.

5.2. Le technophile
Lui, il se regarde les cuisses. Sans cesse. Il cache son téléphone dans son coffre à crayon. Dans son cartable. Il veut la montre qui va avec. Il ne peut pas s'empêcher de consulter son mur Facebook 2 fois par minutes. S'il ne le fait pas, il se met à avoir des tics : il tapoche avec son crayon, shake de la patte, mâchouille son cahier et fait pipi. D'après mes expériences, il peut tenir maximum trente minutes sans son appareil. J'ai eu beaucoup de plaisir avec ça.

5.3. La bombe à retardement
À chaque année, j'en ai eu un. Celui qui va se fâcher et vous faire une crise devant toute la classe. Vous ne savez pas s'il s'agit d'un problème hormonal ou environnemental, mais celui-là va exploser quand vous allez annoncer la date prochaine d'un examen. Comprenez qu'il est au courant depuis le début de l'année, notre coco ; c'est écrit dans son plan de cours. Et pourtant, à ce moment précis où vous annoncerez une remise, il va ouvrir son agenda et va se rendre compte qu'il a trois examens le même jour. Son côté altruiste va prendre le dessus et il va défendre coûte que coûte l'ensemble de la classe - qui s'en balance candidement. Personnellement, je prends un air dubitatif, envoie tout le monde en pause et console mon anxieux et mon nerveux qui pleurent en réclamant leur valium.

6. Le fond de la classe, côtés
6.1. Le fêtard.
Quand il réussit à se lever, il se traîne jusque dans votre classe et...dort. Profondément. Jusqu'à la pause. À cette heure, il descend à la cafétéria, s'achète un Redbull (le café, c'est pour les feluettes) qu'il cale à gorge déployée dès que son cul tombe sur sa chaise. Il s'éveille progressivement jusqu'à pleine récupération aux alentours de midi ; à 1h, il est top shape, où il assiste à son meilleur cours. Malheureusement, il manque toujours son cours de fin de journée, parce qu'il assiste déjà à sa prochaine activité...nocturne, bien sûr.

6.2. L'abonné à «ailleurs».
Ça, c'est l'étudiant dont vous ne connaissez ni le nom, ni le visage. Il a cumulé plus d'absences que tous les autres élèves - ensemble - et oublie régulièrement l'heure/le local/le contenu de votre cours. Il se pointe avec son livre de maths cinq minutes avant la fin et ne sait pas trop quel est le livre à l'étude. Pour une raison mystérieuse, je l'aime bien, celui-là. Peut-être parce qu'un devoir de moins, c'est une demi-heure de plus dans ma vie...

6.3. Le ghetto
Composé d'environ quatre membres, le ghetto se tient sur les côtés, en deux rangées de deux. La rangée la plus en avant se retourne systématiquement aux deux minutes vers la rangée d'en arrière. Ce groupe-là passe le cours ensemble, la pause ensemble, l'été ensemble et la nuit ensemble. Habillés pareil, la bouche pleine d'inside jokes, ils rigolent juste en se regardant, la calotte par en arrière. Ils étudient tous dans le même programme, viennent de la même place et détestent le travail individuel. À la pause, ils font jouer de la musique sur un cellulaire et chillent à leurs places, le corps croche. Fait intéressant, quand j'ai la joie de leur adresser une question, habituellement, les quatre répondent. Synchro parfaite.

6.4. Le légume vert
Comment finir sans parler de mon légume vert? Lui, il arrive gelé. À 8h du matin. Vous espérez donc ben que ce soit de la veille, mais l'odeur persistante et fraîche de plante grillée vous ramène à la dure réalité. Un sourire niais et une poutine en face de lui, il se bourre la face avec conviction tout en ne comprenant rien de ce que vous dite. Quand vous mentionnez le nom d'un auteur, il part à rire. Ses yeux sont tellement rouges que vous vous en servez comme pointeur laser. Chacun de ses devoirs vous rappelle les doux relents de vos propres années de cégep. Pauvre étudiant. Cette année, je lui ai conseillé de slaquer, même si ce n'est pas vraiment ma job, juste histoire de réussir à faire une phrase qui a du bon sens. Sa réponse? « Je ne me drogue pas, madame, je suis allergique aux chats ». Ben ton chat, il sent bizarre, mon gars. Il a une litière au chanvre?

7. Le facteur de remplissage

 C’est bien dommage, mais chaque classe, hors des quelques éléments représentatifs que je viens de vous démontrer, contient quelques agents de remplissage. Des intéressés qui vous regardent les yeux pleins d’espoir, des je-m’en-foutistes qui visent le fond de la classe, des présents à moitié, des absents aux trois-quarts, des échoués, des perdus, des heureux, des madames, des monsieurs, des doués et des moins doués. Ce sont les étudiantsd qui ne vous marqueront pas, mais qui font l’ambiance du cours, et que vous serez heureux de recroiser au pub du coin, dans cinq ans. Parce que c’est agréable de prendre une bière avec les étudiants, après. Pis de se faire dire : « Ouain, je suis tombé sur ton blogue…». Glup.