dimanche 5 août 2012

La vie est dans : Le plan «P»

Je. Suis. Écoeurée.

Ce n'est pas de ma faute, mes lecteurs, si tout s'établit par la comparaison. Il s'agit de l'une des lois de l'univers : tout élément, fait ou constat se relativise lorsque mis en parallèle avec son contraire. En d'autres mots, vous êtes plus grosses que les mannequin des couvertures, votre chum est moins charmant que le sien et votre gazon aura toujours l'air moins vert que celui de voisin et ce, même si vous le peinturez au rouleau.

Quand on se compare, on se console? Pauvre mythe! À moins que vous ne fassiez l'effort de vous comparer à plus faible que vous, ce qui équivaut à regarder vers le bas. Pas tout à fait dans la nature humaine...Lorsque l'on est un brin carriériste, voyez-vous, faut prendre les moyens de ses envies. Prenez ce gars, aux Olympiques, qui arrive 21ème au plongeon. Vous pensez qu'il se compare à ma tante Thérère qui fait des flats dans sa piscine?

Nanon. Il se compare au Top Trois olympique et il enrage tout seul dans son trou d'eau.

Voyez-vous, j'ai toujours cru en la Rocky attitude. J'ai donné tout ce que j'avais au job rémunéré, dans mes études, dans mon stage et mes relations en croyant que ce qu'on obtient, on le gagne par le travail et par la compétence, par la capacité et les aptitudes. Sur la base que rien ne s'offre sur un plateau d'argent, je me suis mis les mains dans le four pour en sortir la miche de la réussite.

Sauf que voilà. J'ai les deux mains dans le four, direct sur le moule en métal, et je suis en train de me brûler solide.

Mois d'août. Pas de tâche, pas prévu d'en avoir une. Je n'ai pas opté pour une maîtrise (tannée pas mal de me faire tartiner le quotient intellectuel par une université qui me promet la lune si je lui décroche trois étoiles...) et je n'ai pas davantage eu le poste à temps plein dans mon entreprise. Moi qui croyais qu'à ce temps-ci de l'année, je courrais les rues en sifflant Eye of the Tiger pour me préparer psychologiquement à mon premier combat de prof, me voici au pied du mur, avec un appart à payer et deux chats à nourrir. J'ai épeluché ma listes de plans de vie jusqu'à la lettre «O». Nous voici donc au plan «P».

Pour panique.

Savez-vous quoi? J'ai bien envie de poursuivre le gars du choix de carrières. Celui qui m'a dit de suivre mes rêves et mes ambitions. Qui me poussait la littérature dans le dos (et même plus bas) en me répétant que j'étais un génie. Bon, d'accord, j'en suis un. Mais notre cher orienteur de mon coeur n'avait-il pas oublié deux ou trois détails? Genre...

- Qu'un baccalauréat en littérature ne peut être considéré comme pertinent pour faire augmenter un salaire de libraire.

- Qu'un baccalauréat en littérature s'avère nettement insuffisant à décrocher un métier de professeur.

- Qu'un baccalauréat en littérature ne constitue pas une expérience valable pour travailler en bibliothèque ou pour une maison d'édition.

- Que le baccalauréat en littérature est socialement considéré comme un bagage culturel mais non comme un domaine d'études valable.

- Qu'un enseignant au collégial n'a pas de date maximale pour prendre sa retraite et peut donc rester en poste jusqu'à ce qu'il ait finit de se putréfier.

- Que les syndicats enseignants empêchent quiconque n'ayant pas fait le baccalauréat en enseignement secondaire d'enseigner dans les murs des écoles de ce niveau et ce, même si l'individu détient les qualifications requises et l'expérience nécessaire.

- Que le certificat ou le baccalauréat en création littéraire ne fera de personne un meilleur écrivain qu'il ne l'est déjà.

Oui, parce que c'est TELLEMENT important d'étudier...quel beau projet. Sauf que dans une société où l'on peut facilement obtenir un emploi tout à fait respectable sans avoir franchi les barrières (grandes ouvertes, en passant) de son secondaire 5, que doit-on attendre d'une universitaire deux fois diplômée? Je coûte plus cher, je sais ce que je vaux, je ne veux plus faire la jobine que je fais depuis deux ans et je ne veux pas faire le travail d'un autre qui me considérera comme son larbin.

Mauvaise littéraire que je suis.

Vous savez quoi? C'est culturel, tout ça. J'avais des élèves de partout dans le monde, cet été. Des gens qui croyaient qu'il fallait à tout prix décrocher les diplômes menant aux carrières payantes pour avoir les moyens de faire ce que l'on aimait vraiment dans ses loisirs. Des gens qui croyaient que l'essentiel, c'était de travailler le moins possible pour avoir le temps de profiter de la vie et de sa famille. Toutes sortes de moyens de penser qui ne sont pas monnaie courrante ici, parce que nous tenons tellement à éduquer nos enfants que nous les empêchons de réaliser à quel point l'instruction ici, est marginale, dévalorisée et minorisée. J'irais même plus loin : notre système est ainsi fait qu'il devient pénalisant à nos cerveaux de s'afficher, que ce soit sur une sphère professionnelle ou privée. Les plus brillants d'entre nous se retrouvent ostracisés dès leurs plus jeunes âges pour être rabattus par des cromagnons au gourdin plus gros que leur toute petite riquiqui matière grise. Plus tard, on leur dira qu'ils sont surqualifiés.

Je ne suis pas contente.

Alors, qu'est-ce que je vais faire?

Je vais changer toute cette colère-là en charge d'impact. Demain, je commence à défoncer des portes. Il suffit d'envoyer mon curriculum dans le vide. Je veux parler à quelqu'un. Je veux dire au monde que je suis là, que j'existe, que je suis brillante, ambitieuse et carriériste. Je veux montrer ma compétence live et citer du Rostand pendant mon entrevue. Je veux planifier des cours jusqu'à minuit le soir alors que je me lève à 6h le matin. Je veux faire des promesses que je vais tenir, ne pas compter mon temps, faire du bénévolat et baîller dans mes réunions de profs.  Je veux rendre mes étudiants complètement fous en leur faisant lire du Voltaire, du Camus, du Balzac! Je veux créer des examens, je veux les mettre sous le nez de mes jeunes, je veux qu'ils réussissent.Je veux sortir de mon marasme et de ma maigre vie d'étudiante pour accéder à l'inconnue et très excitante vraie vie. JE VEUX ENSEIGNER!

Mais plus que ça...

Je veux crever les pneus de mon orienteur.




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