dimanche 3 février 2013

La vie est dans : L'adaptation

Avant d'arriver ici, j'étais étudiante. Et fauchée, à part ça. J'habitais Québec - tout seule, s'il-vous-plaît - et je connaissais la ville par choeur. Je chauffais ma voiture jusqu'à mon travail où je vendais des livres tout à fait inintéressants à des gens qui ne les liraient pas de toute façon. J'achetais des bouteilles de vin à 9,95$ que je prenais à l'épicerie et seulement pour les grandes occasions. Je sortais de chez moi en jeans et en décolleté plongeant pour aller au dépanneur, et avec des talons hauts qui me faisaient friser les chevilles. Je ne me maquillais presque pas, un coup de brosse me semblait suffisant pour me coiffer. J'étais écrivain quand j'avais le temps, je tenais mon blogue pour parler au monde parce qu'avec deux ou trois jobs je ne pouvais pas le faire en vrai. J'écoutais de la pop quand je faisais le ménage parce que personne ne me voyait danser avec le balai, le CD des N'Sync jouait dans ma voiture. J'achetais la marque en spécial à l'épicerie, je passais voir mes amis à chaque fois que le prix de l'essence baissait, j'invitais à souper quand j'étais sur le point de perdre de la bouffe. Je mangeais des pâtes quatre fois par semaine, de la viande une fois seulement. J'achetais du café à 50 sous la tasse chez Pol. J'allais patiner à place d'Youville, danser à la Korrigane, boire au St-Angèle. Mes priorités ressemblaient pas mal aux deux boules de poils qui dormaient sur mon divan ou dans mon lit, et aux enfants qui m'entouraient. Je ramassais les animaux perdus et les gens égarés. Je parlais fort, je chialais, je bitchais, je cherchais le trouble et souvent je le trouvais, mais je redevenais douce et mignonne quand c'était le temps de l'être.

Y'a des choses qui ne changent pas.
Pour le reste, il a fallu s'adapter.

C'est bizarre d'avoir un colocataire. J'étais habituée à la vie solitaire. Maintenant, quand j'arrive, il y a de la vie, chez nous. Une vie barbue et souvent en lendemain de brosse qui s'en va enseigner la psycho, mais bon...c'est un prof de psycho. Cette semaine, il m'a amené à un brunch. On a commencé ça au mimosa (pour les non-initiés, c'est un mélange de jus d'orange et de mousseux), puis on a poursuivi au café-amarula pour finir ça au brandy aux pommes. Au travers de ça, il y avait des crêpes - à la bière - et beaucoup, beaucoup de gens qui mangeaient des fruits. Parait que c'était la Chandler (ne me demandez pas ce que c'est, à part un vague prétexte pour flipper des crêpes d'une étrange façon) et qu'il fallait fêter ça. La surprise qu'on me tende un verre avant 10h le matin a dû me faire changer de figure, parce que j'ai récolté pas mal de sourires entendus (« Elle est nouvelle en ville... », « Me semblais, aussi...») mais à Rome, on fait comme les Romains. À 10h15, j'étais finie. Cheers.

Je suis allée veiller avec les profs, aussi. Cocktail des nouveaux. J'imaginais ça un peu comme la consécration : je me suis habillée correctement, coiffée correctement, maquillée correctement...et je me suis fait remarquer correctement. Je représentais parfaitement la bonne fille bien éduquée que je ne suis presque pas et qu'on devait présenter à tout le monde. Et une petite bière par-ci, et un petit verre de vin par-là, et tiens, goûte à ça, et as-tu déjà essayé ça...Un verre d'eau et deux-trois confidences plus loin, je suis sortie de ce lieu de perdition avant que mes collègues ne se mettent à chanter des chansons grivoises.

J'exagère à peine.

Je suis allée veiller dans un bar, aussi. Quelqu'un m'a invitée à une place qui s'appelle Le Clandestin. Encore une fois, je me mets mignonne et je sors avec l'intention de m'amuser un brin. Quand je suis rentrée là, il y avait plus d'étudiants que de boissons alcoolisées au pied carré. Mettons que j'ai fait celle qui s'est trompée de porte.

J'ai fait une de mes premières vraies épiceries aujourd'hui. Je me rends compte que les années estudiantines m'ont marquées profondément. Tout d'abord, je réalise que j'ai encore le budget psychologique de 25 dollars pour mes courses de la semaine. À chaque fois que je vois un article de 4,99 et plus, je me dis que c'est trop cher et j'ai le réflexe de passer mon chemin. Maintenant que je fais plus d'argent, je devrais pourtant me lancer dans le fromage à bouche-que-veux-tu et m'envoyer les craquelins les plus chers et les plus bios du monde juste pour sentir que j'ai les moyens d'avoir une conscience sociale. Quand c'est rendu que t'as des palpitations devant ta marque préférée de yogourt parce qu'elle n'est pas en spécial mais que tu vas (peut-être) te la permettre, tu te rends compte que tu as mené une bien drôle de vie.

Je suis partie avec un paquet de biscuits, finalement (ce qui était proscrit de mon alimentation auparavant, car considéré comme non-essentiel à ma survie). Quand j'ai pris la boîte, j'ai senti l'émotion monter. Les biscuits étaient à 2,50$. Baby steps.

Ah, j'ai recommencé à lire, aussi. À jouer aux jeux vidéos. Je joue de la guitare (je suis vraiment mauvaise, mais j'aime ça). Et j'enseigne. Je me trouve vraiment chanceuse, parce que je fais le plus beau métier du monde (enseigner), dans la plus belle discipline du monde (la littérature) et que je suis payée pour le faire. Maintenant, J'OBLIGE du monde - pas toujours insignifiant - à lire des livres que je trouve intéressant. Je leur donne le moyen de les comprendre. Et quand ça ne fonctionne pas, je tourne le tout en dérision, j'ironise, je gueule. En dernier recours, j'enlève mon veston.

Comme je disais, il y a des choses qui ne changent pas.

1 commentaire:

  1. Bah c'est un réflexe encore pour moi de ne pas dépenser plus que 25.00$ d'épicerie. Mais peu à peu, les commandes de sushis et le vin plus cher ont pris place. Baby steps comme tu dis.

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