mercredi 20 juin 2012

La vie est dans : La collation des grades

Fallait que j'y passe.

Mon baccalauréat s'étant terminé en queue de poisson (on pourrait même dire en queue de marsouin tellement c'était absurde...) je n'avais malheureusement pas pu assister à ma première collation des grades. Tristesse, tourments et damnation éternelle me guettaient. Cependant, voilà que, oh, surprise, au détour de ma formation universitaire, je réussis à passer au travers d'un second programme scolaire (du moins, en théorie parce, hey, la grève...). Or donc, faut bien me graduer, en même temps que les autres.

C'est là que ma mère s'emballe. Faut croire que ça vient avec le rôle de maman : une obsession incroyable pour le cotillon l'emporte. Elle qui n'a jamais mis les pieds dans une université, elle déclare à tous vents que c'est un des moments les plus importants dans une vie, qu'il faut absolument  que je m'y présente et que je passe au fer plat pour l'occasion.

Misère. Moi qui suit aussi délicate qu'un discours de Richard Martineau...

Vous savez ce qu'on dit, dans ce temps-là? Rien du tout. Je n'ai qu'une mère, et si ça lui fait plaisir, on fait ce que doit. Voilà donc que je me lève à 6h du matin, un samedi, et que je me douche, et que je me coiffe par-ci et me maquille par-là (je vous fais grâce de la séance d'épilation de la veille - c'est dur d'être une fille!). Masque de fond de teint et casque de spray net ; me voilà déguisée en jeune fille BCBG pour famille haut-de-gamme, mes amis. Robe courte qui me dévoile le haut-de-cuisse (en spécial cette semaine chez IGA), talons assez haut pour se défenestrer si on en tombe et tutti quanti, j'ai l'air d'un curieux croisement entre Coco le Clown et Anne-Marie Losique.

Je monte dans ma voiture, boucle ma ceinture. Fais attention à ma vie (si je meurs en allant là, ma mère me ressuscite et m'asssassine). Seul accroc à ma vie de jeune fille rangée : la chanson à la radio. Bon Jovi, Give Love a Bad Name. Je trahis mon côté coquin, voyez...

Je débarque dans le stationnement B2 en même temps qu'une jeune fille que je nommerai « Cocotte » pour les besoins de la cause. Or, ma face revient à « Cocotte », mais pas le contraire. Comme je suis amenée, dans mes divers milieux sociaux, à fréquenter beaucoup de gens et que j'ai honte quand je ne reconnais pas un visage, je fais semblant de rien et on passe une bonne heure et demie à se jaser. Au travers, on finit par être autorisées à descendre dans la voûte où ils conservent les toges, et là, c'est toute une histoire.

On essaie, trop court, trop long, et les petits préposés nous arrangent ça comme il faut et nouent ça en belle boucle sur le devant, prenant soin de nous déshabiller au maximum au préalable. Bah oui, hein, c'est parce qu'il va faire chaud en-dessous de ça. J'entends au passage la rumeur qu'un gars de philo a décidé d'y aller pour un commando intégral (rumeur non-confirmée par votre humble serviteure).

Finalement, «Cocotte » se rend compte qu'on ne se connaît pas en rencontrant la vraie moi (enfin, l'autre). La voilà qui repart. Avec un oeil de gros-méchant-fâché. Pas le temps de feeler cheap, je viens de retrouver les inDESScents!

En passant, gagne, pas fort. Sur environs 90 appelés, nous voilà une dizaine, faible échantillonage qui n'habite pas trop loin de l'université. Faut croire que la distance compense la récompense (hey hé!). Étude des souliers de toutes les filles : j'aurais pu me mettre en gougoune, finalement. On se réajuste le chignon (et la boucle sur le devant : sont poches, les préposés!) et une madame nous rappelle que c'est le temps de la pause pipi et qu'on doit être là ABSOLUMENT dans les 15 prochaines minutes sinon le monde explose.

On prend le temps de lire les règlements de la collation des grades. Oui oui, il y a un règlement, qui spécifie, entre autres, qu'il vaut mieux mourir de soif que de s'absenter pendant la cérémonie pour combler nos besoins. Le pire, c'est que ce n'est pas une blague. La madame, ensuite, nous fait une démonstration de la façon de se présenter sur la scène, de serrer les mains et faire des beaux sourires. Nous rappelle qu'on doit se tenir à notre place. Qu'il ne faut pas qu'on change de place. Qu'il n'y a rien de plus dramatique que de changer de place.

Ensuite, on nous aligne.

Bienvenue dans l'armée. Tout le monde devient hyper-sérieux, les agents de sécurités parlent dans leurs oreillettes, on confirme le dégagment des allées, les organisateurs appellent les numéros, rappellent les perdus, ordonnent l'ordre. Je suis classée, encadrée entre deux de mes congénères, et on me dit d'avancer alors j'avance. Deux trois fois, on vient me demander c'est quoi mon numéro, sans que je ne sache trop pourquoi. Et on marche sans savoir trop de youskon s'en va, jusqu'à ce qu'on se retrouve au milieu d'une horde de parents hystériques sur fond (répété maintes et maintes fois) de la Graduation Song .

Première constatation, ma mère n'est pas là.

On nous asseoit. Je suis juste à côté d'une fille avec qui j'ai fait mon cégep, aussi. Bizare. Je n'arrive pas à me défaire de l'image d'elle à cette dernière représentation de théâtre que nous avions joué ensemble (du Ionesco ou du Beckett, pour rajouter une dose d'absurde). Ma mère ne vient pas voir, mais les parents trouvent mes 50 voisins. Tout le monde s'asseoit. Tout le monde se relève. Rentre un gars avec un septre, trois quatre douze personnes avec des toges poilues et un curé en blanc. Tout le monde se rasseoit. Ça a l'air d'une messe mal organisée. D'une secte, peut-être. Je rigole parce que c'est drôle mais le monde sérieux d'en arrière me pssite. Quand je me retourne pour voir qui me cherche de même, je croise le carré rouge d'une autre rangée de toges, en arrière. Ça aussi, c'est drôle. Je me demande s'ils obtiennent leurs diplômes pour vrai, eux.

Discours. Le recteur nous dit qu'il faudra rappeler aux consommateurs leur humanité. Oui, parce que quand tu gradues éducation, philo et socio, tu dois t'attendre à ce qu'il n'y ait pas grand consommateurs là-dedans...Le commentaire me vexe, un brin. Moi qui vait gagner le prix Nobel de littérature, je pense que j'aurai bien le droit d'être considérée comme une consommatrice avérée. Mais bon, ce n'est pas le temps de faire une sortie de capitaliste frustrée. Si au moins il avait écrit son discours lui-même, passe encore. Mais à voir la façon dont il s'enfarge, je doute. Y'a un ghost writer en-dessous de ça qui a oublié de dire à son client de le lire avant.

Discours. Diplôme honoris causa (le même que Céline, mais pas à la même place). Bien sûr, la madame ne parle pas un mot de français (bon, sauf « merci » après les applaudissements...) mais fait quand même une allusion à Star Treck dans ses encouragements. Correct la grande, tu as fait rire ceux qui te comprennent, God Bless America, We are Proud, We are American, and We're gonna win this WAR!

Discours. J'écoute plus, je suis en train de mourir sous ma toge. Tout le monde s'évente avec les règlements de la collation. Enfin, on commence à diplômer deux ou trois têtes doctorantes qui ne savent pas trop où aller. Ça défile, ça défile. Un monsieur sérieux fait lever ma rangée, me demande mon numéro (WTF?!?) et nous fait parader une bonne minute, une madame ajuste ma sacrement de boucle, jusqu'à ce que...

SOURIRE! Je suis sur la scène, à côté d'une madame qui dit mon nom. Ne pas tomber de mes talons. Ne pas tomber de mes talons. Ah, monsieur le Cur...recteur! Il m'appelle par mon prénom. J'ai le goût de l'appeler Steeve, mais je me retiens (j'ai lacé serré mon esprit de bottine). Ça l'air qu'il me gradue bord en bord en me tendant un diplôme qui a fait le tour de douze personnes avant de se retrouver là. Je serre la main du diable et je descends de l'escalier, diplôme en main. Ok, c'est beau!

C'est là que ma p'tite soeur m'accroche par la manche de toge et me tire en-dehors du chemin. Bouquet de fleur et tasse Ketto, Maman, Grand-Maman et madame pas rapport qui se demande si son gars est passé ( j'ai-tu l'air d'un horaire sur pattes, Madame? Voyez pas que je gradues?). « Félicitation, Mademoiselle! » Ouain. Tant que tu ne me demandes pas mon numéro. Photo, photo, on a l'air d'une gagne de chinois dans le vieux Québec, bisous, bye bye.

Et bon, je me suis poussée. Y'a des limites à se sacrifier pour la cause dans le but de recevoir une lettre de « lâches pas, ma grande, ton diplôme s'en vient! » qui ne porte même pas mon patronyme. Je suis rentrée chez moi, suis passée chez Loblaws acheter un vase assez grand pour le demi-champs de blé d'inde qu'ils ont rasé pour me donner ça, rajouté une Sangria par là-dessus et j'ai rappelé ma date de-mon-char-qui-partait-pas.

Tant qu'à rentabiliser une coupe de cheveux, tsé...

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