samedi 12 novembre 2011

La vie est dans : La solution

Parlons un peu de moi, voulez-vous?

Je suis une jeune fille de 25 ans. J'habite seule dans un 3 et demi. Je n'ai pas d'ordinateur Apple, de Ipod, de Ipad ou autre bidule. J'ai un cellulaire, mais pas de téléphone de maison. Je n'ai pas de permis de conduire, mais j'ai ma passe de bus. Je travaille entre 24 et 30 heures par semaine, à un salaire un peu au-dessus du minimum. J'étudie à temps plein à l'université Laval dans un programme de deuxième cycle ; je fais également des stages dans un Cégep de la ville de Québec. Je dirige une troupe de swing, bénévolement, et cela constitue ma seule activité sociale effectuée sur une base régulière. Ma mère habite avec ma grand-mère, mon père est décédé sans rien laisser derrière lui, et je n'ai qu'un accès très limité aux prêts et bourses. Je me débrouille comme je peux, et je ne m'en plains pas.

Ceci étant dit, je ne me considère pas comme «pauvre», seulement comme très serrée. À la limite. Et voilà que j'entends qu'on veut augmenter les frais de scolarité. Pis que cela, je lis, aujourd'hui même, que le nouveau régime de prêts et bourses ne pourra pas couvrir totalement la hausse des frais. Et moi, petite DESScente au sang chaud, je me dis : « Holà! Les étudiants vont bien monter aux barricades! »

...et ben non.

C'est que les étudiants, ils pensent. Et ils comptent, aussi. Ils comptent fort, et ils comptent gros, et ils ont de gros principe. L'égalité, c'est que tout le monde paie. Les américains paient, les anglo-canadiens paient, alors nous devons payer aussi. Dans un beau système où il n'y a jamais de perte, où les fonds injectés dans l'éducation vont directement dans les services et dans le perfectionnement des enseignements, où les étudiants prennent tous l'autobus et travaillent en communauté sur les ordinateurs présents dans la structure et où le téléphone ne sert qu'à téléphoner, que demander de plus?

Et d'ailleurs, il est où, le problème? Le système d'aide financière du gouvernement est là pour les autres. Et nos chers amis étudiants décisionnaires sont heureux de cette réflexion, et se disent qu'ils ont quand même une conscience sociale, car ils mettront une canne de tomate dans un panier de Noël, le mois prochain.

Ils ont raison.

Oui, car au fond, nous, petits étudiants aux moyens limités, mais prisonniers d'une faille dans le système, nous ne sommes que des domages collatéraux. De même que ces étudiants adultes, qui travaillent dans les McDonald's, et qui veulent retourner sur les bancs d'école : ils ne peuvent bénéficier du soutient financier, car leurs revenus sont calculés sur l'année antérieure. Vous savez, pendant qu'ils travaillaient à temps plein, au salaire minimum. Mais bon, ça prend quelqu'un pour retourner les burgers...Et puis, que dire de ces étudiants dont les parents refusent d'accorder une aide financière? Comme ils descendent d'une lignée de pingres, autant arrêter là la propagation du mauvais gêne.

Ils ont encore raison.
Sauf pour un détail.
Je fais partie de ces exceptions jugées comme négligeables.
Et je suis intelligente.

J'ai donc un plan. Un plan pas très socialement acceptable, j'en conviens. Il est même sur la ligne de l'éthique. Par contre, la fin justifiant les moyens, je peux bien jouer au jeu de la haute classe, si ça leur plaît.

Partons donc sur la prémisse que je ne me trouverai pas d'emploi à la fin de ce cours, qui est donc considéré, à partir de maintenant, comme inutile. Je me retrouve donc sans emploi et, grâce à la hausse des frais de scolarité, incapable de poursuivre mes études.

La première étape consiste à m'inscrire sur la liste des assistés sociaux. C'est laid, n'est-ce pas? Je vis comme je peux pendant un an : j'écris un second roman, je travaille un peu au noir, bref : I play the game. Mon niveau de vie ne changera pas beaucoup ; je profiterai, en plus, de l'assurance dentaire, du service ambulancier, du service d'optométrie...je ferai donc les petits travaux sur ma personne que je retarde, faute d'argent, depuis trop longtemps.

Après un an, j'ai le droit de prendre part à un programme qui me permet d'accéder à un cours visant à me réintégrer au marché du travail. En langage clair, le gouvernement me paie une formation pour me sortir du pétrin. Plomberie, ça me tente ; toujours pratique dans une maison, Faut juste que je me change la craque de place. Et qui sait? Je serai peut-être le premier plombier de Québec à citer Camus.

Une autre année passe. Je suis plombier. Grâce aux cotas privilégiant les femmes, je me fais engager immédiatement, à temps partiel, dans une compagnie de construction. Je me réinscris à la maîtrise. Je la termine dans les temps, car en travaillant deux fois moins, je gagne quatre fois plus, et je bénéficie des prêts et bourses, car je n'avais aucun revenu déclaré l'année d'avant.

Avec le D.E.S.S. et ma maîtrise, je me fais engager dans un collège. J'ai un cours supplémentaire en plomberie, payé par le gouvernement, et il m'a en plus payé une année complète à ne rien faire. Et je fais maintenant partie des fortunés de la socitété.

Oh, et vous savez la meilleure? Grâce à ce livre que j'ai écrit pendant mon année sabbatique, je gagne le Goncourt...ou tout du moins, le Femina.

Je l'ai dit, que j'étais intelligente.
Mais la société n'a que faire des génies...tant qu'ils n'ont pas d'argent.

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