lundi 14 janvier 2013

La vie est dans : Sept-Îles

Mon colocataire joue de l'accordéon.

Il pleut, ici. On m'avait décrit un pays blanc de neige, blanc d'hiver. Où les gens se déplacent en ski-doo et se réchauffent à l'alcool fort. Pourtant, ici, l'hiver se fond et mouille les bottes jusqu'à la doublure.

Le voyage a été long. Dix heures de route dans une brume plus épaisse qu'une purée de pois. Au moins, quand on roule à 30 km/heure dans une zone de 90, ça donne le temps de penser. Malheureusement, quand on pense en voiture, on pense plus à ce qu'on laisse en arrière qu'à ce qu'il y a devant. Au travers des montagnes, la bretelle qui nous mène au nord nous semble comme une longue complainte dans l'air humide de la mer.

Une chance, il y a mon coloc.

C'est un bon gars, mon coloc. C'est un gars, en tout cas. Même s'il a un nom de fille. Prof de psycho, en plus. En fait, prof d'à peu près tout. Ski, musique, raquette...Il cuisine, il fume, il enseigne et il fait de la contrebande d'ail. La première fois que je l'ai rencontré, il était en bobettes, à moitié réveillé et sur un lendemain de brosse. La deuxième fois, il écoutait de la musique classique dans le salon et il lisait de la philosophie. Faudra bien que je le laisse m'amener dans le bois, bientôt. On pourrait aller se perdre quelque part, qu'il me montre combien c'est beau, Sept-Îles.

Je suis allée au Cégep aujourd'hui. J'ai dû rencontrer le personnel au complet. Je semble être le bébé-bébé du département (la plus jeune et la pluss nouvelle), ce qui attire beaucoup l'attention. Naturellement, qui dit département de français dit département de filles. Beaucoup de cocottes donc, l'air survolté de la session qui commence faisant cliqueter leurs boucles d'oreilles. Elles sont jolies, elles sont maquillées, elles sont en talons hauts. Bref, c'est des madames. Des madames avec des clés USB, des séquences didactiques et des méthodes pédagogiques, mais des madames pareilles. Et, en ce qui me concerne, elles n'ont qu'une seule mission.

M'intégrer.

Bref, on m'a donné des becs, on m'a serré la main, on m'a donné assez de matériel de bureau pour scolariser un petit pays du tiers-monde, puis on m'a laissé là en m'informant que ma tâche allait encore monter et qu'elle serait donc pas mal pleine cet hiver. Même que la coordonatrice (une madame bien branchée, avec un doctorat en grec ancien...fouille-moi pour savoir quelle haine du temps libre peut te pousser à étudier une langue aussi morte que ça!) avait l'air un peu inquiète. Faut dire qu'elle ne me connaît pas encore...

Je me suis  fait enrôler dans le prix littéraire des collégiens (vive les livres gratuits!) et j'ai faillit me faire embarquer dans un groupe de recherche (qui prend forme dans la revue littéraire Le Littoral, spécialisation Nord-Côtière), mais comme je n'y connais rien, mon voisin de bureau n'a pas trop insisté. En parlant de mon bureau, je suis complètement au fond, un peu à part, et j'y serai toute seule la plupart du temps. Tant mieux, quand j'y pense. J'ai beaucoup de travail à faire. D'ailleurs, j'ai appris à midi que mon plan de cours était à remettre pour demain, juste après notre formation anti-terroriste (ce n'est pas une blague). By the way, vive la planif-que-je-n'ai-pas-apprise-à-faire-en-didactique-du-français...

Ce n'est pas facile de n'être pas chez soi. Parfois, la nuit, j'ai envie de ramper sous le lit pour retrouver une peluche, ou une quelque forme de réconfort cachée dans le noir. Mais il n'y a rien, sous le lit. Pas de peluche, pas de chat. Alors je regarde vos photos, vous, mes amis que j'ai laissés derrière et que je n'ai pas vu assez avant de partir. J'envisage de m'acheter un capteur de songes sur la réserve pour vous y retrouver au matin, accrochés dans les plumes. Au lieu de ça, je me transforme en madame et je me dirige vers mon nouveau travail en entendant sonner mon nouveau trousseau de clefs.

J'ai du temps pour m'habituer. Il y a sûrement de la beauté cachée dans la grisaille. Mais pour l'instant, je ne vois que ma mélancolie.

Et je n'entends que le silence d'une ville endormie, et l'air triste d'un l'accordéon.

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