mercredi 20 février 2013

La vie est dans : Mes groupes

Je suis en train de mourir. Non, sérieusement. Je dois faire 10 000 de fièvre, présentement, je tousse, je crache mes organes internes ('sont fondus, anyway) et, pour prévenir la chute, je me tiens proche de mon bureau quand j'enseigne. Oui, parce que j'enseigne pareil. Que voulez-vous, je suis un peu gênée de prendre un congé de maladie alors que ça ne fait qu'un mois que j'enseigne. En plus, mes étudiants ont un gros examen la semaine prochaine, qui sera suivi par la semaine de relâche. Je ne peux pas le déplacer : j'ai besoin de la semaine complète pour le corriger. Et puis, cette semaine, j'accueille mes petits coquins de la formation continue. Alors on se sacrifie un peu, s'il vous plaît.
 
J'ai six groupes pour quatre cours. Pour les non-initiés, ça veut dire que j'enseigne - live - 22 heures par semaine, que je prépare des cours environ 15 heures par semaine, que je fais du centre d'aide en français 4 heures par semaine, que je suis disponible 8 heures par semaine à mon bureau et que je corrige un bon 2 heures de plus. Mettons que je n'ai pas le temps de m'ennuyer. Ça veut aussi dire que lorsque le cerveau est en train de fondre, ça use le système et que j'arrive à la maison sur les genoux.
 
Heureusement, j'ai des groupes merveilleux.
 
Le fait est que, lorsqu'on enseigne à six groupes différents, à Sept-Îles, on finit par être connue. Pas moyen d'aller m'acheter des bobettes sans tomber sur deux-trois étudiants qui magasinent à la Vie en Rose...ou qui y travaillent (« As-tu besoin d'aide pour ton soutien-gorge, Madame? ») . Or, quand on se promène dans le cégep même, croiser ses étudiants devient inévitable. Et les nouvelles vont très vite. Quand je rentre en classe, les étudiants sont sages : ils sont assis, silencieux, ils essaient de ménager ma voix en lisant des passages eux-mêmes dans leurs livres (eux qui détestent lire à voix haute!). Dans un de mes cours, on m'a offert des pastilles et une bouteille d'eau. Dans un autre, un étudiant s'est proposé pour faire mon secrétaire au tableau, que je puisse m'asseoir et revenir à une couleur normale. Mes cours se donnent presque tout seuls, et personne ne s'oppose à ce qu'on finisse d'avance pour que j'aille faire un ti-dodo en cachette dans mon bureau...
 
C'est ça qui me plaît, chez mes collégiens. Ils ont des réactions d'adultes : ils comprennent la situation, s'adaptent et essaient de la corriger du mieux qu'ils peuvent. Ils sont aussi pleins d'empathie (qui parfois, s'exprime par la suggestion - toute désintéressée - d'annuler le cours...ils sont si gentils!) et de respect. En même temps, je leur démontre qu'il n'y a pas vraiment d'état latent entre la vie et la mort : tant que t'es pas mort, tu peux venir à mon cours. Si je le fais, toi aussi, t'es capable.
 
Et je dois avouer que je profite allègrement de mon statut de demoiselle en détresse. Y'a toujours un chevalier-servant quelque part pour m'offrir de déneiger ma voiture, de porter ma mallette jusqu'à mon bureau ou d'aller chercher mes documents à la reprographie.
 
Vous pensez que je peux étirer ça combien de temps, une grippe?

3 commentaires:

  1. Moi, je dis, au moins 3-4 mois! Hey, tu viens des grandes villes, tu ne connais pas ça, toi, les maladies sauvages!

    Excellentes, les nouvelles! On se voit cet été, dis donc? Bisousssss!

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  2. Comme ils sont gentils en effet!!!
    J'ai trouvé drôle ton bout de La vie en rose...je suis enseignante aussi dans un petit village et pas moyen d'aller faire un tour à la pharmacie chercher une prescription sans voir un élève derrière le comptoir...ou en avoir un qui te tape dans le dos parce qu'il rencontre son prof...ou avoir à dealer avec un parent d'élève qui te croise dans l'allée des tampons. Le fun!

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    1. C'est qu'à enseigner dans de si petits endroits, on devient vite célèbre. Surtout quand on est un peu bizarre. Comme moi, genre.

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